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Liste des pays considérés comme sûrs : retrait de trois pays et avancée jurisprudentielle

23 novembre 2021

La loi prévoit que le conseil d’administration de l’OFPRA révise régulièrement la liste des pays d’origine sûrs. Pourtant, malgré une demande de l’ARDHIS, il avait par communiqué de presse du 5 novembre 2019 maintenu la liste établie en octobre 2015 . Un recours au long cours a été déposé par […]

La loi prévoit que le conseil d’administration de l’OFPRA révise régulièrement la liste des pays d’origine sûrs. Pourtant, malgré une demande de l’ARDHIS, il avait par communiqué de presse du 5 novembre 2019 maintenu la liste établie en octobre 2015 . Un recours au long cours a été déposé par plusieurs associations contre cette non décision et elle pourrait modifier le cadre juridique du contrôle et conduire à l’annulation de plusieurs pays présents sur la liste depuis 2005.

Depuis octobre 2015, la liste des pays considérés comme sûrs comptait 16 pays et le Conseil d’Etat avait confirmé cette décision en décembre 2016. .

Lors de l’examen de la loi Collomb, le Parlement a ajouté dans la définition contenue désormais à l’article L.531-25 du CESEDA qu’un pays sûr ne pouvait pas être le lieu de persécutions liées à l’orientation sexuelle. 

En 2019, comme la loi le permet, l’ARDHIS a saisi le président du conseil d’administration pour lui demander de retirer de la liste des pays où l’homosexualité est l’objet de sanctions pénales qui sont appliquées comme le Sénégal ou le Ghana. La réponse du conseil fut d’examiner lors d’une première réunion le 12 juillet 2019 la méthode de révision puis de statuer sur la demande, lors d’un conseil, initialement prévu le 17 octobre et repoussé au 5 novembre 2019.

A cette fin des fiches furent réalisées par la DIDR qui pour certaines montraient que les pays n’étaient pas dans la définition. Le débat  au sein du conseil fut concentré autour du Sénégal et du Bénin où la démocratie avait été piétinée par le président Talon. A l’issue du conseil, il fut décidé de ne pas modifier la liste mais de revoir la situation du Bénin dans les six mois. Seul un communiqué de presse fut publié 

Les associations membres de la CFDA ont décidé de contester cette non décision par deux recours, l’un portée par l’ARDHIS et d’autres associations LGBTQ sur cet aspect, l’autre plus général portée par ELENA France.

En septembre 2020, constatant que la situation au Bénin était toujours dégradée, l’inscription sur la liste fut suspendue pour un an par le conseil d’administration. 

Office dynamique du juge de l’excès de pouvoir?

Entretemps, la situation a nettement évolué dans plusieurs pays dits sûrs. En Géorgie, le résultat des élections a été vivement contesté ce qui a conduit à l’arrestation du leader de l’opposition. En Arménie, le désastre militaire au Nagorny Karabagh a fait vaciller le gouvernement et au Sénégal, des émeutes ont lieu à Dakar après l’arrestation d’un opposant. 

L’idée a donc germé de demander au Conseil d’Etat de modifier son contrôle (normal à la date de la décision depuis 2005) par un office dynamique de l’excès de pouvoir.  Parce que la situation peut évoluer pendant l’instruction du recours, une tendance est de juger un acte administratif non à la date où il a été pris mais à la date de l’audience et de la décision. Ce n’est pas pour autant du plein contentieux puisque celui-ci porte sur des droits des personnes mais cet office a permis   au Conseil d’Etat de prendre en compte des circonstances postérieures à l’acte attaqué pour rejeter un recours d’Américains accidentels . Plus récemment le Conseil d’Etat a jugé que dans le contentieux de l’accès aux documents administratifs, le juge devait se placer à la date de sa décision  C’est la même logique qui sauf exception fait qu’un recours contre une décision de transfert donne lieu à un non-lieu à statuer puisqu’elle devenue caduque six mois après la notification du jugement. 

Vue la lenteur contrainte par le confinement de l’instruction et le fait qu’aucune décision réglementaire n’avait été prise, ne peut on pas faire une telle application à la liste des pays considérés comme sûrs?

