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Communiqué de presse Cimade/MRAP35 : « Charter affrété par Frontex : 58 personnes géorgiennes expulsées au mépris de leurs droits »

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Rafle de Géorgiens : mobilisation en Bretagne

17 octobre 2019

Quelques jours après l’arrestation et l’expulsion des 33 personnes géorgiennes dans des conditions inacceptables, la stupéfaction, la colère, sont encore vives en Bretagne, à Rennes, à Vannes et ailleurs.

mobilisation charter georgiens bretagne

C’était la première fois en Bretagne qu’un charter était ainsi affrété, avec à bord plus de policiers géorgiens que d’expulsés. Certains nous diront que cette pratique est conforme à la loi ; elle n’en reste pas moins complètement inhumaine. Devons-nous accepter l’application de lois inacceptables ?

Hormis les réseaux que l’on côtoie, personne ne se soucie de ce charter, du positionnement de l’État français. État qui vendredi 4 octobre a accéléré le processus.

Au téléphone avec l’avocate, la communauté Emmaüs de Saint Nolff, les camarades de La Cimade au centre de rétention et au groupe local de Rennes, ou à l’aéroport, au fil des heures, l’inacceptable de la situation se précisait.

Des personnes insérées ou en voie d’insertion pour certaines, d’autres non, et quand bien même ! ont été raflées chez elles ou lors de la signature en gendarmerie, avec une brutalité absurde et injustifiée. Est-il normal que des personnes, des familles vivent dans le stress et la peur chaque jour parce qu’elles n’ont pas les bons papiers ? Ou la bonne nationalité ?

Certains sont montés les bras scotchés, la bouche aussi, d’autres se sont ouvert les veines, une petite fille a été malmenée. Une famille a été séparée.

Il faut le dire, le redire ces personnes-là ne sont pas des délinquantes, l’État français a juste décidé qu’elles n’avaient pas le droit de rester. Depuis des semaines, on stigmatise les Géorgiens qui viendraient abuser de notre système de santé, alors que la Géorgie est un « pays sûr », qu’ils ne risquent rien chez eux. Aujourd’hui les Géorgiens, demain les Albanais, et ensuite quels autres ressortissants seront montrés du doigt, exposés à la vindicte de politiciens démagogues ?

À Vannes et à Rennes, ce charter a eu un effet brutal de dévoilement, et nous étions sidérés, ici aussi c’est possible, soyons lucides, nous en aurons d’autres, des rafles. Peut-être pendant les vacances de la Toussaint.

Alors que nous pouvons nous sentir désarmés, impuissants, devant cette violence du pouvoir, cette provocation qui nous met à l’épreuve, ne lâchons pas prise. Il faut que nous partagions notre colère et notre indignation avec les personnes qui nous entourent dans nos communes, nos villes, à l’école de nos enfants ou dans nos clubs de sport. Rejetons notre tentation à la résignation, à l’aquoibonisme, c’est là-dessus que compte les autorités pour continuer leur sale boulot.

 

Appel à manifestation samedi 19 octobre à 15h à l’aéroport de Rennes.

Rassemblement le même jour à 12h place des Halles à Douarnenez.

 

mobilisation charter georgien

Découvrir les témoignages recueillis par des militant·e·s de plusieurs associations du collectif inter-organisation de soutien aux personnes exilées

Témoignage de Mme M. (recueilli grâce à l’envoi d’un texte par internet + communication téléphonique le 08/10/19)

 Je suis arrivée en France avec mon fils de 15 ans, D. J’ai effectué ma demande d’asile et déposé en même temps une demande de dossier médical pour mon fils.

J’ai reçu une réponse négative de l’OFPRA mais je n’ai pas encore été convoquée pour le recours à la CNDA (je n’ai rien reçu : est-ce qu’il est possible qu’il y ait un refus automatique ?). Je devais aller signer à la police : je n’ai jamais raté un seul jour ni jamais été en retard aux convocations. Le 27 septembre, à 7 h du matin, la police était déjà venue nous contrôler à l’hôtel, nous avions reçu l’interdiction de sortir avant 9 h le matin mais comment faire, alors que mon fils est inscrit à l’école ?

