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Après avoir fermé ses portes aux migrants, l’Europe cherche depuis quelques années à maîtriser les voies d’accès. Elle exerce de nombreuses pressions pour imposer ses politiques migratoires jusqu’aux frontières africaines et de plus en plus de pays les mettent en place, avec un zèle qui mène souvent à des situations tragiques.
Après avoir fermé ses portes aux migrants, l’Europe cherche depuis quelques années à maîtriser les voies d’accès. Elle exerce de nombreuses pressions pour imposer ses politiques migratoires jusqu’aux frontières africaines et de plus en plus de pays les mettent en place, avec un zèle qui mène souvent à des situations tragiques.
Le 3 mai 2010, un charter affrété par le gouvernement libyen atterrit à Bamako, au Mali. Il transporte 149 Maliens qui ont fait l’objet d’une expulsion groupée. Au départ, ces migrants devaient être 150 à regagner leur pays. L’un manque donc à l’appel. Passé par les geôles libyennes, comme ses compatriotes arrêtés en «situation irrégulière», son état de santé était incompatible avec le vol. Bien qu’hospitalisé, il n’a pas survécu aux mauvais traitements subis lors de sa détention.
Une volonté d’étendre le processus
Depuis l’accord de refoulement conclu en 2009 avec l’Italie, le régime du colonel Kadhafi se fait fort de suppléer l’Union européenne en matière de lutte contre l’immigration «illégale». Parmi les États au sud de l’Europe, la Libye n’est pas la seule à le faire. C’est aussi le cas, depuis quelques années, du Maroc, de l’Algérie, de la Mauritanie… En fait, de presque tous les pays identifiés par l’Union européenne comme des pays de transit ou de départ des migrants, au Maghreb ou en Afrique de l’Ouest. Pour qualifier cette sous-traitance de la gestion de la politique européenne d’immigration et d’asile, les observateurs ont emprunté au vocabulaire économique le terme d’« externalisation ».
Ce choix des instances européennes de déléguer en partie aux pays tiers le contrôle des migrations remonte au sommet européen de Séville, en 2002. Il a été clairement réaffirmé avec le pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté à l’initiative de la présidence française de l’Union, en octobre 2008. Parmi les objectifs de ce pacte, l’un d’eux visait à créer « un partenariat global avec les pays d’origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement ». Concrètement, il s’agit de conclure des accords sur le modèle français des « accords de gestion concertée des flux migratoires et du co-développement », qui comportent systématiquement une clause de réadmission à laquelle doit se soumettre le pays tiers signataire. En pratique, l’aide au développement est utilisée pour contraindre les pays tiers à prendre des mesures immédiates pour restreindre l’émigration, en un chantage explicite.
L’exportation d’un savoir-faire sécuritaire
En somme, depuis quelques années, moyennant une aide financière et technique, l’Union européenne demande aux pays tiers de jouer un rôle de filtre des migrations vers ses frontières. C’est le cas avec le corps d’officiers de liaison immigration, créé par un règlement européen de 2004. Ils ont notamment pour mission d’assister leurs collègues locaux dans les aéroports des pays d’émigration, dans le repérage des « clandestins » ou l’identification des faux documents. Ainsi, la France finance, depuis 2006, la formation de policiers et de gendarmes à l’aéroport de Bamako. Au Mali, ces officiers de liaison immigration participent également à la mise en service de dix-sept postes frontières financés par l’UE.
En vertu d’accords bilatéraux, les États européens coordonnent des opérations dans les eaux territoriales de pays tiers. C’est notamment le cas en Mauritanie, au Sénégal et au Cap Vert, depuis que les migrants se risquent à braver l’Océan Atlantique pour atteindre les Îles Canaries. Élément clé du dispositif de contrôle des frontières européennes, l’agence Frontex pilote ces opérations.
Des mesures particulièrement répressives
En matière de sous-traitance de la politique migratoire européenne, le Maroc fait figure de bon élève. Le royaume chérifien est en même temps le principal bénéficiaire des fonds de la politique européenne de voisinage (PEV). Il a été le premier pays de la sous-région à adopter une législation relative à « l’émigration et l’immigration clandestine », calquée sur le modèle français. À ceci près qu’elle fait de l’émigration illégale un délit. Trois des seize régions administratives du Maroc sont frontalières. Désormais, la fréquence des barrages y est telle qu’il est impossible de faire plus de trente km sans être arrêté par la gendarmerie royale. Une fois arrêtés, la plupart des migrants vers l’Union européenne sont refoulés vers la région de l’Oriental. Bloqués à la frontière algérienne, ils parviennent, dans le meilleur des cas, à rejoindre Oujda, devenu un centre informel d’hébergement à ciel ouvert pour les migrants subsahariens. Depuis 2003, un dispositif de lutte contre l’émigration illégale a été érigé le long des côtes face aux îles Canaries. Il bénéficie du concours de la marine royale, membre actif de l’initiative « 5+5 Défense » qui réunit les dix pays d’Europe du Sud et du Maghreb.
Après la Tunisie, en 2004, l’Algérie a également adopté, en juin 2008, une loi relative aux conditions d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers, qui prévoit la pénalisation de l’émigration clandestine. Elle stipule également que l’aide aux étrangers est passible de peines de prisons allant jusqu’à cinq ans. Pour soulager les frontières de l’UE, la Mauritanie est en passe de les imiter. Dans ce pays de longue tradition d’accueil, l’approche répressive à l’encontre des migrants prônée par l’Union européenne entraîne la stigmatisation des populations étrangères et de nombreux abus, comme des arrestations arbitraires. Les interpellations de migrants, leur détention dans le centre de Nouadhibou et leur refoulement à la frontière, se généralisent.
Depuis la Mauritanie vers le Sénégal et le Mali, comme depuis le Maroc vers l’Algérie et la Mauritanie, ou de l’Algérie vers le Mali et le Niger, ou encore de la Libye vers ces deux derniers pays, ces arrestations et refoulements se font généralement en dehors de tout cadre juridique et administratif. Parmi les migrants maliens refoulés depuis la Libye, en mai dernier, nombre d’entre eux présentaient des traces de sévices, comme des brûlures sous la plante des pieds. Il n’est pas rare que les migrants subissent des mauvais traitements en détention. À ce sujet, la Libye a été dénoncée dans un rapport du comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe.
Article de Hugo Lattard, publié dans Causes Communes, n°66, octobre 2010
Barbelés, Ceuta, 2005 © Gwenaëlle de Jacquelot
Auteur: Service communication
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