Appel à mobilisation: Journée internationale des Migrantes et Migrants
Le 18 décembre – Journée internationale des Migrantes et Migrants – Plus de 230 ...
Rencontre avec Fabien Didier Yene, parrain du festival Migrant’scène 2011. Parti du Cameroun pour finalement s’installer au Maroc, il raconte son parcours dans Migrant au pied du mur . Aujourd’hui, il livre un nouveau combat pour défendre les droits des sub-sahariens dans les pays d’Afrique du Nord. Rencontre.
« Je suis au Maroc depuis 9 ans, après 32 tentatives de passage vers l’Europe. Pendant l’une de ces tentatives, j’ai vu la Guardia civile noyer un Sénégalais, après qu’elle nous a arrêtés sur la côte espagnole puis ramenés vers la côte marocaine et nous a jetés à la mer comme des sacs de déchets toxiques. Imaginez un homme qui crie ne pas savoir nager, qu’on jette en mer et qui se noie 2 minutes plus tard… Juste après cette expérience, j’ai pris la ferme résolution de ne plus essayer le passage mais de m’investir avec altruisme au Maroc en combattant le système.
L’ADESCAM, Association de Développement et de Sensibilisation des Camerounais Migrants au Maghreb (Maroc) a vu le jour après les tragiques événements de Ceuta et Melilla de 2005 où trois de nos compatriotes sont tombés sous les tirs des gardes espagnole et marocaine ; nous n’en savons pas trop sur ces meurtres, même aujourd’hui, parce qu’une véritable enquête n’a jamais été menée.
J’ai été écœuré par ces injustices ; j’ai pris conscience qu’il fallait impliquer les Camerounais, en commençant par ceux du Maroc, agir pour qu’ils se regroupent et défendent leurs droits, vis-à-vis des pays d’accueil comme de notre propre pays. Nous dénonçons l’inaction de nos représentations diplomatiques. Nous ne sommes pas des subversifs comme elles le prétendent. Nous militons pour le respect de notre dignité et pour la justice .
Certes le Maroc est aujourd’hui mon pays de résidence par défaut, mais il faut aussi souligner que, au départ, ce n’était pas l’Europe mon projet de migration ; c’est d’ailleurs vrai pour bien d’autres migrants. Il ne faut jamais négliger qu’il existe une forte migration inter africaine. Mais, malgré tous mes efforts pour rester au Maroc, j’avais l’impression (et c’est encore le cas aujourd’hui !) d’être toujours vu comme un migrant qui voudrait aller en Europe. Or ce regard est très loin de la réalité !
C’est une idée illusoire de penser que tous les Sub-sahariens voudraient quitter le Maroc et passer en Europe. C’est évidemment ce que dit le Maroc à l’UE, pour demander plus de financements ou d’aides pour lutter contre cette migration dite illégale. Mais les discours politiques sont parfois très loin de la vérité. Il est vrai qu’il y a un écart de niveau de vie entre le Maroc et l’Europe, mais il y a aussi un écart entre le Maroc et les pays d’origine des migrants. Il faut changer d’approche : le Maroc doit se considérer comme un pays d’accueil.
Présentement, l’ADESCAM n’est pas encore vraiment reconnue comme une association formelle et cela ne nous permet guère que de donner des informations sur les abus commis contre les droits des migrants. Toutes les actions que nous menons sur le terrain sont limitées et nous sommes nous mêmes très limités du fait que, généralement, ce sont des personnes en situation irrégulière avec qui nous travaillons.
Je suis très heureux d’être parrain du Festival Migrant’scène, ce sera une occasion exceptionnelle de faire connaître en Europe la réalité du vécu des Sub-sahariens au Maroc et, plus largement, des personnes qui sont bloquées aux portes de l’Europe et qui ne peuvent ni avancer ni reculer. Jusqu’à présent ce sont des associations d’accompagnement des migrants qui en ont parlé, mais, cette fois, La Cimade nous donne la possibilité de parler en notre propre nom…
J’espère que les gens auront un autre regard sur les migrants. Nous voulons déconstruire l’image figée qu’on nous colle au corps. Nous sommes en migration, certes, mais nous sommes avant tout des humains ! «
Propos recueillis par Françoise Ballanger, publiés dans Causes Communes n°70
Fabien Didier Yene sera en tournée dans toute la France à l’occasion du festival Migrant’scène du 12 au 27 novembre.
Retrouvez toute la programmation sur le site du festival
Auteur: Service communication
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