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L’échec d’une politique d’expulsion aveugle

1 juillet 2016

L’outre-mer a concentré à elle seule plus de 60% des expulsions survenues en France en 2015, soit 25010 personnes. Des expulsions bien trop souvent abusives, inutiles et disproportionnées…

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Le 28 juin dernier est paru le 6ème rapport annuel sur la rétention administrative intitulé :

Enfermement et éloignement :
des pratiques démesurées au détriment des droits fondamentaux

 

La Cimade et les 4 autres associations intervenant dans les centres et locaux de rétention administrative, questionnent la finalité d’un enfermement qui se révèle, cette année encore, massif et absurde.

« Traumatisante en soi, la privation de liberté ne devrait être ni systématique ni banalisée. »

Ce constat général s’applique tout particulièrement aux départements d’outre-mer, qui concentrant à eux seuls plus de 60% des expulsions survenues en France en 2015, soit 25010 personnes et plus de 40% des enfermements, soit 19 618 personnes.

Les violations des droits générés par l’enfermement sont donc particulièrement prégnantes sur ces territoires où tout va toujours trop vite.

Depuis les centres de rétention, l’éloignement des personnes y est organisé en un temps record, 15 fois inférieur à celui de la métropole (0,8 jour en moyenne), où le contrôle par un juge des conditions d’enfermement et d’expulsion est rendu quasi anecdotique par des lois d’exception.
Les personnes y font ainsi un passage éclair souvent sans pouvoir organiser correctement leur défense.
En marge des centres de rétention, ce sont plusieurs centaines voire milliers de personnes qui sont expulsées en toute invisibilité et sans accompagnement juridique.

On assiste à une fuite en avant de la politique d’expulsion, dont l’objectif est avant tout de faire du chiffre en renvoyant de l’autre côté du fleuve ou du bras de mer, à répétition et sans constituer le moindre début de solution à des problématiques pourtant anciennes, dans des régions où les migrations entre îles et territoires voisins sont historiques et inévitables.

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Mayotte, la démesure poussée à l’extrême

A Mayotte, qui constitue pourtant l’un des plus petits départements français, le déficit de droit est tel que les chiffres sont toujours aussi impressionnants : 18 763 personnes expulsées, 17461 enfermées.   Ce territoire représente à lui seul les trois quarts des expulsions depuis l’outre-mer pour l’année 2015.

Les atteintes aux libertés fondamentales atteignent des sommets avec pas moins de 4378 enfants expulsés, couramment avec des adultes qui ne sont pas leurs parents et sans savoir ce qu’il adviendra d’eux une fois arrivés dans le lieu de destination, et ce en dépit de plusieurs condamnations par le Conseil d’État et le tribunal administratif de Mamoudzou.

Si un nouveau méga centre de rétention de 136 places prévoit désormais des conditions matérielles d’enfermement bien différentes de celles du précédent bâtiment,  le dispositif d’accompagnement juridique des personnes enfermées reste largement sous-évalué.

Malgré l’arrivée de deux accompagnateurs salariés de Solidarité Mayotte en novembre dernier, seuls 9% des personnes enfermées ont pu rencontrer l’association pour se faire accompagner dans leurs démarches juridiques, et tenter de se faire libérer à temps.

En complément de ce CRA souvent saturé, 995 personnes ont été enfermées dans des locaux de rétention administrative, aux normes d’hébergement et d’accès aux droits dégradées et où aucun observateur indépendant n’intervient. En 2015, 328 enfants y ont été enfermés en toute illégalité.

MAYOTTE

Ces expulsions sont d’autant plus inutiles qu’avec un bras de mer de 70 km qui sépare Mayotte d’Anjouan, l’île des Comores la plus proche, la disposition géographique de l’archipel pousse les personnes expulsées à rapidement tenter de nouveau la traversée vers Mayotte, au risque de leurs vies, quitte à devoir repasser par le centre de rétention.

 

La Réunion, un centre de rétention vide (de sens)

Zéro personne au centre de rétention. Ce constat, identique à 2014 (3 personnes enfermées en 2013) et qui tranche farouchement avec son voisin mahorais, laisse perplexe et pose la question du maintien d’un lieu de rétention dans ces circonstances.

