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Le collectif "Exils en scène" présente "Chœur d'Exil", une pièce théâtrale conçue et mise en ...
Le Conseil d’État interprète la convention de Genève et la directive qualification pour considérer que les enfants et adolescentes non mutilées constituent un groupe social dans les pays où la pratique de l’excision est la norme social. Mais il en limite la portée en demandant des éléments circonstanciés et en ouvrant la possibilité de refuser le statut s’il existe une possibilité d’asile interne.
mise à jour du 21 décembre 2012
Dans des décisions du 21 décembre 2012, l’assemblée du contentieux, formation la plus solennelle du Conseil d’État a reconnu que les enfants et adolescentes non mutilées constituaient un groupe social au sens de la convention de Genève de 1951 dans les pays et sociétés où l’excision est la norme sociale. Cependant, pour être admis au statut de réfugié, ces personnes doivent fournir des éléments circonstanciés, familiaux, géographiques sociologiques pour établir des craintes personnelles.
Le Conseil d’État était saisi de pourvois contre les décisions des sections réunies de la CNDA du 12 mars 2009 portant sur les demandes d’asile formulées par une mère ivoirienne d’une fille née en France et qui risquent d’être excisées dans leur pays d’origine. La CNDA avait fait un sort distinct pour la fille considérant que du fait de son jeune âge et de sa naissance en France, elle ne pouvait être considérée comme réfugiée. Elle risquait cependant un traitement inhumain et dégradant et la CNDA lui avait octroyé la protection subsidiaire. La mère avait été rejetée de sa demande de statut de réfugiée mais afin de protéger la vie familiale de l’enfant avait octroyé la protection subsidiaire par ‘extension’.
Dans sa décision concernant l’enfant, le Conseil d’État, en rappelant la définition du réfugié de la convention de Genève et son interprétation par la 2004/83/CE du 29 avril 2004 (dite qualification), considère « qu’un groupe social, est constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, ou une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions« et que » dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants et les adolescentes non mutilées constituent de ce fait un groupe social.
L’assemblée du contentieux consacre ainsi les ouvertures jurisprudentielles sur la notion du groupe social, entamées il y a quinze ans et portant récemment sur les persécutions liées à l’orientation sexuelle et reconnaît à l’instar du Conseil des Droits de l’Homme des Nations-unies que les mutilations sexuelles féminines sont une persécution .
Cette avancée majeure est contrebalancée par le souci du Conseil d’Etat de circonscrire l’éligibilité à des personnes présentant des faits précis et circonstanciés, limiter le nombre de personnes concernées et éviter ainsi un « afflux » de demandes. Pour pouvoir être reconnues, les personnes doivent fournir « l’ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques qu’elle encourt personnellement de manière à permettre à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, au juge de l’asile d’apprécier le bien-fondé de sa demande ». Une telle recherche risque d’être compliquée pour nombre de demandes d’asile qui sont examinées en procédure dite prioritaire par l’OFPRA soit parce que le pays est considéré comme sûr (comme le Sénégal, le Mali ayant été retiré complétement de la liste lors de la réunion du conseil d’administration de l’OFPRA du 21 décembre 2012), soit parce que les personnes séjournent en France depuis plusieurs années.
Le Conseil d’État ouvre également la possibilité de refuser cette protection s’il existe à l’intérieur du pays une possibilité d’asile interne,c’est à dire « une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine si cette personne n’a aucune raison de craindre d’y être persécutée ou d’y être exposée à une atteinte grave et s’il est raisonnable d’estimer qu’elle peut rester dans cette partie du pays. La loi et la jurisprudence constitutionnelle ajoutent que pour établir cette possibilité, « Il est tenu compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire, de la situation personnelle du demandeur ainsi que de l’auteur de la persécution au moment où il est statué sur la demande d’asile« , notamment la possibilité d’y travailler et de mener une vie familiale normale.
À titre d’exemple, une personne de nationalité ivoirienne peut certes risquer cette mutilation dans la partie nord du pays où elle est une norme sociale mais cela est moins marquée dans la partie Sud du pays où des campagnes de sensibilisation ont fait reculer cette pratique.
