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Bilan action veille devant la Préfecture de Strasbourg

30 mars 2017

Suite à plusieurs remarques de nos bénévoles, stagiaire, public sur les conditions d’accueil en Préfecture du Bas-Rhin, nous avons décidé de solliciter plusieurs de nos partenaires (Médecins du Monde, Pastorale des Migrants, La Vie Nouvelle, Casas, le Centre Social Protestant) pour organiser une veille à la Préfecture pour soutenir le public que nous accompagnons au quotidien et pour observer les conditions d’accueil qui sont faites aux personnes migrantes. Ci-dessous, vous trouverez un rapport succinct de nos 6 demi-journées de veille.

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L’organisation de l’accueil

Première semaine : mardi 14, mercredi 15, jeudi 16 mars

En moyenne 120 – 130 personnes attendent devant la préfecture quotidiennement.

Cette file d’attente est diversifiée, on y trouve des personnes seules, des familles avec enfants en poussettes, des personnes âgées, des personnes visiblement malades et/ou en situation de handicap (béquilles, fauteuil roulant, déambulateur). La composition de cette file d’attente est la suivante : au début on trouve des hommes seuls, puis des familles, puis les personnes les plus fragiles, des femmes, des personnes âgées, des personnes malades et/ou en situation de handicap.

Le traitement des personnes âgées, handicapées, avec des enfants n’est pas toujours le même : quelquefois elles passent avant quelquefois elles font la queue. Les personnes commencent à faire la queue à partir de 5h du matin pour les premiers.

Il y a environ 50 % des personnes qui ne sont pas reçues. En discutant avec les personnes, nous nous apercevons qu’elles reviennent en moyenne 3 fois avant d’être reçues.

Les personnes sont là pour des renouvellements, des demandes étudiants, VPF, dépôt de dossier difficile de savoir s’ils sont là pour raisons de santé. Quelques-uns ont été repérés, ainsi que des accompagnants de malade.

Entre eux, il y a de la solidarité : on échange des tickets pour laisser passer en premier les personnes les plus fragiles mais également des tensions avec des personnes qui essayent de doubler.

Arrêt de distribution des tickets :

  • Mardi 13 10h45
  • Mercredi 14 11h15
  • Jeudi 15 10h35

Semaine du mardi 21, mercredi 22, jeudi 23 mars

Mardi 21 mars : un car de CRS est présent. On nous expliquera que la veille certaines personnes avaient tenté d’entrer en force dans la préfecture.

A 8h30 Il y a environ 150 personnes sur le côté gauche de la préfecture (file sans rendez-vous), environ 100 personnes du côté droit derrière le panneau « retrait carte de séjour »

Le système de file d’attente a changé par rapport à la semaine dernière mais reste assez incompréhensible, des personnes de la préfecture sortent et restent toute la matinée pour essayer de contenir la tension montante des files d’attente. Il est à noter que les agents de sécurité restent très calmes et essayent de calmer le jeu en donnant des renseignements. Certains nous lâchent qu’ils ne sont pas heureux de cette situation tant pour eux que pour les personnes reçues.

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Une sorte de grand sas est mis en place devant l’entrée principale à l’aide de grilles, l’entrée dans la préfecture n’est plus libre. L’accueil est désorganisé : on trouve une file pour les personnes qui ont des rendez-vous, une file prioritaire s’est organisée pour les personnes avec des poussettes, ce qui a provoqué de vives tensions puisque les personnes arrivées vers 8 heures sont passées devant celles qui étaient là depuis 5 ou 6 heures du matin, une file « fourre-tout » pour des demandes diverses sans rendez-vous (dépôt, renseignements, retrait…).

De manière générale, il y a toujours des personnes qui se découragent et qui lâchent l’affaire. A partir de 11h, les tickets distribués étaient pour l’après-midi voire pour le lendemain matin.

A noter que cette semaine, les personnes arrivent de plus en plus tôt, les premières vers 3h du matin.

Mercredi 22 mars : deux files sont en place : la plus longue, le long du mur de la préfecture, environ 130-150 personnes qui sont là pour des renouvellements de titre de séjour, des récépissés ou des dépôts de 1ere demande. La seconde file, en diagonale, d’environ 50 personnes qui viennent chercher un titre de séjour. Des personnes de la préfecture dialoguent avec les personnes qui attendent, essaient d’arranger les situations. Il y a des barrières et les gens sont parqués… Il y a toujours un problème d’information et il y a des personnes qui se trompent de file.  Une troisième file sera créée pour les demandes d’asile /naturalisation. Les barrières sont installées devant les escaliers avant d’annoncer que c’est fini, il faut revenir demain. Des personnes s’expriment pour dire qu’ils se sentent humiliés « On n’est pas des chiens ».

Jeudi 23 mars : environ 150 personnes sont là, toutes files confondues. Environ 30 personnes ont eu un ticket avant la fermeture à 10h20. Les files d’attente sont mieux indiquées, mais toujours en français. Ce jour-là il n’y a pas de possibilités d’acheter des timbres fiscaux. Nous demandons à ce que l’information soit donnée dans toutes les files d’attente. Il nous est répondu que les personnes qui déposent une demande n’ont pas de timbres fiscaux à donner !!!

