Élections législatives 2022 : La Cimade revendique
Alors que les élections présidentielles se sont caractérisées par un score global important des forces d’extrême-droite, et ont conduit à la réélection du président sortant dont le programme, dans la lignée de son bilan, s’avère porteur de menaces de nouvelles régressions pour les droits des personnes étrangères et migrantes, les élections législatives constituent un enjeu important.
A travers des analyses et revendications politiques sur 16 thématiques, fruit du constat et du travail de documentation des équipes de plaidoyer, La Cimade invite les candidat·e·s et les parlementaires qui seront élu·e·s à repenser le cadre législatif français et européen afin que l’accueil et l’humanité priment sur la répression et la sécurité à tout prix.
6 de ces revendications étaient déjà au cœur de notre campagne #HumainsAvantTout lancée en mars dernier, au moment de l’élection présidentielle. Elles résonnent avec d’autant plus de force aujourd’hui.
Découvrez nos 6 revendications phares
Pour la régularisation large et durable des personnes sans-papiers présentes en France
Au cours des dernières années, les évolutions politiques et législatives ont conduit à faire oublier qu’obtenir un premier titre de séjour est souvent un droit pour les personnes étrangères installées en France. Aux critères restrictifs de régularisation, aux pratiques arbitraires et illégales des préfectures, s’ajoutent des entraves liées à l’accès au guichet et aux mesures d’expulsion et de bannissement.
La Cimade revendique la suppression des entraves à la régularisation:
➜ De refondre profondément les politiques migratoires pour tendre vers la liberté de circulation et d’installation, dans une dynamique d’égalité des droits entre toutes et tous, indépendamment du statut ou de la nationalité
➜ Dans l’immédiat et sans attendre une telle refonte,
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- Régulariser de façon large et durable toutes les personnes étrangères présentes en France;
- Délivrer un titre unique et stable autorisant à travailler;
- Harmoniser et simplifier profondément les procédures d’accès aux droits, le «blocage de la machine administrative» résultant, bien avant la crise sanitaire, de la complexité des catégories et critères d’accès aux droits;
- Construire l’égalité des droits pour toutes et tous en matière d’accès au travail et à la protection sociale.
Pour un accueil digne et solidaire à nos frontières
Tandis que la rhétorique anti-immigration ne cesse de déplorer la perméabilité du territoire européen, force est de constater qu’aux frontières de l’Union européenne, et au-delà, les dispositifs de fermeture se multiplient pour maintenir à distance les personnes considérées indésirables loin du territoire européen. Cette approche des mouvements migratoires accroît les risques sur les routes sans pour autant empêcher les mobilités ni protéger réellement les droits des personnes.
La Cimade revendique auprès de l’UE et ses Etats membres la mise en place d’un accueil digne et protecteur à nos frontières:
➜ Qu’ils tirent les leçons de l’échec et du coût humain intolérable des politiques européennes et mettent fin à l’externalisation des politiques de contrôle aux frontières et à la répression des personnes migrantes souhaitant entrer en Europe.
➜ De renoncer à l’approche «hotspots» et à la logique de tri aux frontières.
➜ Un accès inconditionnel au territoire européen pour les personnes bloquées à ses frontières extérieures afin d’examiner avec attention et impartialité leurs situations et d’assurer le respect effectif de leurs droits.
➜ La mise en place d’une nouvelle politique en concentrant les moyens sur l’accueil, la protection des personnes et une véritable réflexion pour permettre la mise en œuvre concrète de la liberté de circulation.
Pour un droit d’asile européen véritablement protecteur
Parmi les personnes qui sont parvenues à atteindre le territoire d’un Etat européen, une grande partie de celles qui souhaitent demander l’asile se retrouvent placées en procédure Dublin en application du règlement européen du même nom, qui attribue la responsabilité de l’examen de la demande d’asile à l’État où la personne est entrée ou y a déposé une demande. Depuis son entrée en vigueur, ce système s’est avéré injuste et contre-productif.
La Cimade revendique l’abrogation du règlement Dublin pour un système d’asile européen basé sur le choix du pays d’accueil plutôt que la contrainte :
➜ La mise en place d’un véritable système d’asile européen, fondé sur le respect des droits fondamentaux des personnes en quête de protection et sur la solidarité européenne.
➜ L’harmonisation par le haut des procédures d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans tous les Etats européens. Cela passe non seulement par des conditions matérielles d’accueil dignes et similaires dans l’ensemble des États mais surtout par des garanties de procédures permettant une égale chance d’obtenir une protection.
➜ Le remplacement du mécanisme actuel de Dublin par un système qui tient compte dès le départ des choix de la personne qui sollicite l’asile selon ses attaches familiales, ses compétences linguistiques ou son projet personnel afin d’éviter la multiplication de situations d’errance et d’exclusion.
