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Le référentiel des plateformes d’accueil des demandeurs d’asile a été diffusé auprès des préfets et des associations. Alors que ces plateformes sont le point d’accès au droit des trois quarts des demandeurs d’asile, ce cahier des charges réduit l’assistance qui est apportée
Publié le 2 janvier 2012 par CPDH
Par Gérard Sadik
Le référentiel des plateformes d’accueil des demandeurs d’asile a été diffusé auprès des préfets et des associations. Alors que ces plateformes sont le point d’accès au droit des trois quarts des demandeurs d’asile, ce cahier des charges réduit l’assistance qui est apportée.
Pour la quatrième année consécutive, la demande d’asile en France est en hausse en 2011. Pour les onze premiers mois de l’année, près de 37 000 premières demandes ont été enregistrées à l’OFPRA, complétées par 4800 réexamens et plus de 10 000 demandes de mineurs, pour un total de près de 52 000 demandes soit une hausse de 7,5 % par rapport à 2010. Les nationalités les plus représentées sont la Russie, le Bangladesh, l’Arménie (décrétés pays sûrs par décision du conseil d’administration de l’OFPRA de décembre 2011), la République Démocratique du Congo et le Sri Lanka.
Cette nouvelle hausse met le dispositif d’accueil sous pression. Pour assurer l’hébergement des demandeurs d’asile, la loi prévoit un centre spécifique : les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Pour y être accueillies, les personnes doivent être admises au séjour au titre de l’asile et avoir une demande d’asile en cours d’examen auprès de l’OFPRA ou de la CNDA. Sont donc exclues les personnes en procédure Dublin et prioritaire. Les CADA ont pour mission l’accueil, l’hébergement, l’accompagnement socio-administratif des personnes accueillies et la gestion de la sortie des centres après une décision dite définitive sur la demande d’asile.
Le dispositif CADA compte près de 21 500 places en 2011, réparties sur le territoire métropolitain (en revanche il n’y en a pas dans les DOM alors que la demande d’asile dans ces départements représente près de 9% du total). L’État avait, en 2005, pour objectif d’héberger 90% des demandeurs d’asile admis au séjour dans ces centres. On est très loin du compte puisque selon l’OFII, à peine un tiers y a accédé en 2010 et à peine un quart si on compte tous les demandeurs d’asile. Début 2011, près de 30 000 personnes sont sur liste d’attente en CADA. La gestion « électronique » et nationale des places CADA par l’OFII au travers du logiciel Dn@ ne fonctionne pas car chaque région ou département se garde les rares places vacantes disponibles. Conséquence : les dispositifs d’hébergement d’urgence sont très utilisés (100 M€ dépensés en 2010, soit 18 000 personnes, 135 en 2011, soit 25 000 personnes) d’autant plus que les demandeurs font de plus en plus valoir leurs droits devant les juridictions administratives par le biais de référés .
Les plates-formes d’accueil ont été progressivement mises en place à compter de l’année 2000 pour pallier les défaillances du dispositif d’accueil et les délais d’attente de plusieurs mois pour entrer en CADA. Il fallait qu’une structure assure le premier accueil, la domiciliation des demandeurs d’asile, la rédaction du formulaire de l’OFPRA, l’orientation sociale et l’ouverture des droits. Certaines plates-formes assurent également un premier hébergement d’urgence, en hôtel.
En 2007, on comptait 49 plates-formes d’accueil et 23 points d’accueil sur l’ensemble du territoire français. La politique du ministère de l’Immigration a été de réduire leur nombre à 32. Parallèlement, l’OFII a été chargé d’assurer le premier accueil des demandeurs dans plusieurs régions, seul ou avec des plates-formes d’accueil dont les missions ont été réduites puis à compter de 2010 d’en assurer le financement et le pilotage. Cette gestion est « en régie directe » (52 ETP pour environ 4M€ en 2011) ou « déléguée» à des associations (24 en 2011 pour un budget de 6,2M€). L’ensemble est cofinancé par le Fonds européen pour les réfugiés (FER) depuis plus de 10 ans (ce qui est particulièrement exigeant pour la trésorerie des associations, les règles comptables européennes étant particulièrement strictes et les retards de paiement de plusieurs années).
