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Migrants d’Ouragans

22 décembre 2017

Alors que les Ouragans du mois de septembre ont déclenché des chaines d’entraide entre les peuples caribéens ainsi que des déclarations multiples de solidarité des autorités publiques, force est de constater que les obstacles administratifs et politiques continuent d’entraver les pas des étrangers sur la voie de la reconstruction de leurs vies et de leurs îles.

          Le mois de septembre aura été particulièrement éprouvant dans les petites Antilles, théâtre cette année de phénomènes climatiques extrêmes. Non moins de 3 ouragans majeurs se sont succédés, dont Irma ayant dévasté Saint-Martin et Maria n’ayant pas été plus clémente envers la Dominique.

Si des sinistrés ont été évacués vers la Guadeloupe depuis la collectivité française de Saint-Martin, de nombreux dominiquais ont enfourché les ailes de l’île papillon voisine.

Alors que ces événements ont déclenché des chaines d’entraide entre les peuples caribéens ainsi que des déclarations multiples de solidarité des autorités publiques, force est de constater que les obstacles administratifs et politiques continuent d’entraver les pas des étrangers sur la voie de la reconstruction de leurs vies et de leurs îles.

 

Irma ou la double peine des étrangers de Saint-Martin

Dans les premiers jours suivant le passage d’Irma sur Saint-Martin des centaines de personnes ont été évacuées vers la Guadeloupe. Parmi elles, certaines ont tout perdu. Parmi elles certaines sont étrangères. Parmi elles certaines n’ont pas de papiers.

Beaucoup, en cours de renouvellement de titre, ne peuvent quitter la Guadeloupe afin de rejoindre leurs proches, au risque de ne pouvoir y revenir.

Après avoir longtemps opposé la compétence territoriale des préfectures et l’impossibilité de reprendre la main sur les dossiers depuis la Guadeloupe, la préfecture de Guadeloupe semble enfin avoir pris la mesure de la situation et chercher des solutions individuelles pour qui vient frapper à sa porte. Pour autant aucune solution globale n’a été proposée.

A Saint Martin, le service des étrangers n’a semble-t-il pas encore repris sa pleine activité et une grande partie des dossiers ont été emportés par les vents. Nombre de personnes, qu’elles soient à Saint-Martin ou en Guadeloupe, devront donc recommencer les démarches à zéro et vivre encore, ou de nouveau, en situation irrégulière. Ces démarches sont compliquées par les pertes de justificatifs occasionnées par Irma.

Dans ces conditions, certains de ceux qui ne pensaient ne faire qu’une halte en Guadeloupe s’apprêtent finalement à y rester, longtemps ou pour une année scolaire, et à attendre de réobtenir un titre auprès de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre.

A Saint-Martin la vie quotidienne reprend peu à peu son cours, pour le meilleur … et pour le pire. Dans un premier temps les renvois ont cessé suite aux dégâts causés aux locaux de la police aux frontières et à la fermeture du CRA de Guadeloupe dont les effectifs ont été mobilisés sur Saint-Martin. L’organisation des expulsions a aujourd’hui repris puisque depuis le 29 novembre, des personnes sont transférées depuis le local de rétention de Saint-Martin vers le centre de rétention administrative (CRA) de Guadeloupe à cette fin.

Maria ou quand les frontières prennent le pas sur les solidarités caribéennes

Après le passage de l’Ouragan Maria sur la Dominique dans la nuit du 18 au 19 septembre, nombre d’habitants de l’île ont tenté de s’approvisionner en produits de première nécessité en Guadeloupe ; la Dominique, située entre la Martinique et la Guadeloupe n’ayant d’autres voisins que les Antilles françaises.

Marie-Galante, juste en face des côtes dominiquaises s’est trouvée être un point de ravitaillement majeur. En vertu d’échanges séculaires en bateau de pêcheur entre les deux îles, de nombreux dominiquais se sont rendus à Marie-Galante pour faire des courses, approvisionner une île qui manquait de tout. Ils sont souvent entrés irrégulièrement sur le territoire pour s’économiser l’achat du billet de ferry jusqu’à Pointe-à-Pitre, une dépense majeure en de telles circonstances.

La réponse de l’administration française à cet état de fait a été dans un premier temps une interruption des expulsions vers la Dominique. Toutefois cela n’a pas signifié un arrêt des placements en centre de rétention, même si ces personnes ont ensuite été libérées. Nombre d’entre eux étaient d’ailleurs des personnes haïtiennes vivant en toute régularité en Dominique, dont certains ayant fui Haïti après la perte de leurs biens et de leurs proches lors du tremblement de terre ayant frappé le pays en 2010. De toits écroulés en toits envolés, ces étrangers parmi les étrangers n’ont certes pas été expulsés, ni vers Haïti ni vers la Dominique, mais n’en sont pas moins restés sous le coup d’obligations de quitter le territoire et d’interdictions de retour.

A partir du 21 octobre, les expulsions vers la Dominique ont repris de plus belle.

Venant compléter leurs courses, ou se reposer chez des proches en Grande-Terre, plusieurs citoyens dominiquais ont été arrêtés au port de Pointe-à-Pitre et placés en CRA puis expulsés.

Ces expulsions, ou tentatives d’expulsions de personnes n’ayant pas d’intention de s’installer en Guadeloupe, n’ont pas grand sens même en considérant les objectifs affichés de la politique migratoire française en Guadeloupe.

Les situations humaines de certains d’entre eux étaient d’ailleurs particulièrement difficiles, beaucoup ayant tout perdu en Dominique, qui sa maison emportée par une rivière en crue, qui ses plantations ravagées. Un jeune homme rencontré en CRA qui s’était rendu à Marie-Galante la veille du passage de Maria, y a perdu sa mère et ses deux frères.

De manière plus générale, alors qu’une partie importante des personnes dominiquaises placées en rétention avant le passage du cyclone préféraient ne pas s’opposer à leur expulsion afin de rester le moins de temps possible en centre de rétention, la plupart indiquent être désormais totalement démunis en Dominique et souhaitent demeurer en Guadeloupe ; parce que le centre de leurs intérêts matériels et moraux se trouve en Guadeloupe pour certains, mais également, parce que leurs biens ont été détruits ou qu’ils ont perdu toute attache sur place.

 

          Ces événements récents n’ont pas encore dévoilé toutes leurs conséquences et les problématiques migratoires en découlant restent nombreuses.

Cela dit, ces ouragans sont venus rappeler si besoin était, que les Antilles sont un espace historique d’échanges et que les distances humaines entre les différentes îles sont moins grandes que ne le laissent supposer les frontières politiques ou la profondeur des océans.

Auteur: Région Outre-Mer

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