Le Conseil D’État considère que la circonstance d’être née en France ne permet pas de refuser la protection de la convention dès lors que la personne a la nationalité du pays où la mutilation est pratiquée. La décision de la CNDA en subordonnant la reconnaissance de la qualité de réfugié comme membre d’un groupe social à l’exigence que la personne en cause ait manifesté son appartenance à ce groupe, a entaché sa décision d’erreur de droit.
Le Conseil d’Etat renvoie l’affaire à la CNDA pour la fille mais rejette le pourvoi de la mère dans une deuxième décision en considérant que la CNDA n’a pas commis d’erreur en lui refusant la qualité de réfugié. Il rejette ainsi les moyens de la requérante qui estimait qu’elle était elle-même membre d’un groupe social et à titre subsidiaire, au titre de l’unité de famille des réfugiés. En effet, le conjoint et les enfants mineurs de réfugiés peuvent prétendre au même statut mais pas le parent d’un réfugié mineur. De même, la loi ne prévoit pas qu’un titre de séjour soit délivré aux parents d’un réfugié mineur, sauf s’il est non accompagné.
On serait alors dans un paradoxe : si les parents fournissent pour leur fille les éléments circonstanciés et qu’il n’existe pas une possibilité d’asile interne, elle serait reconnue réfugiée mais ils ne pourraient pas prétendre à une protection conventionnelle, ni subsidiaire et deviendraient ou resteraient sans papiers, à moins que les préfets ne leur délivrent sur le fondement de l’article 8 de la CEDH, un titre de séjour.
Enfin dans une troisième décision, le Conseil d’Etat annule l’octroi de la protection subsidiaire à la mère d’une fillette risquant l’excision en considérant que la Cour n’a pas recherché « si [elle] pouvait craindre sérieusement d’être exposée directement et personnellement, en cas de retour dans son pays d’origine, à un traitement justifiant l’octroi de la protection subsidiaire. » Il sera donc difficile de continuer à octroyer la protection par « extension ».
Conseil d’Etat, Assemblée, 21 décembre 2012, N°332491
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi ;
1 – Considérant qu’aux termes du 2 du A de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne » qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » ;
2 – Considérant qu’un groupe social, au sens de ces stipulations et des dispositions de la directive du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, est constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, ou une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ; que l’appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres, ou, s’ils ne sont pas en mesure de le faire, par leurs proches, de leur appartenance à ce groupe ;
3 – Considérant qu’il en résulte que, dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants et les adolescentes non mutilées constituent de ce fait un groupe social ; qu’il appartient cependant à une personne qui sollicite l’admission au statut de réfugié en se prévalant de son appartenance à un groupe social de fournir l’ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques qu’elle encourt personnellement de manière à permettre à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, au juge de l’asile d’apprécier le bien-fondé de sa demande ; qu’en outre l’admission au statut de réfugié peut légalement être refusée, ainsi que le prévoit l’article L. 713-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, lorsque l’intéressé peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine, à laquelle il est en mesure, en toute sûreté, d’accéder afin de s’y établir et d’y mener une vie familiale normale ;
4 – Considérant que les stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ne subordonnent la reconnaissance de la qualité de réfugié, si le demandeur encourt une persécution pour les motifs énoncés par cette convention, qu’à l’impossibilité pour lui de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité ; que, par suite, la circonstance que la personne pour laquelle le bénéfice du statut de réfugié est demandé soit née en dehors de ce pays ne fait pas par elle-même obstacle à l’octroi de la protection conventionnelle ;
5 – Considérant que, pour refuser à Mlle le statut de réfugiée au titre de l’appartenance à un groupe social au sens du 2 du A de l’article 1er de la convention de Genève, la Cour nationale du droit d’asile s’est fondée sur ce que, née en France, elle ne pouvait, compte tenu de son jeune âge, manifester son refus de la pratique des mutilations sexuelles ; qu’en subordonnant la reconnaissance de la qualité de réfugié comme membre d’un groupe social à l’exigence que la personne en cause ait manifesté son appartenance à ce groupe, la Cour nationale du droit d’asile a entaché sa décision d’erreur de droit en ce qui concerne tant la définition du groupe social que l’établissement du lien d’appartenance de cette personne à celui-ci ;
