TRIBUNE – Naufrages de la Manche : « La politique migratoire franco-britannique est mortifère, et ce n’est pas aux associations d’en pallier l’inconséquence »
Tribune dont La Cimade est signataire, publiée le 16 septembre 2024 dans Le Monde
Plus de 800 personnes sont actuellement présentes sur la commune de Grande-Synthe. Alors que les autorités ont annoncé une grande évacuation au cours de l’été, les associations de terrain s’inquiètent du déroulement de cette opération ainsi que du devenir des personnes qui reviendront ou arriveront.
Monsieur le Préfet de région, Michel Lalande
Monsieur le Sous-préfet de Dunkerque, Eric Etienne
Monsieur le Maire de Grande Synthe, Martial Beyaert
Grande-Synthe, le 29 juillet 2019,
Objet : Lettre ouverte concernant la prochaine évacuation de l’Espace Jeunes du Moulin et de ses alentours
Monsieur le Préfet du Nord, Monsieur le Sous-Préfet de Dunkerque, Monsieur le Maire de Grande-Synthe,
Vous nous avez indiqué le 17 juillet dernier lors d’une rencontre que le gymnase ouvert en décembre dernier par la mairie, et ses alentours, allaient être évacués pendant l’été et que des mises à l’abri seraient proposées aux personnes présentes vers les centres d’accueil et d’orientation (CAO) et centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) de la région. Cette opération pourrait avoir lieu lors de la deuxième quinzaine d’août.
Plus de 800 personnes sont actuellement présentes à Grande-Synthe : 200 personnes dorment dans le gymnase et plus de 500 tentes sont installées autour. Une soixantaine de personnes sont par ailleurs présentes dans les bois du Puythouck.
Nous sommes particulièrement inquiets concernant le déroulement de cette opération d’évacuation et du devenir des personnes qui reviendront. Car sans solutions adaptées et pérennes, cette nouvelle évacuation n’entraînera que plus de précarité.
Nous vous rappelons que toute opération de mise à l’abri ne peut être proposée qu’avec le consentement exprès des personnes, des modalités précises et sans contrainte, comme l’a rappelé le tribunal administratif de Lille le 7 mars 2019. Or l’absence d’information donnée aux personnes dans leur langue (en dépit de la décision du Conseil d’Etat du 21 juin 2019 le prévoyant), l’absence de traducteurs le jour de l’évacuation et le placement en rétention annoncé des personnes “récalcitrantes” (sic) laissent craindre que l’opération menée soit en fait une évacuation forcée.
Nous sommes alarmés par vos déclarations concernant la prise en charge des mineurs non accompagnés dont le nombre est estimé à plus d’une centaine. Vous nous avez indiqué qu’un « tri » serait fait à la montée du bus entre les jeunes « réellement mineurs » (sic) et les autres. Or tout jeune, sans représentant légal sur le territoire français, se déclarant mineur, est un jeune en danger. Il doit être mis à l’abri dans un dispositif de la protection de l’enfance qui effectuera alors une évaluation sociale de l’âge. Une évaluation de la minorité ne peut se faire au faciès et nous avons interpellé le Président du conseil départemental à ce sujet.
Nous vous demandons par ailleurs de faire application de l’article 17 du règlement Dublin III qui prévoit la faculté pour un État d’examiner la demande d’asile quand bien même la responsabilité relève d’un autre pays. Le maintien en CAO/CAES est conditionné à l’évaluation de la situation administrative des personnes exilées, qui, pour la plupart, risquent d’être placées en procédure Dublin. Afin d’échapper à un éventuel renvoi dans un autre pays européen, elles risquent de quitter ces lieux d’accueil pour revenir sur le littoral tenter à nouveau le passage vers l’Angleterre, alors que la très grande majorité de ces personnes pourraient se voir accorder une protection. Seul l’usage de cette clause permettra aux personnes exilées de décider de rester en France et de s’y installer durablement.
Enfin, vous avez indiqué que les sanitaires, douches et points d’eau installés suite à la décision du Conseil d’Etat en date du 21 juin 2019 seront enlevés. Nous vous demandons de renoncer à leur retrait afin de ne pas dégrader encore plus les conditions de vie des personnes qui – nous le savons tous –continueront d’arriver sur la commune de Grande-Synthe.
Il est donc essentiel de réfléchir à des solutions durables, ajustées aux besoins des personnes, avec une prise en charge pérenne des personnes exilées sur le littoral.
Vous remerciant par avance de votre réponse au présent courrier, nous vous prions de croire en l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Associations signataires :
ACCMV
ADRA France antenne de Dunkerque
AMIS
Auberge des Migrants
Bethlehem
Cimade Nord Picardie
DROP Solidarité
Fondation Abbé Pierre
Gynécologie Sans Frontières
Help Refugees
Ligue des Droits de l’Homme – Hauts de France
Médecins du Monde
MRAP Littoral Dunkerquois
Refugee Youth Service
Refugee Women’s Centre
Safe Passage
Salam Nord/Pas-de-Calais
SAVE
Secours Catholique Nord-Lille
Terre d’Errance Flandres Littoral
Crédits photos : MRS
Auteur: Région Nord-Picardie
Tribune dont La Cimade est signataire, publiée le 16 septembre 2024 dans Le Monde
Trois lundis par mois, une équipe composée de bénévoles et d’étudiant.e.s se rendent avec le ...
En partenariat avec le Conservatoire de Lille, Utopia 56 et les médiathèques de Lille et ...
Accueil de l'artiste Kubra Khademi à l'arrivée de sa Walk of Honour, dans le cadre du Festival ...