Audience au Conseil d’Etat 

Le 19 mai 2021, l’affaire fut examinée par le Conseil d’Etat. Les conclusions de la rapporteure publique Sophie Roussel, furent longues et argumentées. Elle a balayé très rapidement les moyens de légalité externe, estimant que la convocation avait été régulière et que la loi ne fixait aucun délai pour la révision de la liste. C’est sur le fond que la surprise fut grande : concernant l’ajout de l’orientation sexuelle dans la loi de 2018, elle a considéré que le législateur a souhaité aller au delà du texte européen et pour elle tout pays où la législation prévoit une sanction pénale à l’homosexualité, même rarement appliquée ne devrait pas figurer sur la liste . Outre le Bénin qui a ses yeux devait être retiré dès le départ en raison de la situation politique, le Ghana et le Sénégal, figurant sur la liste depuis 2005, ne devraient pas y être. En revanche, elle a estimé que les autres pays n’avaient pas connu de dégradation de la situation au moment de la décision et que la décision ne devait pas être annulée, même pour l’Inde ayant connu un tournant nationaliste depuis plusieurs années.

Interprétant la demande des associations comme un demande d’abrogation, elle a considéré que la question était sérieuse et nouvelle et qu’il fallait sans doute trancher la question devant la section du contentieux dans un délai très court.

Après une dernière séance d’instruction, le Conseil d’état l’a suivie et a rendu le 2 juillet 2021 une décision annulant l’inscription du Bénin, du Ghana et du Sénégal et renvoyé à la section du contentieux la question de la possibilité d’’une éventuelle « abrogation » de la décision pour certains autres pays.

Un nouveau pouvoir pour le juge administratif

L’audience de la la section du contentieux a eu lieu le 12 novembre 2021. Les conclusions de la rapporteure publique sont revenues sur l’évolution de l’office du juge de l’excès de pouvoir avant de proposer une avancée : le juge de l’excès de pouvoir doit d’abord examiner la légalité de l’acte administratif à la date où il a été pris. Mais à titre subsidiaire, si l’acte est devenu illégal en raison d’une circonstance de fait ou de droit, il peut l’abroger.

Cette solution a été retenue par le Conseil d’Etat pour les actes réglementaires dans sa décision du 19 novembre 2021.  Il considère que : « Ainsi saisi de conclusions à fin d’annulation recevables, le juge peut également l’être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu’il prononce l’abrogation du même acte au motif d’une illégalité résultant d’un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu’un acte règlementaire est susceptible de porter à l’ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d’annulation. » et « Dans l’hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d’annulation et où l’acte n’aurait pas été abrogé par l’autorité compétente depuis l’introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l’acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision. » Enfin, S’il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l’acte est devenu illégal, le juge en prononce l’abrogation. Il peut, eu égard à l’objet de l’acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu’aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l’abrogation ne prend effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine. »

Cette avancée jurisprudentielle permettra par exemple de faire abroger un décret qui irait à l’encontre d’un arrêt de la CJUE interprétant le droit européen rendu postérieurement à son édiction.

Pas d’abrogation d’inscription

Mais comme c’est souvent le cas , l’avancée jurisprudentielle ne s’applique pas à la décision contestée puisque le Conseil d’Etat estime que malgré l’évolution de la situation en Arménie, en Géorgie et en Inde, elle ne conduit pas à revoir l’appréciation portée par le conseil d’administration de l’OFPRA.

La liste des pays considérés comme sûrs compte donc toujours 13 pays : l’Albanie, l’Arménie, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Géorgie ,l’Inde,  le Kosovo, la Macédoine du Nord, Maurice, la Moldavie,  la Mongolie, le Monténégro et la Serbie.  En 2021, 8 460 premières demandes en provenance de ces pays  ont été enregistrées et examinées selon la procédure accélérée. 

Reclassement en procédure normale

Conséquence pour les demandeurs d’asile de ces nationalités (outre le Bénin), leur demande est automatiquement reclassée en procédure normale, et si l’OFPRA rejette leur demande, ils ne peuvent plus faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire et voient leur recours examiné dans un délai de cinq mois par une formation collégiale de la Cour nationale du droit d’asile. Pour  celles e qui avaient été rejetées et dont le recours est pendant devant la Cour , les préfectures doivent retirer ou abroger les obligations de quitter le territoire , leur délivrer une attestation de demande d’asile et l’OFII doit leur rétablir le bénéfice des conditions d’accueil jusqu’à la lecture de la décision de la Cour.

S’il y a des difficultés, il est possible de saisir le juge administratif pour obtenir le droit de se maintenir et se voir rétablir le bénéfice des conditions matérielles d’accueil

référé liberté pays sortis de la liste POS

Communiqué inter associatif

Auteur: Responsable national Asile

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