AGEN – CONFÉRENCE – EXTRÊMES DROITES, UNE IDÉOLOGIE A DECONSTRUIRE
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Madame K. est une jeune femme sénégalaise, qui vit en France depuis onze ans. Alors qu’elle avait un rendez-vous à la préfecture pour renouveler son titre de séjour, elle est interpelée par la police suite à une dénonciation. Elle a passé 36 jours enfermée au centre de rétention de Toulouse et nous livre son témoignage.
Suite à une dénonciation, je suis interpelée en Corse à Figari pour un contrôle d’identité. Dès que j’ai remis mon titre de séjour expiré à l’agent, elle s’empare de mon téléphone comme pour couper court à tout contact avec mon entourage. Avant de réaliser le rideau de fer qui s’abat devant moi, je suis embarquée pour être transférée entre les mains de la police d’Ajaccio.
Dès mon arrivée à Ajaccio, vers 16h, je demande de l’eau à l’une des policières pour étancher ma soif que j’avais depuis 9h30. « Madame il faut attendre qu’ils récupèrent votre dossier. » Où suis-je ? A la police vous me direz. Mais ce sont des humains qui doivent comprendre que l’eau est un besoin vital. Même les criminels y ont droit, et moi je ne pense pas avoir commis d’autre crime que celui d’être allée en Corse pour trouver du travail.
Après une fouille, je suis conduite dans un bureau pour une audition à la suite de laquelle j’ai regagné le taudis qui me servait de chambre cette nuit-là. Comme repas j’ai eu droit à un sandwich froid.
Serait-ce un acharnement sur moi par rapport à la couleur de ma peau ou ma provenance étrangère ? Autant de questions que je me pose. Comment puis-je être étrangère dans un pays où j’ai passé une dizaine d’années de ma vie ? Étrangère dans un pays dont je suis désormais le produit car je lui dois 60% de mon éducation : savoir-faire, savoir-être, savoir-vivre. Ne suis-je pas plus française que sénégalaise à présent ?
A côté de toutes ces questions sans réponse qui foisonnaient dans ma tête, il faut pourtant avoir beaucoup de sang froid pour supporter les comportements provocateurs des policiers qui ne ménagent aucun effort pour rendre le séjour au centre de rétention le plus désagréable possible.
Pour anecdote, dans la salle de transit alors qu’un retenu se proposait de m’aider à soulever ma valise, une policière l’en empêche en prétendant que « chacun doit gérer sa merde ».
Je n’étais pas encore au bout de mes indignations. Tous les droits énoncés sur le règlement intérieur nous ont été refusés. L’accès au téléphone par exemple, était accordé au grès de l’humeur des policiers. Dans le même ordre, un policier me rappelle que je ne suis pas à l’hôtel pour demander de l’eau à boire. Quand je lui ai montré mon mécontentement, sans gêne il me balance « retourne dans ton pays ».
La liste est loin d’être exhaustive, mais laissez-moi juste vous raconter l’anecdote qui m’a le plus frustrée. Un jour que je me plaignais de la saleté des chambres, un policier me répond « ta situation administrative est beaucoup plus grave qu’un ménage mal fait ».
Ma rétention au centre de rétention aura duré 36 longs jours.
A partir du cinquième jour je me rends à l’évidence, il faut essayer de se mettre à l’aise pour tenir. Mon temps était partagé entre la lecture, une petite séance de gymnastique (avec ma couette comme tapis), le jeu de babyfoot avec mes collègues de secteur, et la télévision. Avec les nouvelles retenues j’essayais de me rendre utile : tantôt en servant d’interprète pour éclairer sur les procès-verbaux ou les jugements rendus, tantôt en réconfortant, ce qui me permettait d’oublier ma propre tristesse.
Il y avait quelque chose d’admirable au milieu de ce désarroi : la solidarité qui se tissait entre les co-retenus que nous étions. En dépit de tout le calvaire vécu depuis mon interpellation jusqu’à ma libération, ce fut une expérience très enrichissante humainement, que je n’espère ne plus avoir à revivre et que je ne souhaite à personne d’autre !
Auteur: Région Sud-Ouest
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