Mon fils a de gros problèmes de santé au niveau de la vue mais, surtout, au niveau cardiaque. Son papa est lui-même décédé d’un arrêt cardiaque et les médecins suspectent un problème d’ordre génétique (il avait rendez-vous en janvier à l’hôpital pour des examens complets). Il est scolarisé au lycée Pierre Mendès France.

Le jeudi 3 octobre, j’étais allée signer à la police le matin : personne ne m’avait rien dit. Le soir, à 22 h, la police est venue à l’hôtel Formule 1 de Chantepie où j’habitais (j’ai toujours habité là, sauf une semaine où j’ai été au foyer Monsieur Vincent).

Ce soir-là, j’étais allée aider une amie et mon fils dormait lorsque la police est arrivée. Lorsque le téléphone a sonné j’ai décroché, j’ai vu des policiers en vidéo et j’ai eu très peur que quelque chose soit arrivé à mon fils : je n’imaginais pas que la police était à l’hôtel pour nous arrêter vu que le matin ils ne m’avaient rien dit. Parmi les policiers il y avait une femme que j’avais vue le matin-même quand j’étais allée signer. Puis ils ont tourné le téléphone vers mon fils et j’ai vu qu’il était terrorisé. Ils m’ont demandé où j’étais mais, comme je ne parle pas français, je n’ai pas compris, j’ai passé le téléphone à mon amie qui leur a donné son adresse où ils sont venus me chercher. Ils m’ont ramenée à l’hôtel et m’ont fait comprendre que je devais prendre mon sac à main et quelques affaires et les suivre. Ils voulaient que je signe un papier, j’ai demandé à voir un traducteur et à parler à mon avocat : comment signer quelque chose qu’on ne comprend pas ? Ils m’ont dit plus tard. Il fallait faire vite, vite, vite. Tout l’hôtel était rempli de policiers avec des fusils, mon fils était totalement paniqué et j’avais très peur pour lui (j’avais montré les certificats médicaux aux policiers). J’ai été emmenée entre 2 policiers qui me serraient comme si j’étais une très grande criminelle (il y a des caméras dans l’hôtel : c’est possible de tout voir). Ils nous ont emmenés au CRA. Ils ont sorti toutes les affaires de mon sac et me l’ont rendu presque vide et je n’ai pas eu le droit de téléphoner à qui que ce soit. Un homme a fait une crise d’épilepsie, il a été emmené à l’hôpital, sa femme et sa fille ont été expulsées avec nous.

Dans l’avion il y avait une quarantaine de policiers géorgiens (ils étaient assis dans l’avion et agissaient comme des robots), un docteur, une personne en civil (peut-être quelqu’un de l’ambassade de Géorgie ?), il y avait aussi 2 Allemands.

Combien de temps vais-je pouvoir survivre en Géorgie ?

 

Complément au témoignage de Mme N. (recueilli par SMS) :

Les policiers sont arrivés au CADA de Pacé où nous habitions à 20 h. Ma fille de 11 ans s’est cachée chez une voisine africaine et les policiers ont fouillé toutes les chambres. Lorsqu’ils l’ont trouvée, ils l’ont jetée dans la chambre comme une chienne.

Je suis enceinte de plus de 7 mois et j’ai des problèmes de grossesse : j’ai montré les certificats médicaux aux policiers. Après 4 heures de discussion, ils m’ont dit qu’ils allaient m’emmener à l’hôpital mais ils ne l’ont pas fait. Ils m’ont séparée de mon mari et de ma fille et m’ont embarquée en pyjama et chaussettes directement vers le CRA. J’avais pris mon sac à main mais ils l’ont vidé : même mon passeport est resté à Pacé !

Mon mari et ma fille ne sont arrivés que 2 heures plus tard. Moi j’ai embarqué dans l’avion à St Jacques de la Lande à 12 heures, nous étions 33 personnes expulsées. Mon mari et ma fille n’ont pas été embarqués avec moi : ils ont roulé toute la nuit vers l’aéroport de Beauvais.

