Par un courrier du 19 juin 2025, La Cimade a saisi la Défenseure des droits sur la question de la réunification familiale.
Les équipiers de la Cimade ont aidé 66 familles à saisir la Défenseure des droits face aux différents obstacles de cette procédure qui vise à permettre aux membres de famille des bénéficiaires de la protection internationale en France à les rejoindre, sans que soient exigés des conditions de ressources et de logement.
les principaux constats sont :
- Conçu pour des demandes de visa court ou long séjour de tout type, le téléservice France-Visas est complexe et peu adapté à certains publics en précarité numérique. Lors du renseignement du formulaire en ligne, il n’est pas prévu d’assistance spécifique dans les programmes d’accompagnement social et numérique. Le programme AGIR l’évoquait mais du fait des contingentements instaurés, la mission n’est pas effective. Par ailleurs, le formulaire ne tient pas compte de certaines spécificités des familles de réfugiés (absence de passeport, onglet membre de famille incomplet).
- La prise de rendez-vous au consulat comporte des dysfonctionnements majeurs. Des statistiques sur 66 saisines, il ressort que 14 personnes ont obtenu un rendez-vous dans un délai anormalement long allant de 3 à 11 mois et 12 personnes n’en avaient pas obtenu à la date du relevé (avril 2025). En moyenne, le délai de rendez-vous est d’environ 7 mois (208 jours). Si les délais sont plus brefs pour certains, c’est parce que les personnes ont utilisé les services premium et payants des prestataires des ambassades. De plus, en raison de la pénurie de rendez-vous, les familles se trouvent parfois contraintes d’avoir recours à des intermédiaires non officiels et coûteux. Il est souvent nécessaire de se rendre plusieurs fois à l’ambassade, ce qui entraîne des déplacements périlleux et onéreux ; surtout quand il faut déposer sa demande dans un pays autre, car il n’existe pas d’ambassade de France dans le pays d’origine.
- Lorsqu’ils arrivent à obtenir un rendez-vous, l’instruction des demandes par les consulats puis par le bureau des familles des réfugiés de la sous-direction des visas du ministère de l’intérieur est particulièrement longue, sans qu’il soit possible de connaître très généralement l’état d’avancement des dossiers ainsi, l’échantillon fait apparaître en effet un délai moyen de 207 jours, soit plus de 6 mois. Elle est aussi de plus en plus intrusive, demandant toujours plus de justificatifs.
- Après de nombreux mois d’attente pour obtenir un rendez-vous afin de déposer leur demande de visa, les familles doivent encore attendre la décision du consulat français. Tout cela dans la plus grande opacité.Lorsque le refus est implicite, les familles ne connaissent pas le motif sauf à le réclamer. Lorsque l’administration notifie un refus ou que les personnes demandent la communication des motifs du refus, ceux-ci sont peu explicites, se contentant de reprendre les articles du CESEDA (L561-2 et L561-5 notamment), sans faire le lien avec la situation particulière de la personne demandeuse. Par ailleurs, nous observons que les motifs principaux avancés par les consulats français pour refuser les demandes de visa, concernent la remise en question des documents d’identité produits et des liens de filiation (19 dossiers sur 24, 79%). Quand cela concerne des documents d’état civil produits ou encore des éléments de possession d’état, on note qu’il y a un réel manque de transparence de l’administration dans les critères retenus et l’appréciation faite de la validité de certains éléments.D’autant plus que cette exigence d’état civil est particulièrement difficile à satisfaire pour des membres de famille de BPI (bénéficiaires de la protection internationale), vivant dans des pays où il n’y a pas toujours de services compétents ou d’accès possible aux services s’ils existent, compte tenu des réalités géopolitiques très variables d’un pays à l’autre.
- L’appréciation de l’administration de la validité de la procédure est régulièrement infirmée par le juge administratif (45% de satisfaction en 2024), quand les familles parviennent à le saisir. En effet, les délais de recours au fond aujourd’hui sont particulièrement longs et coûteux pour les réfugié·e·s ; plus d’un an pour la réponse à la demande d’aide juridictionnelle, quand elle est possible, et plus 18 mois pour obtenir un jugement.Ces délais contentieux, ne font que se rajouter aux délais précédents de la procédure de réunification familiale (prise de rendez-vous et délais d’instruction), dans un contexte de grande insécurité pour les personnes restées au pays et d’atteinte répétée au droit à vivre en famille.Dans les 66 saisines réalisées, 37% des dossiers sont en attente d’une audience depuis plus de 300 jours, dont trois à plus d’un an. Les conséquences pour les personnes que nous accompagnons sont multiples, telles que :
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- renoncer à la démarche de réunification
- éviter le contentieux en espérant une réponse, même très tardive du consulat
- s’endetter pour payer les frais de procédure judiciaire
- ou encore, prendre le risque de faire venir ses proches par des voies non-officielles et dangereuses.
Auteur: Responsable national Asile