Depuis 3 jours, un patron d’une boulangerie à Besançon est en grève de la faim pour attirer l’attention sur la situation de son apprenti, un mineur isolé pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Au-delà de la mobilisation pour ce jeune qui a récemment fait l’objet d’un refus de séjour, La Cimade dénonce globalement le sort réservé aux jeunes isolé.e.s en France. En effet, leur accès au séjour est de plus en plus difficile alors même qu’ils et elles ont été confié.e.s à l’ASE. La situation de ce jeune apprenti est donc loin d’être isolée.
Pour exemple, une préfecture refuse le séjour d’un enfant pris en charge à 15 ans par l’ASE sous prétexte d’une entrée irrégulière et d’avoir quelques liens avec sa famille. Une autre préfecture rejette les demandes de titres de séjour de ces jeunes car leur situation ne justifierait pas leur exil et qu’il ne faut pas cautionner les réseaux mafieux. Dans des départements, ce sont les enfants protégés et confiés à des tiers dignes de confiance qui se voient refuser le droit de rester en France, sous prétexte, contesté par les tribunaux, que cet accueil ne relèverait pas de l’ASE. D’autres préfectures remettent en cause leurs documents d’état civil au moment de leur majorité, excuse justifiant leur refus de rester en France.
L’instruction du 21 septembre 2020, appelée « Circulaire Darmanin », sur l’examen anticipé des titres de séjour des mineur·e·s pris·e·s en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) vient encore fragiliser leur situation. L’objectif annoncé est d’éviter des ruptures de droits à la majorité des mineur·e·s étranger·e·s confié·é·s à l’aide sociale à l’enfance et engagé.e.s dans un parcours professionnalisant. Cette instruction propose de systématiser la signature de protocoles locaux entre la préfecture et les conseils départementaux (CD) afin d’inciter les jeunes à solliciter un examen anticipé de leur droit au séjour.
Néanmoins, il apparaît rapidement que l’objectif derrière cette instruction n’est pas d’accompagner les jeunes dans la construction de leur parcours pour obtenir un titre de séjour mais bien de mettre les jeunes sous le radar des préfectures dès leur minorité, de procéder, au plus tôt, à une nouvelle vérification de leur âge, de leur état civil, de détecter les « fraudeurs », et d’en tirer toutes les conséquences imaginables (poursuites pénales, fin de prise en charge, refus de séjour, mesure d’éloignement).
Au lieu de développer et de renforcer les mesures qui permettent aux jeunes en danger de réaliser leurs projets éducatifs, professionnels, sociaux et de s’intégrer sur le territoire (notamment, des contrats jeunes majeurs et accompagnements au-delà de 18 ans), cette nouvelle instruction fait une fois de plus passer les considérations de la politique migratoire restrictive au-dessus de la protection de l’enfance.
Les préfectures et départements fabriquent des personnes sans papiers, des jeunes vulnérables alors qu’ils et elles sont volontaires, souhaitent acquérir une certaine autonomie. Il s’agit pourtant de jeunes confiés à l’ASE qui doivent être protégés, et la loi, même si elle doit être améliorée, leur permet aujourd’hui d’accéder à un droit au séjour, droit que les administrations leur refusent.
© Rafael Flichman
Auteur: Service communication