Mais il y a de grandes différences selon les lieux. Lorsque l’OFII est en régie directe, l’accompagnement social et administratif n’est pas effectué. Malgré la conclusion d’un premier cahier des charges en octobre 2009, les différences persistaient.
Le référentiel OFII, un nivellement par le bas
Pour établir le cahier des charges commun des plateformes d’accueil des demandeurs d’asile qu’il finance, l’OFII a mandaté un cabinet de consultants Ernst and Young pour faire un audit afin d’égaliser leurs coûts, élaboré en juin 2011 puis soumis à l’arbitrage du ministre. Avec plusieurs mois de retard, il a été diffusé par une note ministérielle du 22 décembre 2011.
Alors qu’il prétend satisfaire les normes minimales de la directive européenne sur l’accueil des demandeurs d’asile, ce référentiel réduit singulièrement les missions des plateformes. Ainsi, la prise en charge est limitée au seul temps de la procédure : pour les procédures normales, un mois après la notification de la décision d’accord ou de rejet, pour les procédures prioritaires un mois après la notification de la décision OFPRA et pour les procédures Dublin un mois après la notification de la décision de réadmission, ce qui est contraire à la jurisprudence du Conseil d’État.
Le référentiel prévoit la mission de domicilier les demandeurs d’asile, directement ou par convention avec d’autres associations dans un système organisé par le préfet de région qui désignera au demandeur d’asile le lieu de domiciliation – comme c’est déjà le cas en Bretagne et qui est illégal. Les plateformes devront notifier les courriers administratifs au demandeur d’asile. La domiciliation sera interrompue pour les procédures prioritaires et « Dublin II », ce qui porte atteinte au droit au recours effectif.
Les plateformes devront aider les demandeurs d’asile à formuler leur demande d’admission au séjour, en les informant sur la procédure et en organisant la prise de rendez-vous auprès des préfets. Ce système de pré-guichet existe dans plusieurs préfectures et conduit à des délais très importants pour accéder à la procédure d’asile : ainsi, à Paris, le préfet de police a mis en place en avril un système avec deux ou trois rendez-vous. Le demandeur se présente une première fois à la préfecture après que son nom a été transmis par voie électronique par une association de domiciliation. Il lui est alors remis une deuxième convocation dans un délai de sept semaines sans qu’il soit informé des pièces à fournir. C’est à ce deuxième rendez-vous que ses empreintes sont relevées pour le relever EURODAC et qu’on lui remet un formulaire d’admission au séjour et une nouvelle convocation à 3 semaines. Pendant tout ce temps pas d’accès à l’OFPRA, ni aux conditions d’accueil comme en témoigne la situation de M.Y, demandeur d’asile afghan qui a dû saisir par deux fois le juge des référés du Conseil d’État pour être hébergé alors qu’il était malade.
L’une des taches traditionnelles des plateformes était l’accompagnement administratif c’est-à-dire d’aider le demandeur à déposer sa demande d’asile auprès de l’OFPRA puis en cas de rejet, de les aider à saisir la Cour nationale du droit d’asile. Depuis 2004, ce dépôt doit être fait dans un délai de vingt et un jours et la demande doit être rédigée en français. Là encore, on se borne à un strict minimum : les plateformes aideront les demandeurs à remplir la première partie du formulaire OFPRA et « retranscriront en français la question relative aux motifs de demandes d’asile ». En revanche, il est clair que les plateformes ne feront pas de préparation à l’entretien (pourtant moment essentiel de l’instruction, voir Voyage au centre de l’asile, rapport de la Cimade, février 2010), ni les recours à la CNDA en ne faisant qu’une information et orientation sur l’aide juridictionnelle pour les seuls demandeurs d’asile en procédure normale. Là encore, les demandeurs d’asile en procédure prioritaire et « Dublin II » ne sont pas prévus alors que leur situation administrative est celle qui nécessite le plus l’intervention d’un avocat.
