Sénégal : entretien avec Nicolas Mendy du Comité international de la Croix-Rouge
Au Sénégal, des milliers de familles de personnes disparues sur leur parcours ...
Plus de 120 000 personnes ont demandé l’asile en France en 2018. Combien l’ont obtenu ? D’où viennent-elles ? Sont-elles toutes hébergées ? La Cimade a analysé les chiffres de l’asile.
Le nombre de demandes d’asile enregistrées dans l’année est assez difficile à déterminer. Pas moins de trois chiffres ont été données par l’OFPRA, le ministère de l’intérieur et l’OFII.
Pour expliquer ces divergences, il faut rappeler que le ministère de l’intérieur et l’OFII comptabilisent les demandes enregistrées dans l’année dans les guichets uniques d’accueil des demandeurs d’asile (GUDA) comprenant les personnes dublinées, tandis que l’OFPRA comptabilise les demandes introduites devant lui (sans les personnes dublinées sauf celles qui accèdent à la demande d’asile parce que la procédure Dublin est annulée ou qui arrive à l’expiration du délai de transfert). Pour compliquer les choses, le ministère a publié non pas le nombre de demandes enregistrées mais le nombre d’attestations délivrées à la fin décembre 2018. Cependant, il a fourni à La Cimade le premier chiffre (voir données en opendata).
Selon ces données, 109 840 premières demandes adultes ont été enregistrées par les GUDA en 2018 (soit une hausse de 12.6% par rapport à 2017). 46 540 étaient en procédure normale (42%), 23 040 en procédure accélérée (21%) et 40 260 pour des personnes dublinées. Avec les enfants et les réexamens, le nombre total de demandes enregistrées a été de 139 320 demandes.
La demande a évolué au cours de l’année, notamment au printemps où pour réduire le délai d’enregistrement notamment en Ile-de-France, les GUDA ont augmenté leur capacités d’enregistrement, et à la fin de l’année où pour la première fois, plus de 10 000 demandes ont été enregistrées par mois.
La répartition régionale des demandes n’a pas été publiée. Cependant, on sait que 55 889 demandes ont été enregistrées en Ile-de -France soit 50% du total. A Paris, 18 091 premières demandes adultes ont été enregistrées, mais la part de la capitale reste autour de 16.5% (en 2000, 42%).
En 2018, 91 865 premières demandes d’asile adultes ont été introduites (+24,7% par rapport à 2017), 21 457 mineurs accompagnants (+11%) et 9 431 demandes de réexamens (+24%). Il s’agit du plus grand nombre de demandes à l’Office depuis 1952.
On pourrait s’étonner que le nombre de demandes OFPRA est nettement supérieur à celui des demandes enregistrées par le GUDA qui peuvent accéder à l’OFPRA (69 580). Il y a deux explications à ce phénomène :
– l’augmentation très sensible des réinstallations en 2018. Selon le HCR , 5 109 personnes sont arrivées en France par cette procédure dont 4 193 Syriens et 316 Soudanais. La France est après le Royaume-uni, le deuxième pays européen de réinstallation.
Ces personnes ne passent pas par les GUDA et ont directement à leur arrivée le statut de réfugié ou de protection subsidiaire mais leur demande est comptée par l’OFPRA.
– la « requalification » des demandes de personnes dublinées . En 2018, 23 650 personnes adultes ont pu saisir l’OFPRA à l’issue de la procédure Dublin, dont 8 810 enregistrées en 2018 et le reste enregistrées les années précédentes, soit 25% des demandes introduites à l’OFPRA.
Le ministère de l’intérieur ne communique pas les nationalités de l’ensemble des demandes. En revanche Eurostat permet d’avoir une idée plus précise sur l’origine des demandes introduites à l’OFPRA.
En 2018, l’Afghanistan est la première nationalité de demandes d’asile devant l’Albanie et le Géorgie, pays considérés par les Etats européens comme sûrs. Contrairement aux deux dernières où la part des mineurs est très importante, la demande de personnes afghanes est composée très majoritairement de personnes isolées, y compris mineures.
Selon les statistiques du ministère de l’intérieur, un tiers des premières demandes d’asile introduites à l’OFPRA sont en procédure accélérée. Cette proportion monte à 42% en comptant les réexamens. A noter que 42% des « requalifiés » enregistrés en 2018 ont un examen de ce type, ce qui montre une inflexion certaine dans la façon d’examiner leur demande après la procédure Dublin (l’OFII leur refusant en plus les conditions d’accueil).
