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Accueil des personnes étrangères, le tribunal administratif de Rouen rappelle le droit à l’hébergement

24 mai 2022

Le 1er avril 2022, le tribunal administratif de Rouen a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qu’avait posée la Cimade dans le cadre d’un contentieux contre la réforme du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHDP) de Seine-Maritime. C’est paradoxalement une bonne nouvelle pour le droit à l’hébergement d’urgence des personnes étrangères.

Accueil des personnes étrangères, le tribunal administratif de Rouen rappelle le droit à l’hébergement

 

Selon le code de l’action sociale et des familles, toute personne en détresse et sans abri a le droit d’être hébergée dans un hébergement d’urgence jusqu’à la proposition d’un hébergement ou d’un logement plus stable (article L 345-2-2 et suivants). Pour cette raison, le code ne prévoit pas de condition de séjour régulier pour être hébergé dans un centre financé par l’aide sociale d’Etat (article L. 111-2 du code). C’est ce que l’on appelle l’accueil inconditionnel.

Toutefois, avec le développement du dispositif dédié aux demandeurs d’asile depuis 2000, le ministère de l’intérieur qui en a la tutelle a peu à peu imposé aux préfets puis aux centres de vérifier la situation de séjour des personnes hébergées : seules les personnes ayant une demande d’asile en cours peuvent rester dans ce dispositif. Ce ministère veut instiller une même condition de séjour aux hébergements généralistes et réduire la part des sans-papiers qui y séjournent.

Le Conseil d’Etat semblait lui avoir donné raison : saisi selon la procédure d’urgence du référé, il a ainsi écrit dans plusieurs décisions ou ordonnances que les « déboutés du droit d’asile » n’ont pas vocation à rester dans le dispositif d’hébergement d’urgence, sauf circonstances exceptionnelles[1].

S’appuyant sur cette « jurisprudence », les préfets ont demandé aux centres d’hébergement d’accueillir des équipes mobiles des préfectures et de l’OFII pour examiner la situation des personnes[2] et, plus souvent encore, de transmettre, via des fichiers à la légalité fragile[3], des informations relatives à la situation administrative et la vulnérabilité des personnes, afin de « fluidifier » le dispositif, c’est à dire d’« orienter » vers les dispositifs dédiés à l’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés, au retour volontaire (dispositif de préparation au retour) ou forcé (les centres de rétention administrative).

Une réforme du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHDP) de Seine-Maritime contestée par les associations

En Seine-Maritime, le préfet a ainsi voulu entièrement revoir le dispositif d’hébergement dans une annexe du PDALHPD en réservant les hébergements de longue durée aux personnes en situation régulière ou présentant une vulnérabilité persistante.

Aux côtés de Médecins du monde, de la Fédération des acteurs de la solidarité Normandie et de la fondation Abbé Pierre, La Cimade a contesté cette réforme en indiquant que la jurisprudence du Conseil d’Etat n’avait pas eu pour effet de modifier la loi. Sinon, elle porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Le tribunal administratif de Rouen a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par l’absurde en reprenant le raisonnement développé par La Cimade.
Il considère en effet que :

Les décisions du Conseil d’Etat mentionnées au point 4 de la présente ordonnance précisent les conditions d’octroi, par le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative relatif au référé-liberté, de la mesure tendant à la mise en œuvre du droit à l’hébergement d’urgence ainsi que les circonstances dans lesquelles est caractérisée une carence constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant que le juge du référé-liberté prononce une injonction à l’encontre de l’autorité administrative compétente.

Ces décisions, qui concernent l’office du juge du référé-liberté, n’impliquent pas une exclusion des personnes étrangères faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français exécutoire, ou dont les demandes d’asile ont été définitivement rejetées, du droit à accéder à un hébergement d’urgence, ni qu’ils ne pourraient plus se maintenir dans un tel hébergement.

Dans ces conditions, l’interprétation par le juge administratif des dispositions du code de l’action sociale et des familles dont se prévaut l’association La Cimade ne méconnaît pas le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ni, en tout état de cause, le droit au recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le tribunal a ainsi repris l’argumentaire des associations concernant l’interprétation de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Cela devrait avoir pour conséquence de réduire les exigences des préfets concernant les demandes d’information sur la situation administrative des personnes sans abri.

 

[1]      Cf. CE, section 13 juillet 2016, n°4000074
[2]      Circulaire dite Collomb du 12 décembre 2017 sur les équipes mobiles préfectures OFII, chargées de l’examen de situation administrative dans les centres d’hébergement
[3]      Seules les transmissions mensuelles entre les SIAO et l’OFII concernant les personnes hébergées qui ont demandé asile ou sont bénéficiaires de la protection internationale ont une base légale. Depuis le premier mai 2021, ces dispositions ne sont plus applicables en l’absence d’un décret d’application  (article L 552-7 du CESEDA)

 

Crédit photo : Olivier Roché 

Ordonnance du 1er avril 2022 TA Rouen

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Auteur: Région Normandie

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