Je ne peux même pas appeler ça une expulsion légale ou un comportement adapté envers les humains. Ils ont détruit les enfants psychologiquement. Effectivement, je demande à la France de réagir à ces comportements inhumains et illégaux, dans ce cas on pourra toujours dire que la France est un pays loyal où le respect de l’Homme est garanti par la loi et nul ne peut porter atteinte au respect de l’homme et nul ne peut violer le droit d’autrui et, si ça arrive, la loi doit prévoir les sanctions. Dans ce cas précis, nos droits ont été violés et effectivement on demande des sanctions légitimes.

 

Témoignage de M O. (recueilli par texte transmis par internet + discussion téléphonique)

Je suis arrivé en France en 2018. J’ai été débouté de ma demande d’asile et je suis en attente d’une réponse à ma demande de séjour pour raisons médicales. Je suis en France avec ma femme et mon fils qui est scolarisé en CAP 2 à Jean Jaurès.

Je suis paralysé d’un côté (bras et jambe) suite à un AVC et je me déplace avec des béquilles. J’ai aussi d’autres pathologies : je suis suivi en cardiologie, neurologie, hématologie et kiné. J’ai un suivi médical très lourd et un traitement prévu jusqu’en novembre 2020 (une consultation était programmée pour décembre 2019). J’ai montré tous les certificats médicaux aux policiers qui sont venus nous arrêter et notamment celui où il est écrit que j’ai impérativement besoin de la présence de ma femme pour tous les actes de la vie quotidienne car il y a « une limitation importante de l’autonomie » (centre médical Louis Guillou). Malgré cela, ils m’ont séparé de ma femme et de mon fils lors de l’arrestation.

Une trentaine de policiers ont investi l’hôtel de nuit pour chercher 2 familles, la mienne et une autre. Au début ils étaient calmes. Tout le monde a demandé à voir un médecin, un traducteur, des travailleurs sociaux et à pouvoir contacter les associations, ils nous ont dit « oui, demain matin » et ils nous ont forcé à partir. J’ai supplié les policiers de respecter nos droits. L’autre famille a résisté, alors ils ont appelé du renfort (une dizaine de camions je pense… pour 2 familles !). Ils ont scotché les mains, les pieds et la bouche des adultes de l’autre famille, les enfants étaient terrorisés et criaient. À ce moment-là les policiers étaient très énervés. Moi je n’ai pas résisté et je leur ai demandé de faire doucement mais ils étaient devenus très agressifs et 2 policiers m’ont saisi fortement par les bras. Il fallait faire vite mais je ne peux pas.

 

Au nom du chiffre : dites 33 Tentative d’expulsion d’une famille géorgienne

Le vendredi 4 octobre 2019 à 6H15, la famille G. est réveillée par une vingtaine de policiers qui se sont introduits calmement dans leur appartement, la porte étant laissée ouverte. Ils ne savent pas encore qu’ils sont la cible d’une vaste opération policière sans précédent en Bretagne, coordonnée par Frontex* à l’encontre de plusieurs familles géorgiennes.

Ils demandent à Giorgi (prénom modifié) le père de famille d’aller réveiller son fils, un homme de 30 ans souffrant « d’un syndrome autistique pouvant générer des troubles du comportement à type d’agitation ou d’agressivité sous tendus par une angoisse d’anéantissement majeure ». C’est indiqué en toutes lettres dans le certificat médical détaillé que Giorgi brandit aux forces de l’ordre qui n’en ont cure. Seuls les chiffres comptent !

Un grand carton est posé au centre de l’appartement pour rassembler en quelques minutes les quelques biens matériels accumulés dans ce lieu, où ce couple d’une cinquantaine d’années et leurs fils vivent depuis 7 ans. Pas le temps de s’habiller, ni d’autorisation de passer aux toilettes, « vous prendrez votre petit-déjeuner en Géorgie » déclare avec cynisme un policier à la famille.

