Un enfant étranger n’a pas besoin de titre de séjour
Seules les personnes majeures étrangères ont besoin d’un titre de séjour, pas les enfants étrangers et étrangères et de moins de 18 ans. Et en ce qui concerne plus spécifiquement les mineur·e·s étrangers et étrangères confié·e·s à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), les textes rappellent qu’ils et elles doivent faire leurs démarches dans l’année qui suit leur 18ème anniversaire. Les mineur·e·s isolé·e·s ont donc jusqu’à leurs 19 ans moins un jour pour déposer une demande de titre à la préfecture.
Une insuffisante anticipation du passage à la majorité des mineur.es non accompagné.es
La sortie du dispositif de la protection de l’enfance n’est pas suffisamment préparée : leur situation peut donc s’empirer, notamment à leurs 18 ans, avec des ruptures dans l’accès à la santé (fin de la couverture maladie), à l’éducation et à la formation professionnelle, à l’hébergement etc. Cette préparation insuffisante du passage à majorité précipite ces jeunes majeur·e·s dans la précarité dont on connait les effets : selon l’Insee, 23 % des personnes sans logement sont d’anciens enfants placé·e·s auprès de l’ASE.
L’accès au droit au séjour : un parcours du combattant
Être confié·e à l’ASE n’est pas simple : il est possible de demander une protection, mais pour cela il faut pouvoir pousser la porte de la protection de l’enfance. Et quand on passe ces premiers obstacles, il faut arriver à convaincre de sa minorité et de son isolement, que son comportement mature ne veut pas forcément dire qu’on est majeur·e et que les documents d’identité qu’on présente ne sont pas des faux. Non, je ne fraude pas, non je ne mens pas, je suis un·e enfant qui a besoin d’être protégé·e.
A l’approche de leurs 18 ans, pour les rares chanceux et chanceuses qui sont enfin confié·e·s à l’ASE, la complexité des démarches de régularisation auprès des préfectures se superpose aux pratiques administratives « procédurales arbitraires », des accueils peu bienveillants ou encore l’exigence de documents qui ne sont pas légalement requis. A cela s’ajoutent de très longs délais pour obtenir un rendez-vous : orc ces enfants qui ont toute l’année de leur dix-huitième anniversaire pour déposer leur dossier de régularisation obtiennent enfin un rendez-vous des mois plus tard. Ils et elles ont alors parfois plus de 19 ans :le délai légal pour déposer leur demande de séjour est alors dépassé.
En outre, suite à une instruction de septembre 2020, il est proposé, sans obligation, un examen anticipé des demandes de titres de séjour à 17 ans. Si cet examen avant 18 ans parait alléchant pour éviter les ruptures de parcours, il risque en pratique plutôt de les défavoriser, les conditions requises pour obtenir le titre sont rarement remplies (surtout les 6 mois de formation), la demande anticipée entraîne une vérification documentaire, avec tous les effets néfastes qui peuvent en découler (croisement des données des différents fichiers, remise en cause des documents d’identité, rupture de prise en charge ASE…) ;
Lorsque les jeunes passent outre les refus au guichet l’impossibilité d’accéder à un rendez-vous et finissent enfin à pouvoir déposer leur dossier complet, ils et elles se heurtent à une autre difficulté : l’appréciation et le pouvoir souverain de la préfecture.
STOP aux pratiques préfectorales abusives et arbitraires : les jeunes nous interpellent !
Il existe différents titres de séjour pour les enfants confié·e·s à l’ASE. Selon leur situation, et notamment selon l’âge où ils·elles ont été confié·e·s à l’ASE, ils·elles pourront obtenir la nationalité française, une carte de séjour vie privée et familiale ou une carte de séjour travailleur temporaire ou salariée.
De très nombreuses décisions des juridictions administratives sont rendues pour sanctionner les pratiques préfectorales qui insécurisent les jeunes et rompent leur parcours, mettant par la même occasion en péril la prise en charge menées par les conseils départementaux.
Quelles sont ces pratiques ?
Mineur·e·s protégé·e·s, majeur·e·s expulsé·e·s, des jeunes nous interpellent !
▶ Remise en cause de l’état-civil
Nous constatons de nombreux refus de séjour liés à la remise en cause de l’état civil (quand bien même il y a parfois un jugement supplétif, une légalisation des actes ou encore que les documents n’ont pas été remis en cause lors de l’évaluation de l’enfant avant d’être confié·e à l’ASE)
▶ L’existence de liens avec le pays d’origine
Les refus de séjour peuvent aussi se baser sur la nature des liens du ou de la jeune avec son pays d’origine. Ainsi, l’administration empêche une personne de garder des liens avec son pays d’origine en conditionnant son droit de rester en France à l’absence de relations avec son pays ?
▶ Une formation pas assez professionnalisante
Les refus de séjour sont parfois motivés sur la formation qui ne serait pas assez professionnalisante.
Ainsi, pour espérer obtenir un titre de séjour, un·e élève d’une filière généraliste sera souvent contraint·e de rejoindre une filière professionnalisante.
▶ Une intégration jamais suffisante
Quelques jeunes se voient refuser la délivrance d’une carte de séjour car pour certaines préfectures, ils n’apporteraient aucune preuve de leur insertion dans la société française. Cela serait le cas lorsqu’il n’y a pas de « justificatif de sa connaissance des valeurs de la république » ou que leur « intégration dans la société française n’est pas démontrée ». Pourtant, la grande majorité de ces jeunes majeur·es suivent ont développé des liens sociaux en France et démontrent une réelle volonté d’intégration en menant à bien, par exemple, des études et une formation professionnelle.
