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Enfermement en rétention malgré la situation sanitaire et des frontières fermées aux expulsions

6 novembre 2020

Le gouvernement est en train d’accroître le nombre de personnes enfermées dans les centres de rétention (CRA), à contre-courant des mesures sanitaires imposées au reste de la population. D’abord limité à 50 % le taux maximal d’occupation des CRA est passé à 60, puis à 70 % atteignant même les 90 % à Bordeaux dès le premier week-end du reconfinement.

Reconfinement… Ce mot est sur toutes les lèvres depuis les annonces présidentielles du 28 octobre. Pour beaucoup, ce mot annonce le début d’une période particulière d’isolement afin de limiter la propagation de l’épidémie de coronavirus et de protéger la santé de toutes et tous. Pourtant, le gouvernement est en train d’accroître le nombre de personnes enfermées dans les centres de rétention (CRA), à contre-courant des mesures sanitaires imposées au reste de la population. D’abord limité à 50 % le taux maximal d’occupation des CRA est passé à 60, puis à 70 % atteignant même les 90 % à Bordeaux dès le premier week-end du reconfinement.

Lors du premier confinement, les associations intervenant en rétention et les autorités administratives indépendantes alertaient déjà des risques sanitaires encourus par les personnes enfermées et demandaient la fermeture temporaire des centres de rétention afin de permettre la protection de la santé de toutes et tous et en particulier celle des personnes les plus vulnérables.

En effet, le strict respect des gestes barrières est impossible en centre de rétention. Les personnes y sont privées de liberté jour et nuit, sur de longues durées, dans des conditions de promiscuité important notamment dans les chambres où elles sont souvent enfermées à plusieurs, et un niveau d’hygiène en temps de pandémie globalement insuffisant.

Les mesures spécifiques prises par le ministère de l’intérieur à la fin de la première période de confinement n’ont d’ailleurs pas empêché la diffusion de l’épidémie dans les CRA comme en témoigne l’apparition de clusters, à Vincennes et au Mesnil Amelot cet été, ou à Bordeaux et Hendaye aujourd’hui prouvant la défaillance des protocoles mis en place. Aujourd’hui les personnes enfermées courent le risque de se contaminer entre elles.

Alors que les mesures gouvernementales annoncées le 28 octobre sont devenues plus contraignantes pour l’ensemble de la population française, les lieux de privation de liberté semblent en dehors de ces principes de précaution, laissant signifier que la santé des personnes enfermées n’a pas la même valeur que celle du reste de la population en France.  Ceci alors que le virus circule plus fortement et que le nombre de personnes contaminées explose. Au sein des CRA, les personnes privées de liberté manifestent un fort sentiment d’injustice vis-à-vis du traitement qui leur est réservé. Les tensions et les formes de protestation s’y multiplient (grèves de la faim, communiqués des personnes enfermées, gestes désespérés tels que des automutilations).

Cet enfermement est d’autant plus inacceptable et absurde que la recrudescence de l’épidémie dans le monde conduit de nombreux pays à fermer leurs frontières, à l’image de la France. Dans ce contexte, les expulsions sont donc limitées si bien que la rétention perd son fondement légal. En effet, elle n’est possible que pour le « temps strictement nécessaire à son départ »[1]. Dès lors que l’expulsion est impossible l’enfermement devient sans fondement, il est donc totalement illégal comme le signalait déjà en mars la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Nombre de juridictions sanctionnent cette pratique tandis que d’autres prolongent la durée du maintien en rétention faisant ainsi le jeu des préfectures qui enferment à des fins essentiellement punitives.

De plus, dans ce contexte sanitaire, les droits des personnes enfermées s’amenuisent. Ainsi, pendant le confinement de début d’année, les personnes enfermées n’ont bien souvent pu ni recevoir de visite, ni être présentées devant les juridictions, ni rencontrer leurs avocat.e.s. Elles étaient ainsi complètement isolées du monde extérieur et ne pouvaient que subir les décisions de juges qu’elles ne rencontraient même pas. Suite à l’annonce de ce second confinement, les limitations des droits se font déjà ressentir avec notamment l’arrêt des visites dans des centres – ce qui signifie pour la plupart des personnes enfermées un renforcement de l’isolement et l’absence totale de ressources. Des audiences en visioconférence sont également organisées depuis des lieux policiers – comme c’est le cas au sein même du commissariat d’Hendaye qui jouxte le CRA.

Enfin, l’administration tente d’imposer des tests PCR aux personnes qu’elle veut expulser vers des pays qui réclament une preuve de non contamination, en utilisant la menace de condamnations pénales. Le droit au refus de cet acte médical qui requiert un consentement libre et éclairé est ainsi bafoué et des personnes qui n’ont pas cédé à la pression administrative sont condamnées à des peines de prison ou d’interdiction du territoire français.

La Cimade réitère sa demande de fermeture des centres de rétention, pour protéger la santé de toutes et tous, et pour faire cesser les nombreuses atteintes aux droits des personnes étrangères enfermées.

[1] Article L554-1 du CESEDA

© Laurent Pipet

 

Auteur: Service communication

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