Les relations avec la préfecture

Première semaine :

Durant notre action, plusieurs personnes nous ont interpellés sur nous présence :

Sur le mode dissuasif : vous n’avez pas à être là, vous ne pouvez pas entrer dans la préfecture, c’est un service public et non une espace public (ça nous a bien fait rire!).

Sur le mode explicatif et contradictoire : « Il y a plus de demandes, les gens savent que le Pen va arriver au pouvoir, du coup, ils se précipitent pour faire des demandes ».

« Il y a un manque d’effectif, les personnes à l’accueil ont exercé leur droit de retrait la semaine dernière, il n’y a pas plus de personnes qu’avant. Nous ne comprenons pas pourquoi il y a des files d’attente aussi longues, c’est à cause de la nouvelle loi. »

Deuxième semaine :

Les relations ont été un peu plus tendues en début de semaine et se sont assouplies par la suite. Nous n’avons pas pu entrer dans la préfecture (le mardi et le mercredi. Le jeudi nous sommes invités à entrer, et avoir une visite guidée). Cela s’est également produit pour une assistante sociale qui accompagnait une personne au guichet à qui on a refusé l’entrée parce qu’elle n’était pas entrée en même temps que lui.

Le secrétaire général nous a dit qu’il ne comprenait pas ce nouvel état de fait. Selon lui, les personnes arrivent trop tôt et tout se passerait bien si les personnes venaient de façon échelonnées dans la journée. Ces propos nous étonnent un peu dans la mesure où la distribution des tickets s’arrête en fin de matinée. Par ailleurs, les personnes nous expliquent que ce sont les agents de sécurité qui leur disent de venir tôt pour avoir une chance d’être reçu, et de fait ils sont obligés de revenir plusieurs fois. Nous avons également entendu le nouveau secrétaire général le dire à certaines personnes en aparté. Il nous également dit que les personnes devaient prendre rendez-vous par internet, ce qui pose la question de la discrimination de l’accès aux droits puisque dans le public que nous accompagnons, beaucoup n’ont pas accès à internet (question de langue, de pratique de l’informatique). En dehors de nous répondre qu’ils pouvaient aller à la BNU pour accéder à des ordinateurs, cette interrogation est restée sans réponse. Par ailleurs, en date du 21 mars, les rendez-vous sont pour la mi-mai et il faut « appartenir » à certaines catégories administratives d’étrangers.

Nous interpellons également les personnes de la préfecture sur le fait que les personnes ne peuvent pas se rendre aux toilettes. Les policiers nous diront qu’ils envoient les personnes à la BNU. Cela nous permet de comprendre que beaucoup de personnes ne souhaitent pas prendre de café.

Il nous sera répété qu’il ne faut pas prendre ce que nous disent les personnes pour argent comptant, beaucoup d’entre eux jouent la comédie, mentent…

Très curieusement une personne de la préfecture nous dira « vous êtes courageux, c’est bien ce que vous faites ».

Quelques situations

  • Une personne âgée avec des béquilles, n’en pouvant plus, a abandonné en pleurs la file d’attente.
  • Deux hommes d’une trentaine d’années ont dormi dans leur voiture pour être là à 5h30. C’est la troisième fois qu’ils viennent. Le premier jour, ils n’ont pas eu de ticket, le second un document manquait.
  • Un homme travaillant dans la restauration s’insurge : il a obtenu un ticket aujourd’hui. Il était venu la veille en vain. Il en a pour la journée et ne sait pas comment il va pouvoir se justifier auprès de son patron. Il est également touché par la détresse des personnes qui ont attendu avec lui.
  • Un monsieur, contractuel de l’éducation national, perd patience car il prend sur son temps de travail pour faire 7h de file d’attente.
  • Une femme a fait la queue pour le titre de séjour de son mari. Au guichet on lui a dit de revenir avec son mari alors que ce dernier est tétraplégique…

Conclusion

  • Manque d’information et d’organisation : l’information sur les panneaux est rudimentaire, même s’il y a eu quelques améliorations pendant la période où nous étions présents, cependant elle n’est donnée qu’en français. Des personnes sortent de la préfecture pour donner des indications aux personnes, pour essayer de contenir une colère (bien légitime). Nous avons quand même le sentiment qu’il y a une grande part d’improvisation.
  • Manque de personnel : cela nous a été dit, et nous pouvons le constater. Peu de guichets sont ouverts (absences dues à des arrêts de travail ?). Les conditions de travail pour les personnes aux guichets et pour les vigiles sont particulièrement difficiles. Du coup l’accueil n’est pas de bonne qualité, les personnes aux guichets sont quelquefois excédées et le ton monte.
  • Un accueil indigne : Attente debout pour des personnes âgées, malades, des femmes enceintes, des enfants en bas-âge et cela, quel que soit le temps. Pas d’accès aux toilettes. Des attentes interminables sans certitudes de pouvoir accéder à un guichet. Nous avons vu beaucoup de larmes, de révolte, de désespoir chez les personnes rencontrées.

Pour conclure nous pouvons parler de réelle maltraitance institutionnelle tant pour les étrangers que pour les employés de la préfecture. Nous ne pensions voir que des personnes voulant déposer des demandes « étrangers malades », cela n’a pas été le cas. Nous en avons identifié quelques-unes, il y en avait probablement d’autres mais beaucoup de personnes venaient pour des renouvellements, des questions, des changements d’adresses….     

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Auteur: Région Grand Est

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