Le référentiel insiste sur le rôle des plateformes dans l’enregistrement d’une demande de CADA. Les plateformes assureront l’enregistrement des demandes de CADA en signalant aux préfets les personnes qui refusent l’offre d’hébergement ou ne sont pas venus au rendez vous afin de leur couper l’allocation temporaire d’attente (ATA). En revanche, c’est seulement en cas de besoin, qu’elles orientent les demandeurs auprès du SIAO ou du dispositif de pilotage de l’hébergement des demandeurs d’asile et la gestion ou la recherche d’hébergement d’urgence est exclu des missions. En ce qui concerne l’aide matérielle d’urgence, elle est limitée à une orientation vers les associations caritatives, aux personnes qui ne perçoivent pas l’ATA (alors que le Conseil d’État a répété plusieurs fois que son montant ne suffit pas à couvrir les besoins des demandeurs) et dans la limite de 5 à 10% du budget (soit un montant de 20€ par personne).
De même, pour ce qui est de l’ouverture des droits (ATA, couverture maladie, scolarisation des enfants, accès au compte bancaire), le référentiel ne prévoit qu’une information (le plus souvent collective ou par dépliant) et une orientation vers d’autres « partenaires ».
15 12 11 REFERENTIEL PADA 2012 VD (2)
Ce cahier des charges ad minima minimorum semble être conçu pour une situation où les personnes rentrent immédiatement en CADA alors que les délais d’attente pour y être admis sont a minima de quatre mois et en moyenne de quatorze mois. Le contraste est saisissant avec la proposition de référentiel élaboré par la CFDA ou même avec les revendications plus modérées de principaux opérateurs du dispositif.
A quoi servent alors les plateformes d’accueil si elles ne peuvent remplir les missions essentielles pour assister les demandeurs d’asile ? On peut y voir un dispositif de gestion pour les préfets (qui vont devenir les directeurs territoriaux de l’OFII) et un moyen de dissuader les demandes d’asile par un système de « dés-accueil » des demandeurs à deux vitesses : pour une minorité, un accueil complet dans les CADA, pour les autres, un système au rabais qui n’assure pas l’exercice des droits des demandeurs.
Selon la note du 22 décembre 2011, ce référentiel a vocation à s’appliquer dès début 2012. Les associations qui gèrent aujourd’hui des plateformes, sont enjointes de préciser les moyens humains et matériels nécessaires pour le mettre en œuvre. Seules les missions qui y sont définies seront prises en charge dans la limite d’un budget de 7,2M€ (comprenant le financement de la domiciliation et la traduction du récit d’asile) y sera consacré.
Le véritable enjeu pour l’État et l’OFII est le lancement, repoussé en 2013, d’un appel d’offres avec mise en concurrence des « opérateurs » comme cela est le cas pour l’aide à l’exercice des droits dans les centres de rétention dont le marché arrive également à expiration fin 2012. Les exigences de l’État et de l’OFII sont telles que l’on peut déjà parler d’un contrat de marché public qui ne dit pas son nom (et qui n’est pas régi par les stricts règles du code).
Face à cette nouvelle donne, les associations vont être confrontées à un double phénomène : d’une part, un nombre plus important de demandeurs d’asile qui les solliciteront pour les aider à exercer leur droits pour pallier les insuffisances du dispositif officiel, d’autre part, la volonté de l’État de ne les percevoir que comme des « prestataires de service » et de les mettre en concurrence, comme cela a déjà été le cas, pour la rétention, ou les réduire au silence (avec par exemple le refus d’agrément pour la domiciliation des demandeurs, comme cela a été le cas à Nantes avec le GASPROM, voir CE, 01/07/2011, 347564).
Pour contrer cette logique, et parce que le droit d’asile ne peut être transformé en marché, une réaction unitaire est plus que souhaitable. La CFDA a ainsi envoyé un courrier au ministre de l’intérieur et à l’OFII leur demandant de revoir ces missions
Auteur: Service communication
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