Conseil d’Etat, Assemblée, 21 décembre 2012, N°332492
1 – Considérant qu’aux termes du 2 du A de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne » qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) » ;
2 – Considérant qu’un groupe social, au sens de ces stipulations et des dispositions de la directive du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, est constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, ou une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ;
3 – Considérant que c’est à bon droit que par une décision fondée sur des motifs suffisants et exempts de contradiction et de dénaturation, la Cour nationale du droit d’asile, après avoir relevé que la requérante avait vécu depuis novembre 2000 en France où elle a donné naissance à sa fille et refusé que celle-ci soit excisée, a rejeté le recours de Mme C contre la décision du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides refusant de lui reconnaître le statut de réfugiée, en relevant qu’il n’était pas établi qu’elle pourrait, du fait de son opposition aux mutilations sexuelles auxquelles sa fille serait exposée si elle retournait avec elle en Côte d’Ivoire, être regardée comme relevant d’un groupe social et susceptible à ce titre d’être personnellement exposée à des persécutions au sens des stipulations du 2 du A de l’article 1er de la convention de Genève;
Conseil d’Etat, Assemblée, 21 décembre 2012, N°332607
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B C, de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 4 décembre 2006 ; qu’elle a demandé l’asile en qualité de réfugiée sur le fondement du 2 du A de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et des dispositions de l’article L. 711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en alléguant des persécutions qu’elle encourrait en cas de retour en Côte d’Ivoire après l’assassinat d’un chef rebelle auprès duquel elle aurait été contrainte de travailler comme secrétaire entre 2002 et 2004 ;
2. Considérant qu’en se fondant sur ce que le récit de Mme C était peu crédible quant aux circonstances de sa collaboration forcée avec un chef rebelle, peu pertinent et peu vraisemblable concernant les menaces dont elle aurait fait l’objet après la mort de ce dernier, ainsi que s’agissant des conditions de sa vie en clandestinité pendant deux ans, le directeur général de l’OFPRA a, par une décision du 21 mai 2007, rejeté la demande d’asile de Mme C ; que l’OFPRA se pourvoit en cassation contre la décision du 16 juillet 2009 par lequel la Cour nationale du droit d’asile a annulé la décision du directeur général de l’OFPRA et accordé le bénéfice de la protection subsidiaire à Mme C, en raison des risques encourus par elle du fait de sa volonté de soustraire sa fille à la pratique des mutilations sexuelles féminines, pratique traditionnellement répandue en Côte d’Ivoire, en particulier au sein de la communauté malinké à laquelle elle appartient ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : » Sous réserve des dispositions de l’article L. 712-2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l’article L. 711-1 et qui établit qu’elle est exposée dans son pays à l’une des menaces graves suivantes : / (…) b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;
4. Considérant que pour accorder le bénéfice de la protection subsidiaire régie par ces dispositions à Mme C, la cour, après avoir relevé que la requérante, qui vit en France où elle a donné naissance à sa fille, dont elle refuse qu’en cas de retour en Côte d’Ivoire elle soit excisée, a jugé qu’elle pouvait, du seul fait de cette opposition aux pratiques de mutilation sexuelle féminine, être regardée comme exposée à un traitement inhumain ou dégradant au sens du b) de l’article L. 712-1 ; qu’en accordant ainsi à Mme C, en raison du risque de mutilation sexuelle pesant sur sa fille et de sa volonté de l’y soustraire, le bénéfice de la protection subsidiaire, sans rechercher si Mme C pouvait craindre sérieusement d’être exposée directement et personnellement, en cas de retour dans son pays d’origine, à un traitement justifiant l’octroi de la protection subsidiaire, la cour a entaché sa décision d’une erreur de droit ; que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides est, par suite, fondé à en demander l’annulation ;
Après une jurisprudence de la Commission des recours des réfugiés du 15 décembre 2001 Sissoko, l’OFPRA a considéré que les personnes qui sollicitaient l’asile pour protéger leur fille de l’excision entraient dans le champ d’application de la convention de Genève comme appartenant à un groupe social et a reconnu le statut de réfugié aux demandeurs et demanderesses principalement originaires d’Afrique de l’Ouest (Guinée, Mauritanie, Mali et Sénégal, en dépit du fait que ces deux derniers pays soient considérés comme sûrs par le conseil d’administration de l’OFPRA).
