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Un demandeur d’asile face à la politique d’expulsion – quand le juge sanctionne les pratiques préfectorales

29 juin 2018

L’éloignement, c’est l’expulsion dans la novlangue de l’administration. C’est une violence institutionnelle qui s’exerce à l’encontre des personnes, soumises à un énorme stress.
Voici un témoignage d’une bénévole de La Cimade sur le quotidien de la permanence éloignement. Il s’agit d’un demandeur d’asile qui a fait l’objet d’une décision d’expulsion avant même de pouvoir demander l’asile, à peine arrivé en France.

S., 3 mois après

Mois d’hiver de galère, S. a dormi et mangé au hasard et grâce à la bonne volonté de certains à qui il reste une humanité dans un pays qui en manque beaucoup. Merci aux Resto du cœur qui l’ont nourri sans se soucier de savoir s’il avait le moindre bout de papier attestant une demande d’asile. Il a eu peur et froid et faim. Un mois avant l’audience nous avons su qui serait l’avocat de permanence Une avocate en fait, que nous avons pu contacter. Et nous avons de la chance car cette jeune femme est aussi compétente que motivée. De permanence par choix, pas par obligation. Sans trop s’engager elle trouve des failles dans le mémoire en défense de la préfecture de Paris. En particulier, la partie concernant la détention de S. au commissariat est vide.

Vient l’audience le 27 mars, fixée à 9h30. RV à 9h avec lui au métro Saint-Paul à Paris 4ème tout près du tribunal, pour l’accompagner et avoir le temps de discuter quelques minutes avec l’avocate et l’interprète. Mais S. est en retard, il s’est perdu dans le métro, trop de stress. Je le guide par texto et en demandant à d’autres voyageurs du métro de lui indiquer dans quel sens prendre la ligne 1 et où descendre. Les gens sont gentils, ça arrive…

Il déboule à 9h25, je suis trempée, sous une pluie battante. On galope jusqu’au TA. C’est mal barré, je stresse aussi. Et là, succession de coups de bol ou de petits miracles, la juge à 1/2h de retard sur les audiences… l’avocate est adorable, elle a un autre client, bangladais également, après S. et la traductrice, nickel en bengali, est très sympa. On peut discuter, il explique son histoire tant bien que mal. L’avocate décide de jouer le droit et rien que le droit. L’objectif c’est faire sauter l’OQTF, pas obtenir l’asile. Son tour arrive, la juge écoute, elle semble attentive et ouverte à l’argumentation.

Après l’audience du compatriote nous sortons tous boire un café. L’avocate me dit que ce n’est pas gagné mais que ce n’est pas impossible… S. discute en bengali avec son compatriote qui est en France depuis 2 ans. Ils partent ensemble.

15 jours après, la lettre recommandée du TA arrive. J’appelle S. et on va à la poste la récupérer. La juge a retoqué la préfecture, l’OQTF est levé !!! OUI ça arrive

Entre temps il a, enfin, suivi nos conseils et été se faire enregistrer dans un PADA. Il peut démarrer son dossier de demande d’asile, il a une carte CMU, une carte ADA qui lui permet de retirer à la poste l’allocation de demandeur d’asile,  un endroit où dormir en perspective et tout un dossier à remplir. France Terre d’Asile a pris le relais.

Après je n’ai plus de nouvelles, tout ce que j’espère c’est de ne pas le revoir à la permanence éloignement avec un refus d’asile et une nouvelle OQTF…

——-

14 février 2018 – « Eloignement », comprendre, expulsion. Voilà et ça ne s’arrange pas.

S. a 26 ans et vient du Bangladesh. Il a fui son pays il y a un peu plus d’un an. Pour tout papier, après un périple au travers de l’Inde et du Pakistan jusqu’à la frontière française, il ne lui reste que son acte de naissance. Un téléphone et plus un sou. A Nice, il paie le passeur et prend un billet de train pour Paris. Oui, il veut demander l’asile en France : « mes amis bengalis m’ont dit de venir parce que la France aide beaucoup de gens et qu’ils m’aideront. C’est pourquoi je vous demande de m’aider maintenant. Je n’ai ni argent ni boulot ni amis. Je n’ai pas de famille. S’il vous plaît, envisagez de m’aider. La France est un pays d’assistance, alors aidez-moi avec bonté. », ce sont ses mots.

Le 10 décembre il arrive en France et le 12 prend le train pour Paris. Gare de Lyon, il est arrêté, sans papiers, direction commissariat et à 19h, allez, dehors avec OQTF direction retour au Bangladesh d’ici un mois.

Lors de son audition, avec un interprète, il a clairement dit qu’il voulait déposer une demande d’asile. Il n’a pas de papiers alors on ne va pas tout de même l’écouter en plus !

Le 19 décembre, il est venu à la Cimade et nous avons fait un recours contre cet OQTF qui rend difficile l’accès à la demande d’asile. En effet, s’il se présente quand même au guichet unique, il risque d’être placé en procédure accélérée et de ne pas bénéficier de toutes les garanties procédurales. Et en attendant le rendez-vous en préfecture, d’être contrôlé et placé en rétention sans que sa demande ait pu être étudiée correctement par l’OFPRA.

A Paris il n’a pas de domiciliation, il ne comprend pas un mot de français, parle très mal anglais, ne connaît personne et a dormi dans la rue au moins 3 semaines. Il ne sait pas où aller, personne ne parle bengali… Maintenant grâce aux idées des uns et des autres à la Cimade, il a une domiciliation de fortune, ne dort plus dehors et se nourrit grâce au réseau bengali-pakistanais de Paris. En attendant le jugement du TA de Paris, le 27 mars

… à suivre

France, Terre d’accueil, on disait !!

Auteur: Admin_Ile_de_France

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