Les statistiques globales publiées en janvier montrent que le nombre de décisions de l’OFPRA a encore augmenté en 2018, avec 93 472 décisions adultes (4% de hausse par rapport 2017). Le nombre de reconnaissances du statut de réfugié est de 14 012 (+7.6) et de protection subsidiaire de 10 651 (-3%). Le taux d’accord de l’OFPRA est de 26.4% en légère baisse par rapport à 2017.
Eurostat a publié le 6 mars 2018 des données arrondies concernant les décisions de première instance (en France, l’OFPRA) . Ces statistiques permettent de détailler par nationalités les chiffres globaux qui ont été publiés en janvier.
Selon ces statistiques, 86 250 décisions ont été prises pour des personnes adultes (la différence avec les chiffres globaux s’explique par les décisions prises pour des personnes mineures à titre personnel parce qu’elles sont isolées ou parce qu’elles se voient octroyer une protection tandis que leurs parents sont rejetés – principalement les jeunes filles qui risquent l’excision)
L’Afghanistan est de loin la première nationalité pour ces décisions avec un taux d’accord en net fléchissement (65% essentiellement des protections subsidiaires, contre 82% en 2017). La deuxième nationalité d’accord est le Soudan (61% d’accords principalement des statuts de réfugié) . Ce sont deux nationalités dont la majeure partie des personnes sont passées par une procédure Dublin avant de pouvoir saisir l’OFPRA. Suit la Syrie dont l’écrasante majorité est constituée de réinstallés, La Chine (Tibétains) l’Erythrée et l’Irak suivent. L’Albanie est la sixième nationalité d’accord avec 10% de décisions favorables.
En incluant les personnes mineures, le nombre de décisions est de plus de 115 000 et 33 000 accords (soit 29% du total). Pour certaines nationalités africaines comme le Mali, la Côte d’Ivoire ou la République démocratique du Congo, ce sont les personnes mineures qui font augmenter nettement le taux d’accord.
Lorsque les personnes sont rejetées ou n’obtiennent que la protection subsidiaire, elles se tournent vers la Cour nationale du droit d’asile.
La CNDA a publié fin janvier 2019 son rapport d’activité 2018, et elle dresse un bilan en demi-teinte.
Conséquence du nombre très important de décisions négatives, le nombre de recours a battu un nouveau record avec 58 671 recours en 2018. soit 9,5% de plus que l’an dernier.
La principale nationalité est assez logiquement l’Albanie avec 5 026 recours. La Guinée et Haïti suivent avec un nombre de recours autour de 3 500 puis le Bangladesh (3 200) et la Côte d’Ivoire (environ 3 000).
Du fait de l’importance des demandes provenant de pays considérés comme sûrs par les autorités, et des réexamens, 41% des recours sont des recours en procédure accélérée (la CNDA statue par juge unique dans un délai théorique de cinq semaines, sauf renvoi en formation collégiale).
La répartition régionale montre une part relative de l’Ile-de-France inférieure à celle des demandes Ofpra (20% contre 35% à l’Ofpra).
Le nombre de décisions est légèrement inférieur à l’an passé avec 47 314 décisions. 14 233 sont des ordonnances de rejet pour recours sans éléments sérieux soit 30% des décisions. Avec les ordonnances pour recours tardif, 35% des décisions de la CNDA sont des rejets sans que la personne soit entendue par le juge. Certes, cela est lié aux nombres d’audiences qui ont été annulées à la suite de mouvements sociaux des rapporteurs (en février 2018) et les difficultés matérielles pour tenir audience (les salles de la CNDA n’étant pas assez nombreuses), mais cela constitue une tendance nette dans l’activité de la Cour.
Plus de 20 000 décisions ont été prises après une audience en formation collégiale (en net recul par rapport à 2017) et plus 10 000 après audience de juge unique. 153 audiences se sont tenues par visioconférence pour approximativement 1 989 dossiers alors que 4 500 décisions ont été prises pour des requérants haïtiens ou comoriens qui représentent l’écrasante majorité des demandeurs en Amérique du Sud ou à Mayotte.
Le délai moyen est de 8 mois pour les décisions collégiales et de 4 mois en juge unique soit un délai global de 6 mois et 15 jours. Le nombre de dossiers en instance à la fin décembre 2018 étant de près de 37 000 soit 11 000 de plus que l’an dernier.
83% des personnes étaient assistées d’un avocat. Le nombre de demandes d’aide juridictionnelle est en légère baisse mais le nombre d’accords en hausse.
Le taux d’annulation global est de 18.4% soit 8 000 personnes dont 6 000 statuts de réfugiés. Le taux d’annulation est de 19,4% pour les décisions prises par les juges uniques après audience. On en déduit qu’un tiers des recours examinés en audience collégiale, ont obtenu une protection.