En 2007, le Mali est devenu le pays ayant le plus fort taux de reconnaissance du statut de réfugié avec 78,4% d’accords. D’abord marginale, la demande fondée sur ce motif a connu un pic en 2008 avec plus de 2 000 demandes d’asile de Maliens adultes (4 000 en comptant les mineurs) contre 200 en 2007. Les personnes étaient pour la plupart en France depuis plusieurs années en situation irrégulière et leurs enfants étaient nées en France. Le nombre de demandes d’asile de ce type augmenta brutalement et elles devaient être examinées dans un délai de quinze jours de la procédure prioritaire. Mais la solution juridique restait la reconnaissance de la qualité de réfugié (au premiers semestre 2008, 90% d’accords pour les demandes maliennes).
Est-ce dû à la pression des préfets qui voyaient arriver de plus en plus de Maliens ou de Guinéens en situation irrégulière pour déposer une demande d’asile ou à une réflexion interne à l’Office sur la qualité des demandes ? En tout cas, en juillet 2008, l’OFPRA fit un spectaculaire renversement de doctrine concernant les dossiers d’excision :
1. Seules les personnes arrivant directement et récemment des pays concernés et faisant état de craintes personnelles de persécution en raison de leur refus de l’excision auraient le statut de réfugié (application stricto sensu de la jurisprudence Sissoko). Ces cas sont extrêmement rares et les conclusions d’un rapport de mission organisée en novembre 2008 au Mali en ont encore réduit le nombre.
2. Les demandeurs d’asile présents en France depuis plusieurs années ayant un conjoint en situation régulière (carte de résident ou carte de séjour) qui, par écrit indique qu’il ne ramènera pas les enfants au pays, seraient rejetés car les enfants sont protégés par sa résidence régulière et la crainte de persécution ne naîtrait que d’un retour volontaire.
3. Les demandeurs d’asile en situation irrégulière depuis plusieurs années étaient rejetés car n’éprouvant pas de craintes personnelles, mais les filles bénéficieraient de la protection subsidiaire.
En conséquence, au cours du deuxième semestre 2008, l’OFPRA a rejeté massivement les demandes d’asile , n’octroyant la protection subsidiaire qu’à certaines mineures (parfois âgées de quelques mois). C’était la première fois dans le monde qu’une protection était ainsi accordée aux seules mineures.
Chaque année, le renouvellement de la protection est conditionné au non-retour au pays d’origine et à un certificat de non excision (que l’OFPRA ne devrait pas pouvoir consulter car cela tient du secret médical, cf note CFDA sur cette question). En cas d’octroi de la protection, l’Office fait un signalement d’enfance en danger auprès du préfet, du juge des enfants, de la Protection Maternelle et Infantile (PMI) et de la police aux frontières (PAF) pour empêcher le départ des enfants.
Ces rejets ont été contestés devant la Cour nationale du droit d’asile qui a convoqué des sections réunies en février 2009. Dans ses décisions du 12 mars 2009, elle a considéré que la manifestation publique dans le pays d’origine du refus de l’excision pour soi-même ou pour ses enfants pouvait être considérée comme une transgression des normes en vigueur dans certains pays et donc relever de l’appartenance à un groupe social et entraîner des persécutions selon la convention de Genève.
Mais le seul fait de le refuser en France où la loi réprime cette pratique ne pouvait être considéré comme une crainte de persécution ni comme un traitement inhumain et dégradant. La CNDA a également considéré que les enfants n’étaient pas éligibles au statut de réfugié car dans l’incapacité, du fait de leur âge, de manifester leur refus mais qu’elles craignaient de subir en cas de retour un traitement inhumain et dégradant. Enfin, elle a considéré qu’il fallait étendre la protection subsidiaire aux parents en situation irrégulière qui risquaient d’être renvoyés dans leur pays, ce qui porterait atteinte aux intérêts de l’enfant. Le même raisonnement a été appliqué pour la situation où l’un des parents est en situation régulière mais semble ne pas s’opposer à l’excision des filles.
Depuis ces décisions, les protection octroyées par l’OFPRA sont quasi systématiquement des protections subsidiaires notamment pour les femmes maliennes (95%).
Les décisions de la CNDA étaient très controversées et tant l’OFPRA que les requérantes se sont pourvus en cassation au Conseil d’Etat. L’OFPRA a contesté une décision qui octroyait la protection subsidiaire à une personne dont le conjoint était en situation régulière en France. L’autre pourvoi formé par une requérante ivoirienne contestait le refus du statut de réfugié pour elle-même et pour sa fille.
