Bretagne-Pays de Loire

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Deux pères de famille expulsés – Les préfectures s’acharnent

31 mars 2021

Deux pères de famille, l’un albanais vivant dans le Morbihan, l’autre arménien vivant dans le Finistère, ont été enfermés au centre de rétention de Rennes et ensuite expulsés, donc séparés de leurs familles.

Monsieur RAMAJ et son épouse ont quitté l’Albanie avec leurs enfants en 2016. Installés dans le Morbihan, ils s’efforcent de s’intégrer malgré les difficultés pour obtenir le droit de séjour en France. Monsieur RAMAJ travaille à temps plein comme plaquiste et a signé un CDI en fin d’année dernière. Jusque-là hébergés par des associations, ce travail leur a notamment permis de louer leur propre appartement. Leurs enfants, âgés de 12, 10 et 5 ans, sont tous scolarisés. Le couple vient d’avoir un quatrième enfant, né le 8 février dernier.

Le 10 mars dernier, à l’occasion d’un simple contrôle routier, monsieur RAMAJ est arrêté et enfermé au centre de rétention administrative de Rennes dans le but d’être expulsé en Albanie. Si la préfecture exécute sa décision, monsieur sera renvoyé seul en Albanie, laissant derrière lui sa femme sans ressources et ses quatre enfants mineurs dont un nourrisson âgé d’à peine 1 mois ½. C’est ce que dénoncent les parents d’élèves des classes des enfants de la famille et plusieurs élues de la ville d’Auray.

Situation similaire pour une famille qui a fui l’Arménie en 2014 et qui vit dans un centre d’hébergement à Brest depuis plusieurs années. Le couple a trois enfants dont deux mineurs, le dernier âgé de quelques mois est né en septembre 2020. L’aîné a fini ses études en France, détient une promesse d’embauche et fait du bénévolat. Leur fille âgée de 11 ans souffre d’un problème de santé qui nécessite un suivi médical très régulier non accessible en Arménie. Elle est scolarisée au collège. Malgré leurs nombreuses années passées en France, et les risques pour la santé de leur fille en cas de retour en Arménie, monsieur s’est vu délivrer une obligation de quitter le territoire français. Il a été arrêté à son domicile le 10 mars dernier et enfermé au centre de rétention administrative. Là encore, l’exécution de la décision par la préfecture du Finistère brisera une famille, expulsant le père loin de sa femme et ses trois enfants.

La Cimade dénonce l’acharnement administratif à l’encontre de ces familles. La politique d’expulsion ne doit pas se faire au détriment de la vie privée et familiale des personnes étrangères. La Cimade demande la libération de ces hommes et le réexamen de leur situation.

Mise à jour : Le 30 mars, ces deux hommes ont été expulsé vers leur pays d’origine. Deux familles ont donc été séparées, en violation de leur droit fondamental de mener une vie familiale normale.

Une mobilisation est prévue aujourd’hui 31 mars devant la sous-préfecture de Brest à l’initiative des professeurs et parents d’élèves du collège où est scolarisée l’une des enfants.

Voici le témoignage de l’épouse du Monsieur expulsé vers l’Albanie :

« On est entrés en France depuis 2014 avec ma famille, avec mon mari, ma belle-mère et mes deux enfants. On a fait une demande d’asile en France par rapport à la situation de mon mari, mais ça a été refusé. On ne savait pas ce qu’on pouvait faire, c’était très compliqué de retourner en Arménie.

Après, on a demandé à la préfecture un rendez vous pour faire un dossier pour soigner ma fille. Ma fille, elle a une maladie rare. Tout le monde pense qu’elle est sourde, mais c’est pas ça. C’est la maladie Goldenhar, c’est très rare. Elle n’a qu’une seule oreille, et doit porter une prothèse. A cause de sa malformation, son docteur nous a proposé de lui poser une prothèse, avec une vis dans son os. Elle est aussi suivie par une audio prothésiste pour régler son appareil s’il y a des soucis.

En 2015 et 2016 ça a été accepté, on a eu des titres de séjour provisoires par rapport à la maladie et au suivi médical de ma fille, mais sans autorisation de travail, et ça c’était très compliqué. On a demandé partout pour pouvoir travailler, mais tout le monde nous disait que c’était pas possible. C’est très compliqué en France de trouver du travail sans autorisation.

En 2017, on a demandé le renouvellement du titre de séjour et ça a été refusé. Après on a demandé l’avocat, qui a fait un recours à Rennes et après à Nantes, et ça a encore été refusé. Notre avocate nous a conseillé de demander une régularisation, car ça faisait 5 ans qu’on était ici. J’ai été bénévole pendant 5 ans au secours catholique, et mon mari aussi. On a pris des cours de français la-bas depuis 2015, moi et mon mari. Mais j’étais très inquiète pour ma fille.

En 2020, notre régularisation a aussi été refusée.

Mon mari a été obligé d’aller signer au commissariat tous les jours. Alors je suis allée à la préfecture à Quimper pour expliquer qu’on ne pouvait pas retourner en Arménie, j’ai expliqué notre situation. On m’a dit non Madame, c’est fini pour vous, vous ne respectez pas la loi en France. J’ai demandé ce qu’on faisait mal. C’est vrai en 2017, mon mari avait bu, il a conduit et a été arrêté par la police. Il a payé son amende, et il a été interdit de conduire pendant 6 mois. C’est tout, c’est fini. Mais ni moi ni mon mari n’avons pas respecté la loi. Mon mari, il était toujours très très stressé. C’est moi qui m’occupais de lui, qui aidais mon mari et mes enfants.

Nous ne sommes pas des criminels, j’ai supplié la préfecture, vous pouvez punir mon mari, mais moi qu’est ce que j’ai fait de mal, on m’a dit de partir et qu’on ne pouvait rien faire pour moi. J’ai montré le certificat du médecin de ma fille. On m’a dit que c’est déjà refusé pour ma fille, et c’est l’OFII qui décide. Sauf que ça c’était en 2017.

On ne peut pas quitter la France. Je ne peux pas quitter la France.

Ce que je voudrais, c’est qu’on me donne la possibilité de vivre en France avec mes enfants. Milena doit continuer ses études, elle est scolarisée, alors qu’elle avait des soucis de langage et a vu des psychologues et orthophonistes, c’était un travail d’équipe.

Quand mon mari a été enfermé, c’était une catastrophe. J’ai appris hier qu’il était en Arménie. Mais moi je ne peux pas quitter la France, même si la séparation avec mon mari est insupportable. Je lui ai parlé, mais je lui ai dit que je ne pouvais pas le rejoindre, que c’était très compliqué avec les enfants. Je n’ai pas d’autres solutions, on doit tout faire pour rester.

On est respectueux des lois en France. On a fait une erreur mais c’est pardonnable, ou pas ? C’est ça que je voudrais savoir, c’est tout. »

 

Photographie : centre de rétention administrative de Rennes, décembre 2020. © Jérémie Lusseau / hanslucas.com

Auteur: Région Bretagne Pays de Loire

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