▶ La prise en charge chez un tiers de confiance
Des préfectures considèrent aussi que le fait d’être chez un tiers de confiance ne signifie pas être pris en charge par l’ASE, condition incontournable pour obtenir un titre de séjour en tant que mineur·e confié·e avant ou après 16 ans.
▶ Le prétexte de la lutte contre les réseaux criminels
Et puis il y a aussi des refus parfois très « innovants » avec des préfets qui considèrent qu’il leur appartient de prendre en compte la situation de l’intéressé·e dans sa globalité notamment au regard de la lutte contre la traite des êtres humains et les réseaux de passeurs dont il·elle a pu être victime afin de s’opposer à la migration irrégulière des enfants.
▶ Empêcher l’intégration professionnelle
Et quand il y a un titre de séjour, au lieu et place de délivrer un titre de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire », comme prévu par l’article L 435-3 du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) pour les jeunes confié·e·s à l’ASE après 16 ans, la préfecture leur délivre régulièrement une carte « étudiant ». Ces titres de séjour et récépissés « étudiants » sont très problématiques. Par exemple, ils bloquent le temps de travail à 964h empêchant ainsi de nombreux patrons de prendre les jeunes car leur formation en apprentissage est de 980h par an. Cette pratique empêche une intégration via le monde du travail, alors que ces jeunes sont déjà dans des parcours réussis d’intégration professionnelle.
▶ Discriminer en fonction de l’âge de la prise en charge
Les types de cartes de séjour diffèrent en fonction de l’âge de prise en charge de l’enfant à l’Aide sociale. Avant 16 ans, les jeunes bénéficieront de plein droit d’une carte de séjour vie privée et familiale. Après 16 ans ce sera une carte salariée ou travailleur temporaire mais si et seulement si le préfet le décide. Or il y a des enfants qui arrivent à 15 ans et qui ne vont être reconnu·e·s comme mineur·e·s et isolé·e·s qu’après de longs mois et un recours devant le juge des enfants quand ils et elles auront 16 ans et demi voire plus tard. Cette distinction et ses conséquences sur le séjour des enfants confié·e·s à l’ASE sont terribles.
Il faut que cela cesse : régularisons les jeunes confié·e·s à l’ASE !
Ces jeunes viennent alors grossir les rangs des personnes en situation de grande précarité et de vulnérabilité, quand bien même ils et elles sont intégré·e·s, inséré·e·s, engagé·e·s dans des études ou dans des contrats d’apprentissages.
Les dépenses publiques menées au sein de la Protection de l’Enfance durant plusieurs mois voire des années constituent de véritables investissements sociaux et humains. Elles conditionnent l’entrée sur le marché du travail et la vie active, l’insertion sociale, professionnelle et donc en grande partie l’inclusion dans la société d’accueil de ces jeunes. En refusant à ces jeunes la possibilité de rester régulièrement sur le territoire français, les préfectures balaient d’un revers de main, des mois de travail et d’accompagnement et mettent en l’air des vies humaines d’enfants souvent déjà cabossé·e·s par la vie et qui ont eu le courage de se relever et d’avancer.
Ils et elles sont des centaines en France : attendant leur majorité avec effroi ces jeunes savent qu’à leurs 18 ans, l’État n’hésitera pas à les expulser quand bien même cela fait plusieurs années que le département les prend en charge. C’est absurde et dramatique.
👉 Une prise en charge par l’ASE et un parcours personnel d’intégration par la scolarité, la formation et le travail devraient impliquer une automaticité de la régularisation administrative.
La société se mobilise : la précarité et la vulnérabilité ? Pas en notre nom !
La situation alarmante des enfants étrangers et étrangères a fait l’objet d’une certaine couverture médiatique ce début 2021 :
- Laye Traoré, en Bac Pro à Besançon (25), ancien mineur confié à l’ASE, a obtenu une régularisation après la grève de la faim de son patron boulanger, Stéphane Ravacley et de l’écho national qui s’en est suivi. (242 518 signatures pour la pétition)
- Mamadou Sacko vient d’obtenir lui aussi des papiers à Fontaine, en Isère (37). Arrivé en France à l’âge de 15 ans, pris en charge par l’A.S.E., il avait reçu une obligation de quitter le territoire française (OQTF) à ses 18 ans. Une pétition avait été lancée par le couple qui tient la boulangerie où il faisait son apprentissage
Des pétitions ont été mises en ligne pour de nombreux autres enfants comme Thierno à Nogent sur Oise (60) ou encore Amadou à Caen (14). Leurs situations ne sont pas isolées.
Les associations, les patrons solidaires, les professeur·e·s, les citoyen·ne·s, les familles sont aussi solidaires de ces jeunes. Si vous voulez suivre les actions, les diffuser, c’est par ici :
- Les initiatives des jeunes
- Les initiatives des associations
- La Ligue des droits de l’Homme : https://partage.ldh-france.org/s/fcmrM6n9DRrriCq
- Réseau Education Sans Frontières : https://reseau-resf.fr/Logos-pour-campagnes-RESF-en-direction-des-employeurs-CFA-formateurs
- États généraux des migrations
- Réseau Education Sans Frontières 65 (Hautes-Pyrénées) : https://reseau-resf.fr/Lettre-ouverte-a-Monsieur-le-Prefet-des-Hautes-Pyrenees
- Campagne Réseau Education Sans Frontières en direction des employeurs : https://reseau-resf.fr/Logos-pour-campagnes-RESF-en-direction-des-employeurs-CFA-formateurs
- Les initiatives des patrons solidaires
https://www.facebook.com/patronsolidaire.immigration/
- Les citoyens et ou familles solidaires : pétitions sur Change.org