Une première audience a eu lieu le 13 juillet 2012 auprès des 9e et 10e sous-sections réunies et elles n’ont pas réussi à s’entendre sur la solution du litige. Elles ont décidé de soumettre la question à l’assemblée du contentieux.
L’assemblée est saisie de trois questions
1ère question : Le fait d’être exposé, dans son pays d’origine, à la pratique de l’excision caractérise-t-il l’appartenance à un groupe social au sens de la convention de Genève et permet-il en conséquence de prétendre au statut de réfugié ?
La deuxième question posée à l’assemblée est la suivante : « Dans l’affirmative, quelles conséquences doivent être tirées dans le cas d’une jeune fille née en France, qui y réside depuis sa naissance, mais qui serait exposée à un risque de pratique de l’excision en cas de retour dans son pays d’origine. »
troisième question : « Qu’en est-il par ailleurs des personnes, notamment les parents, qui s’opposent à cette pratique non pour eux-mêmes mais pour un tiers ? »
Rappelons que l‘article 1er de la convention de Genève de 1951 stipule que toute personne qui craint d’être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité de ses opinions politiques mais également en raison d’un certain groupe social. Ce terme qui ne doit pas être confondu avec la ‘ »classe » sociale » a été précisé par la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 visant à une interprétation harmonisée de la convention par les États membres de l’UE , renouvelée par celle du 13 décembre 2011. Pour ces textes, un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier:- ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce, et- ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante.
Le Conseil d’État a, par une décision du 27 juillet 2012, a effectué un revirement jurisprudentiel sur les critères d’appartenance au groupe social . Depuis 1997, le Conseil d’État liait l’appartenance à un groupe social à une persécution spécifique et la CNDA l’avait suivi dans cette logique notamment en liant le refus de l’excision et l’appartenance à un groupe social. Pour se conformer à la directive qualification de 2004, ce lien s’est très fortement atténué s’il n’a pas complètement disparu. Pour caractériser un groupe social, il faut une caractéristique commune aux membres du groupe qui ne peut être modifiée et dont on ne peut pas demander qu’il y renonce et qui les rendent différents aux yeux de la société et des institutions du pays.
Pour la Cimade, les demandes d’asile formulées par des personnes qui refusent pour elles-mêmes ou pour leur filles cette mutilation d’une gravité extrême sont un groupe social au sens de la convention de Genève.
Leur caractéristique commune est à rechercher dans les causes de la pratique de l’excision . Selon l’OMS, dans les sociétés qui pratiquent cette mutilation, la femme qui ne l’a pas subi ne serait pas « propre », ne serait pas une « bonne et prude épouse » . Les parents qui refusent l’excision sont alors considérés comme des parents « indignes » et les personnes sont exclues de la vie sociale. Le HCR, dans une note de mai 2009 a considéré que les demandes d’asile de ce type pouvait être analysées sous l’angle du groupe social ou des opinions politiques . La refonte de la directive qualification est encore plus claire puisqu’elle considère que l’identité de genre était non seulement un élément à prendre en compte comme dans la précédente directive mais un motif d’appartenance à un groupe social.
Il ne fait guère de doute que l’acte d’excision est un acte grave et peut être rangé dans les actes de violence physiques, y compris sexuels ou dans des actes dirigées contre des personnes en raison de leur sexe au sens des mêmes directives tant ses conséquences physiques et psychiques sont graves.
La naissance en France où il existe des mécanismes de prévention et de répression pénale de cette pratique n’offre pas une protection « alternative » qui exclurait du statut de réfugié, comme la laissait entendre la CNDA dans ses décisions. La loi française prohibe certes et c’est heureux, les éloignements et le placement en rétention de mineurs (sauf quand ils accompagnent leur parents) et prévoit que l’enfant étranger peut à sa majorité formuler une déclaration de nationalité. Tel n’est pas la question car le juge de l’asile doit regarder les craintes de persécution et l’absence de protection dans le pays dont le demandeur a la nationalité, ou s’il est apatride, dans le pays de sa résidence habituelle. La question d’une protection possible dans le pays d’accueil est donc une fausse interprétation de la convention de Genève
Auteur: Service communication
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