REUNION

Bien loin de cette perspective, le CRA est actuellement en travaux pour remise aux normes.
Cette absence de placement n’est pas synonyme d’absence d’édiction de mesures d’éloignement par la préfecture.  En 2015, 25 expulsions ont été organisées depuis La Réunion en toute opacité.

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Guyane, expulser vite et sur l’autre rive du fleuve

Le centre de rétention présente désormais des conditions matérielles d’enfermement améliorées, mais ces aménagements ont aussi été l’occasion d’augmenter sa capacité de placement.

La Guyane ne déroge pas à la règle en matière d’expulsions express : sur les 1306 personnes enfermées au centre de rétention en 2015, 868 sont restées moins de 48h, réduisant d’autant leur possibilité d’organiser leur défense. En 2015, seul 3,5% des personnes enfermées ont pu voir le juge chargé d’examiner les conditions d’enfermement alors que parmi elles, 83% ont été libérées pour irrégularité de la procédure.

Mais c’est en marge du CRA et à l’abri des regards, que la majorité des expulsions s’organisent : en 2015, ce sont plus de 4 000 personnes qui ont été renvoyées dans la foulée de leur interpellation.

GUYANE

Si 2015 a vu l’arrêt partiel des renvois sans formalité vers le Suriname y compris des ressortissants tiers non admissibles sur ce territoire, cette pratique perdure illégalement pour les personnes ayant un passif judiciaire ou se déclarant de nationalité surinamaise.

La baisse consécutive des renvois vers le Suriname s’est accompagnée d’une hausse du nombre d’expulsions vers le Brésil, organisées à l’appui d’un accord de réadmission. Car ces renvois de l’autre côté du fleuve – Oyapock ou Maroni – permettent d’éloigner beaucoup plus facilement. Expulsées en bus puis en pirogue, ces personnes sont ainsi mises en capacité de revenir rapidement en sens contraire et sont, pour la plupart, expulsées plusieurs fois au cours de l’année, permettant à la préfecture de gonfler illusoirement les chiffres des éloignements.

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Guadeloupe, des expulsions éclairs au détriment des droits

Martinique et Saint-Martin, dans l’angle mort de l’accompagnement juridique

Le nombre de personnes enfermées au Centre de Rétention de Guadeloupe est en constante augmentation depuis 2010 : en 2015, 416 personnes ont ainsi été placées, contre 336 en 2014.

Là encore les personnes enfermées sont vite expulsées. L’an dernier, la moitié d’entre elles a été expulsée avant de  voir le juge chargé de contrôler les conditions d’enfermement. Ce constat est d’autant plus alarmant lorsqu’on sait que le juge a libéré une personne sur deux parmi la moitié restante.
Pour mettre en pratique cette politique du chiffre, la préfecture de Guadeloupe s’attarde sur les nationalités particulièrement faciles à expulser, comme les ressortissants de la Dominique, île située à moins de 50km des côtes.

GUADELOUPE MARTINIQUE ST MARTIN

Le centre de rétention de Guadeloupe est également un point de passage pour les personnes arrêtées à Saint-Martin et à la Martinique, qui sont placées là-bas dans des locaux de rétention administrative (LRA) puis transférées au bout de 48h quand leur expulsion n’a pas pu être programmée dans ce délai. Or la situation dans LRA suscite de vives inquiétudes, les violations de leurs droits semblant y être monnaie courante. Au cours de l’année 2015, 351 et 137 personnes ont respectivement été enfermées à la Martinique et à Saint-Martin. Parmi elles, 88 ont été transférées au CRA de Guadeloupe La situation des autres reste très opaque puisqu’aucune association n’est habilitée à intervenir dans ces locaux.

 

Devant le constat d’un enfermement trop souvent abusif, inutile et disproportionné, nous appelons de nos vœux la fin de cette politique d’expulsion généralisée et la mise en œuvre de véritables alternatives à la rétention.

 

Sources images : google maps

Auteur: Région Outre-Mer

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