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Une journée ordinaire à la préfecture de Basse-Terre

21 janvier 2015

Madame Jérémie, de nationalité haïtienne, vit depuis 20 ans en Guadeloupe. Elle est mariée à un Français Guadeloupéen depuis 2009 et leur vie commune est bien antérieure. Ils ont un fils de 10 ans. Tous les trois vivent dans une section de la commune de Sainte-Rose où Madame Jérémie tient pour son compte un petit restaurant.

Madame Jérémie, de nationalité haïtienne, vit depuis 20 ans en Guadeloupe. Elle est mariée à un Français Guadeloupéen depuis 2009 et leur vie commune est bien antérieure. Ils ont un fils de 10 ans. Tous les trois vivent dans une section de la commune de Sainte-Rose où Madame Jérémie tient pour son compte un petit restaurant.

En tant que conjointe et mère de Français, elle a été titulaire de plusieurs titres de séjour d’un an renouvelés sans trop de difficulté jusqu’ici. Elle a été convoquée en décembre à la préfecture de Basse-Terre pour un nouveau renouvellement. La convocation était pour 8h et précisait les pièces qu’elle devait fournir.

Madame Jérémie n’a pas de véhicule privé. Son restaurant lui permet de dégager un revenu mensuel d’au plus 1500 euros, en travaillant six jours sur sept de 9h à 20h. Pour rejoindre le Bourg de Sainte-Rose, point de départ du transport en commun, elle doit marcher 30 à 40 minutes. Elle a pris le premier car à 5h30 et, après un changement de bus à Pointe-à-Pitre, elle est arrivée en préfecture peu après 8h. On lui a indiqué qu’elle arrivait trop tard et que, compte tenu du nombre de migrants à recevoir elle ne pourrait pas être reçue. Trois jours plus tard, levée à 4h, elle a fait une nouvelle fois le voyage. Mais on ne l’a pas reçue, invoquant le même motif.

C’est alors que Madame Jérémie a fait appel à La Cimade.

En tant que bénévole du groupe local de Guadeloupe, j’ai donc pris rendez-vous avec elle le jeudi 15 janvier à 6h15 à Baie-Mahault pour l’accompagner à la préfecture de Basse-Terre avec ma voiture. Nous sommes arrivés en préfecture vers 7h15 ; quatre personnes attendaient déjà devant le bureau des étrangers.

À 8h05, une dame – qui semble avoir débuté sa carrière de fonctionnaire dans l’armée en qualité de caporal ou sergent-major, tant sa voix est cassante et autoritaire – fait l’appel des migrants qui ont été convoqués. Elle fait ensuite entrer un à un ceux qui n’ont pas de rendez-vous en leur laissant entendre qu’ils ne pourront peut-être pas être reçus et que, de toutes les façons, s’ils n’ont pas un dossier complet, ce n’était pas la peine d’attendre. Après un examen rapide des pièces dans les mains de Madame Jérémie, elle nous laisse entrer. Nous nous installons alors dans la salle d’attente, trop petite pour que tout le monde y trouve un siège.

C’est à 13h15 que le nom de Madame Jérémie est prononcé au haut-parleur. Nous nous approchons donc ensemble du bureau où une dame l’attend. L’entrée m’a toutefois été refusée : « C’est Madame que je reçois ! » me dit celle-ci en me fermant la porte au nez sans que j’aie eu le temps d’articuler un mot.

Madame Jérémie sort du bureau après environ 45 minutes. J’interpelle alors la personne qui l’a reçue pour lui demander poliment si les usagers ne peuvent pas être accompagnés. Elle me fait savoir que Madame Jérémie parle et comprend parfaitement le français. Elle ne voit donc pas la nécessité qu’elle soit accompagnée. Après avoir reformulé ma demande, elle me répond dans les mêmes termes. Je la prie alors priée de bien vouloir m’indiquer son nom, ce qu’elle a refusé de faire.

Dans la salle d’attente est collée une affiche que j’ai eu tout loisir de lire et relire pendant notre attente intitulée : « 14 engagements pour vous rendre un meilleur service ». Engagements qui rassurent l’usager sur la qualité de l’accueil de l’administration. Je ne citerai que le sixième engagement : « Nous vous accueillons avec courtoisie et vous donnons le nom de votre interlocuteur » !

Résultat des courses : Madame Jérémie est repartie avec une nouvelle convocation pour fin mars (toujours à 8h) accompagnée d’une nouvelle liste de pièces à fournir ne correspondant pas du tout à celles figurant sur la première convocation et exigeant la présence physique de son époux.

Madame Jérémie, de caractère anxieux était effondrée et moi … en rage !

Consolation : pendant plus de quatre heures d’attente, j’ai eu le temps d’achever  la lecture du livre que j’avais commencé il y a quelques  jours, son titre : « Retournez les fusils ! Choisir camp » de Jean Ziegler.

André Bolle, bénévole du groupe local de La Cimade de Guadeloupe.

Auteur: Service communication

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