Le taux d’annulation est de 64% pour les personnes afghanes ou syriennes, de 20% pour les Bangladais·e·s, le Sri Lanka ou la RDC, de 10% pour l’Albanie et 0% pour le Burundi, qui a pourtant un taux d’accord très élevé à l’Ofpra.
L’année 2018 a été marquée par un phénomène : l’augmentation sensible du nombre de demandes en instance. En décembre 2017, selon les statistiques Eurostat, 30 745 demandes adultes étaient en instance à l’OFPRA. Un an plus tard, ce chiffre est de 42 235 soit 39% de hausse. Le plus forte concerne l’Afghanistan (83.6% d’augmentation), la Guinée (95%), l’Albanie (105%) et le Bangladesh (95.2%). A l’inverse, le nombre de demandes haïtiennes a baissé de 76%.
Le délai moyen prévisible est alors de 167 jours alors qu’il était de 140 jours en 2017.
Comme la CNDA a également vu augmenter le nombre de recours en instance et que les préfectures placent de plus en plus de Dublinés en fuite, le nombre de demandes d’asile en instance s’approche ou dépasse 150 000.
L’OFII a publié sur Twitter des données relatives au dispositif national d’accueil. Concernant les bénéficiaires de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), malgré les efforts de l’OFII pour les refuser systématiquement aux personnes dublinées en fuite ou aux personnes ayant déposé tardivement leur demande, le nombre de ménages et de personnes a atteint un pic en décembre 2018 avec plus de 100 000 ménages et 141 000 bénéficiaires.
En matière d’hébergement, les capacités d’accueil augmentent en 2018 de 11% selon l’OFII mais en intégrant le dispositif des CHUM en Ile-de-France, qui était nominalement et budgétairement rattaché à l’hébergement d’urgence de droit commun. A noter que les données de l’OFII et du ministère de l’intérieur ne sont pas identiques.
Malgré une augmentation de 11% des capacités d’hébergement, le nombre d’entrées est de 56 399, en hausse de 10 % selon l’OFII (qui avait imprudemment publié le nombre de 71 262 entrées en 2017, soit alors une baisse de 20%). Le nombre de sortie est de près de 42 000, stable par rapport à 2017.
Le nombre de personnes entrées dans le dispositif correspond à 42% des premières demandes. Si on restreint aux personnes qui bénéficient des conditions d’accueil, le nombre de personnes hébergées est légèrement en dessous de 50%.
Fin décembre 2018, 75% des places dans le dispositif sont occupées par des personnes en demande d’asile en instance. Le quart restant l’est par des personnes ayant obtenu une protection ou rejetées définitivement dont 6% pendant le délai réglementaire (6 mois pour les personnes réfugiées, 1 mois pour les personnes déboutés et 19% en « présence indue », et donc respectivement pour 8% et 11% selon la circulaire du 31 décembre 2018).
L’intégration des CHUM dans le dispositif d’accueil géré par l’OFII et la création de 3 500 nouvelles places (1 000 CADA et 2 500 HUDA) ne résout donc pas la crise continue de l’hébergement des personnes demanderesses d’asile.
La situation en France doit être replacée dans un contexte européen. En 2018, environ 640 000 demandes d’asile (mineurs et réexamens inclus) ont été introduites en Europe en baisse de 11%. Si l’Allemagne est toujours le premier pays d’accueil, c’est en raison d’une part très importante de mineurs. Si on se restreint aux 1eres demandes adultes, la France (en comptant les Dubliné·e·s) est le premier pays d’accueil
Du fait de cette baisse, les Etats ont pris plus de décisions. le taux global d’accord de 39% (en baisse). C’est l’Allemagne qui a pris le plus grand nombre de décisions ( près de 180 000 contre 122 000 pour la France) avec un taux d’accord de 42% (contre 29% en France). Le troisième pays est l’Italie avec 95 000 décisions et un taux d’accord de 32% dont les deux tiers sont des protections humanitaires (que le décret-loi Salvini a supprimés). La Suisse est le pays ayant le plus fort taux d’accord mais en utilisant massivement la protection humanitaire. L’Irlande est deuxième pays avec des personnes réinstallées syriennes.
Résultat le nombre de dossiers en instance a considérablement diminué notamment en Allemagne, en Autriche et en Italie mais le seul grand pays européen d’asile dont le délai d’instruction (hors Dublin) est inférieur à six mois reste la France.
Auteur: Responsable national Asile
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