Communiqué de la Cimade Pays-Basque
Le mercredi 2 octobre 2024 à 9h du matin, 7 militant-e-s de certaines de nos organisations ...
La crise sanitaire du covid-19 a affecté toutes les femmes victimes de violences. Mais pour les femmes étrangères, la situation a été, et est toujours, bien plus fragile. Éclairage avec Violaine Husson, responsable des questions genre et protections à La Cimade.
Les effets de la crise sanitaire du covid-19 sur le droit des femmes ont été observés dans de nombreux pays qui ont constaté une augmentation de la violence domestique. La France n’est pas une exception, la violence domestique a augmenté : les mesures imposant l’isolement ont obligé un certain nombre de femmes à rester au domicile conjugal. Malgré l’augmentation de places d’hébergement, de nombreuses femmes n’ont pu être mises à l’abri. Certaines n’ont pas réussi à porter plainte contre l’auteur∙e de violences, d’autres n’ont pas eu l’information liée à la mise en place de dispositifs spécifiques et notamment les femmes étrangères.
Violaine Husson : Le confinement a notamment engendré le maintien des personnes au domicile parfois dans des situations dramatiques de violences. Les chiffres sont éloquents : le ministère de l’intérieur annonce une augmentation de 40,5 % des appels d’urgence pour violences intrafamiliales depuis le 16 mars 2020. Les saisines de la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr auraient augmenté de 30 % et celles du 119 (violences faites aux enfants) de 35 %.
En Outremer, la situation est alarmante. À La Réunion, le Réseau VIF, partenaire de La Cimade, constate une augmentation des signalements de 24 % par rapport à la même période en 2019, du 17 mars au 10 mai 2020. En Guyane, le procureur de la République parle d’une situation très préoccupante. 180 procédures pour violences conjugales ont été instruites durant ces trois derniers mois et les faits constatés ont plus que doublé par rapport à l’an dernier. En 2019, pour le trimestre, 6 personnes avaient été déférées. Aujourd’hui, 38 personnes sont passées en comparution immédiate pour les faits les plus graves ou pour des mesures d’interdiction de contacts avec les victimes.
Les associations ont fermé pour la plupart leurs permanences. Certaines, comme La Cimade, ont néanmoins maintenu des permanences téléphoniques. Avec le déconfinement, de nombreuses femmes ont pu quitter le domicile et le conjoint violent. Celles qui contactent La Cimade aujourd’hui font part d’une intensification des faits de violences pendant le confinement.
V. H. : Plusieurs femmes nous ont fait savoir qu’elles n’ont pas pu porter plainte suite à des refus dans les commissariats. À La Réunion, l’activité des intervenant·e·s sociaux·ales en commissariat et gendarmerie a diminué pendant la crise.
V. H. : Plusieurs dispositifs ont été mise en place, mais rien n’a été pensé spécifiquement pour les femmes étrangères. Aucune information n’a été traduite dans les langues étrangères utiles et les services d’écoute, saturés, ne disposent pas d’interprète. Les femmes étrangères victimes de violences n’ont donc pas pu faire appel à ces dispositifs desquels le gouvernement les a, de fait, exclues.
V. H. : La réalité est très variée selon les villes et les départements. Mais globalement rien n’a été pensé pour les femmes étrangères, qui, encore une fois, en raison de la barrière de la langue, n’ont pas eu accès à l’information.
Dans les Hauts-de-France, une dizaine de femmes seules survivaient dans les campements informels parmi une population d’environ 1000 hommes. Les douches et toilettes mis à disposition sont mixtes, sans aucune prise en compte de la prévention des violences subies. À Grande-Synthe, 45 femmes vivent dans un ancien hangar sur la Linière, y compris des femmes enceintes, isolées ou âgées. De telles situations sont dramatiques, sans réelle mise à l’abri possible. Et il n’y a pas eu de création de structure spécifique pour accueillir ces femmes étrangères.
Dans certains départements, si des femmes ont pu être mises à l’abri dans des hôtels, elles se sont retrouvées sans aucune ressource et sans l’aide de citoyen·ne·s et acteurs associatifs, elles n’auraient pas eu de quoi subvenir à leur besoins alimentaires et hygiéniques pour elles et leurs enfants.
V. H. : Les tribunaux sont restés ouverts et les procédures relatives aux violences faisaient partie des rares contentieux maintenus pendant la crise sanitaire. Cependant des difficultés multiples ont été éprouvées pour solliciter l’aide juridictionnelle, avoir accès à un avocat, pour être accompagnée dans ses démarches juridiques, trouver un huissier, etc.
V. H. : De nombreuses femmes n’ont pu se déplacer pour consulter des professionnels de santé. Certaines avaient peur de se rendre à l’hôpital et il leur était plus difficile de sortir, car elles étaient confinées avec leurs parents, leur conjoint violent ou leur exploitant. D’autres n’ont même pas pu sortir de chez elles.
V. H. : Les ordonnances de protection sont un outil très utile de protection des personnes victimes de violences conjugales ou de mariage forcé (françaises ou étrangères, avec ou sans titre de séjour), mais il est très peu mobilisé par la justice. En pleine crise sanitaire, le décret du 27 mai 2020 est venu complexifier toute la procédure, notamment avec l’obligation pour la victime de saisir un huissier en 24 heures pour informer son conjoint violent ! C’était évidemment un délai beaucoup trop court et un processus souvent trop onéreux pour les victimes. Un nouveau décret en date du 3 juillet a changé la donne. Il porte à deux jours le délai de signification à l’auteur des violences. Cette information par voie d’huissier doit désormais être faite à l’initiative du greffe ou de l’avocat de la victime, et le coût est désormais à la charge de l’État. Mais encore faut-il pouvoir suivre toutes ces évolutions de texte, et qui plus est, dans un tel contexte !
V. H. : Comme pour toutes les personnes étrangères en cette période de crise sanitaire, la dématérialisation du service public renforcée est une catastrophe. Les femmes victimes de violences rencontrent elles aussi des difficultés insurmontables pour accéder à leur titre de séjour ou simplement le renouveler. Les sites Internet des préfectures sont inaccessibles, rien n’est traduit dans les langues étrangères, aucun rendez-vous n’est proposé pour les titres « violences » et il n’existe aucune alternative à la dématérialisation dans de nombreux département. Pour les victimes de violences, cette situation les fragilise encore plus, car elles ont besoin d’un statut administratif stable pour se protéger et se reconstruire.
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Photographie : © Jean Larive
Auteur: Service communication
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Tribune dont La Cimade est signataire, publiée le 16 septembre 2024 dans Le Monde
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