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Enfants malades à La Réunion : le combat des exilés médicaux

7 septembre 2016

Chaque année, plus d’une centaine d’enfants malades arrivent à la Réunion pour suivre un traitement médical, que leurs pays ne peuvent dispenser. Le nombre de ces enfants évacués vers la Réunion, pour raison médicale, ne fait qu’accroître d’année en année. Ils étaient 340 en 2015. Parmi eux, certains devront suivre de longs traitements à La Réunion.

Pour leurs parents, à l’angoisse de la maladie s’ajoutent les épreuves administratives : venir jusqu’à la Réunion et obtenir un titre de séjour relève du parcours du combattant.

Voici le chemin parcouru par Ahamed, mère de Fayaz.

Sur un banc du parc de la Trinité, Ahamed M. joue tranquillement avec son enfant dans l’herbe. Cette comorienne originaire de Anjouan a réalisé un vrai parcours du combattant pour venir en aide à son fils Fayaz. Ce garçon de six ans est atteint d’une ostéogénèse imparfaite ou encore appelée « maladie des os de verre ». Ce handicap se traduit par différents symptômes : extrême fragilité des os, fractures multiples, déficit de croissance, déformation de la colonne vertébrale, grande perte de vision…

La trentenaire est d’abord orientée vers Madagascar pour soigner son enfant car le visa s’obtient plus facilement. Elle quitte les Comores en 2011 et fait deux séjours de trois et six mois. Mais Fayaz nécessite de plus lourds traitements, dont une greffe pour ses yeux. En rentrant aux Comores, elle souhaite faire évacuer son enfant vers Mayotte mais sa demande est refusée. « Je ne comprends pas c’était une urgence… Si tu n’as pas d’argent, on ne veut pas. Peut-être à cause de la corruption… », explique-t-elle.

Elle décide donc de tout laisser derrière elle le 9 octobre 2013 et traverse l’Océan indien jusqu’à Mayotte en « kwassa-kwassa », une embarcation de fortune. C’est sa belle-mère qui la pousse à faire le voyage car elle ne supporte plus de voir son petit-fils, aveugle, lui demander « d’allumer la lumière ».

Ahamed arrive à Mayotte accompagnée de son cousin, de son deuxième fils, Ikram âgé de 14 ans et de Fayaz. Elle vit chez une amie puis dans un foyer. Mais six mois après leur arrivée, une première évacuation sanitaire vers la Réunion est organisée pour Fayaz afin qu’il reçoive un traitement pour consolider ses os, traitement qui ne peut être dispensé à Mayotte. Ce dernier doit être fréquemment renouvelé pour être efficace ; une seconde évacuation est donc réalisée trois mois plus tard. Et cette fois-ci, l’équipe médicale décide que la pathologie de l’enfant et son état de santé ne permettent pas un retour à Mayotte. Ahamed doit donc entreprendre les démarches pour régulariser sa situation à La Réunion. Sur l’île, elle vit dans un premier temps à l’hôpital puis dans un foyer.

Aujourd’hui, et après de nombreuses démarches, elle est titulaire d’une autorisation provisoire de séjour renouvelable tous les six mois. Outre de l’enfermer dans des conditions d’existence précaire (difficulté à trouver un logement, impossibilité d’acquérir une autonomie financière), ce droit au séjour de courte durée l’empêche de demander un document de circulation pour étranger mineur qui permettrait à son second fils, bloqué à Mayotte et dont elle est séparée depuis près de deux ans, de les rejoindre. En effet, pour bénéficier d’un tel document, le parent doit être titulaire d’une carte de séjour d’un an.

Cette situation n’est pas viable pour Ahamed mais elle tient bon : « Le but c’est Fayaz, c’est un sacrifice, je ne peux pas renoncer », s’attriste-t-elle. L’enfant est hospitalisé quatre jours par semaine à l’hôpital d’enfants de Saint-Denis.

L’histoire d’Ahamed n’est hélas pas un cas isolé. C’est un véritable parcours du combattant qui attend le parent pour séjourner dignement aux côtés de son enfant, quand celui-ci a surmonté le premier obstacle : arriver jusqu’à La Réunion.

Au regard de la situation, La Cimade se mobilise pour défendre les droits de ces parents accompagnant leur enfant malade par l’introduction d’actions contentieuses en vue de stabiliser leur séjour.

Un recours devant le tribunal administratif est en cours concernant la situation d’Ahamed pour lui permettre d’obtenir une carte de séjour d’un an.

Notre objectif : permettre à ces parents d’être aux côtés de leur enfant, de mobiliser leurs forces pour combattre la maladie… plutôt que l’administration française.

 

 A paraître : un article dédié aux petits exilés médicaux dans le n°90 du Causes communes d’octobre 2016.

Ilôt de T’samporo, à 5km des côtes de Mayotte, 15 minutes en kwassa-kwassa de traversée, juin 2012. © Vali Faucheux

 


PRECISION JURIDIQUE

L’évolution du droit au séjour des parents d’enfant malade :

De la carte de séjour temporaire mention Vie Privée et Familiale (art. L.313-11 7° du CESEDA…

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2016, il n’existait pas de titre de séjour ad hoc « parent d’enfant malade ». Donc, pour des personnes résidant en France avec un enfant malade à leur charge, le motif de régularisation reposait sur le fondement de l’article L.313-11 7° du CESEDA. Ces personnes obtenaient des cartes de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » (avec droit au travail automatique) au motif que l’essentiel de leurs liens personnels et familiaux sont en France puisque l’enfant dont elles ont la charge est gravement malade, doit rester en France pour se faire soigner faute de traitement approprié dans son pays d’origine et qu’il a besoin de ses parents (des adultes qui le prennent en charge) auprès de lui.

… à l’APS « parent d’enfant malade » (art L.311-12 du CESEDA)

Avec l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006, le législateur a créé un titre de séjour spécifique aux parents d’enfant malade. L’article L.311-12 du CESEDA prévoit la délivrance d’une Autorisation Provisoire de Séjour (APS) de six mois.

Ces dispositions du CESEDA sont un vrai piège juridique puisqu’elles sont moins intéressantes pour les personnes concernées que l’article L.313-11 7° du CESEDA

 

Auteur: Région Outre-Mer

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