➜ La mise en place d’une véritable liberté d’installation des personnes bénéficiaires de la protection internationale au sein de l’Union européenne, selon les mêmes conditions que les personnes ressortissantes européennes, afin de mettre un terme à un phénomène croissant de personnes réfugiées sans papiers.
Pour un accès effectif de tou.te.s aux procédures administratives en préfectures. Pour une alternative à la dématérialisation
Les procédures dématérialisées ont progressivement pris une place centrale dans les démarches d’accès au droit au séjour. Cette dématérialisation est aujourd’hui devenue un obstacle majeur à la régularisation des personnes sans-papiers, en les tenant durablement éloignées de l’accès aux guichets. Elle génère également d’importantes ruptures de droits (séjour, mais aussi emploi, protection sociale…) pour les personnes en renouvellement d’un titre qui n’obtiennent pas de rendez-vous dans les temps.
La Cimade revendique des procédures respectueuses des droits et de la dignité des personnes:
➜ L’harmonisation et la simplification des procédures.
➜ Que les services préfectoraux soient dotés de moyens suffisants, à même de répondre aux besoins de l’ensemble des personnes devant demander un titre de séjour.
➜ Que la dématérialisation des démarches ne soit pas imposée aux usagers et usagères. Des modalités alternatives doivent toujours être proposées, conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat et afin de garantir l’égalité d’accès au service public.
➜ Que lorsque des rendez-vous sont nécessaires pour accéder aux démarches, ils doivent l’être dans des délais raisonnables, permettant l’accès rapide aux droits et évitant les ruptures de droits pour les situations de renouvellement d’un titre de séjour.
➜ Que lorsque le dépôt en ligne d’une demande est proposé, un récépissé doit pouvoir être immédiatement obtenu à l’issue du dépôt, comme le prévoit la réglementation pour tout dépôt de demande de titre de séjour.
Pour une protection de tous les enfants étrangers
De nombreux textes ont renforcé l’arsenal législatif et réglementaire relatif aux droits de l’enfant depuis 2013. Mais cela n’a pas permis d’augmenter le degré de protection attendu pour les jeunes isolé.e.s étrangers en danger. Bien au contraire, cet arsenal précarise davantage les jeunes et renforce leur errance. Par ailleurs, dans la pratique les textes sont mal ou peu appliqués et les moyens envisagés très insuffisants.
La Cimade revendique la protection de tous les enfants étrangers présents sur le territoire:
➜ Que les départements assument leur pleine et entière compétence à l’égard des jeunes en danger, y compris les mineur·es étranger·es, dans le cadre du dispositif de droit commun.
➜ Une mise à l’abri dans des lieux adaptés aux besoins des enfants en attendant une évaluation objective via notamment la reconstitution de leurs documents d’état civil
➜ Que le juge des enfants soit l’acteur central de l’évaluation et de la protection des enfants et que ces derniers soient protégés et accompagnés jusqu’à ce que le juge ait statué sur leur demande de protection.
➜ Un droit au séjour stable, pérenne et automatique à leur majorité sans distinction en fonction du type d’apprentissage ou de formation, ni de l’âge auquel ces enfants ont effectivement été confiés à l’ASE.
Pour la fermeture des lieux d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères
Dans les centres de rétention administrative, la politique répressive qui frappe les personnes étrangères conduit à enfermer et à tenter d’expulser à tout prix, trop souvent au mépris des droits. En prison, les personnes étrangères subissent un vécu carcéral différencié car elles sont de fait placées dans une situation différente de celle des autres détenus. Elles sont, plus encore qu’à l’extérieur, invisibilisées, précarisées et fragilisées.
La Cimade revendique la fermeture des lieux d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères et la fin des discriminations subies par les personnes étrangères détenues:
➜ La fermeture de tous les lieux d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères, notamment les centres et locaux de rétention administrative.
➜ Mettre immédiatement fin à l’enfermement – sous quelque forme que ce soit– de toutes les personnes étrangères mineures, aux frontières comme sur le reste du territoire, qu’elles soient accompagnées ou isolées.
➜ La mise en place de toutes mesures visant à parvenir à l’égalité réelle des droits en détention, et de toutes mesures visant à réduire les discriminations dont sont victimes les personnes étrangères détenues. Notamment, l’accès aux interprètes ou aux documents traduits, les mécanismes permettant de garantir le maintien des liens avec les familles et proches, et l’identification des personnes indigentes sont autant de mécanismes qui doivent être rendus effectifs.
➜ La mise en place de textes contraignants et de mécanismes favorisant l’accès effectif au droit, afin que la prison ne
constitue pas une rupture dans la situation administrative des personnes étrangères détenues, ou qu’elle ne permette plus qu’une partie de la population carcérale reste oubliée.
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Auteur: Service communication