Terrorisée par cette intrusion policière dans leur domicile, la mère de famille n’arrive pas à prononcer une parole. Elle enfile un pantalon sur son pyjama et commence à rassembler leurs affaires. Elle entend les cris de son fils qui se frappe le visage et se mord les poignets en découvrant à son réveil 8 hommes armés dans sa chambre. Il est aussitôt neutralisé, menotté au sol par 5 policiers, 2 lui bloquent les jambes pendant que 2 autres appuient sur son dos avec leur genou et que le 5e lui maintient la nuque avec son pied. Aussitôt la mère de famille tente de s’interpeller pour protéger son fils, mais elle est brutalement menottée les mains dans le dos sur une chaise. Pendant ce temps, Giorgi se taillade les deux bras avec une lame de rasoir. Malgré cet acte désespéré, il se retrouve neutralisé au sol comme son fils, face contre terre avec les bras ensanglantés. La PAF appelle les pompiers qui interviennent rapidement et demandent qu’il soit conduit aux Urgences en constatant la profondeur des plaies. La PAF refuse et demande aux pompiers de lui faire des pansements afin de le conduire à l’aéroport. 6 véhicules de police attendent la famille au pied de leur immeuble. La mère et son fils sont emmenés à l’aéroport, suivi par Giorgi dans un autre véhicule. Ils sont également séparés à l’aéroport.

Un médecin a été réquisitionné pour cette opération. « C’est la seule bonne personne » présente précise Giorgi. Devant l’état agité du fils, il tente de joindre le psychiatre qui le suit, car la PAF a refusé de transmettre le certificat médical remis au domicile. Le psy confirme que la pathologie est incompatible avec une expulsion. Le médecin demande alors aux policiers de conduire Giorgi à l’hôpital et cette fois-ci ils obtempèrent. Pendant ce temps son épouse est toujours enfermée dans une pièce avec son fils sous la surveillance de 3 policiers qui tentent de le calmer. Elle entend les cris de ses compatriotes dans les pièces voisines et le bruit du ruban adhésif pour attacher les plus résistants qui seront montés dans l’avion, attachés, bâillonnés et portés comme de vulgaires colis indésirables. La mère de famille et son fils seront libérés trente minutes après le départ de Giorgi à l’hôpital, où il sera opéré le lendemain.

Leurs 3 corps portent encore les ecchymoses des violences policières attestées par deux certificats médicaux. Ces traces disparaîtront plus rapidement que les conséquences posttraumatiques de cette tentative d’expulsion, notamment sur le fils qui ne veut plus retourner dans leur appartement et qui est très perturbé depuis l’interpellation.

« Pourquoi sommes-nous traités comme des terroristes ? » ne cesse de répéter la mère de famille.

 

Et si l’on essayait de comprendre pourquoi ils sont en France : retour sur le parcours de la famille G.

Opposant politique, Giorgi a fui la Géorgie en 2OO5 en laissant derrière lui sa femme et son fils lourdement handicapé. Il espérait obtenir rapidement une protection en Europe afin que sa famille puisse le rejoindre en toute sécurité.

Après 2 mois en Turquie, il atteint la Grèce, où il reste un an avant de rejoindre l’Irlande. Il y passe 4 années mais sa demande d’asile est rejetée et il poursuit son parcours migratoire vers le Portugal. Il est arrêté dès son arrivée à l’aéroport et emprisonné quelques jours. Dès sa libération, il arrive en France et tente de passer clandestinement en Angleterre sur un bateau au départ de Brest. Il est arrêté et conduit au CRA de Rennes. Il sera libéré après 16 jours de grève de la faim et 2 jours de grève de la soif. Sa demande d’asile a été rejetée en rétention, il décide de rester à Rennes, sans-papiers, et erre de squat en squat.

Las d’attendre que la situation de Giorgi soit régularisée, sa femme et son fils le rejoignent en 2012. En raison d’une maladie chronique dont souffre Giorgi et de la pathologie de son fils, la famille G. obtient un logement dans le dispositif COORUS.

En 2016, le père de famille obtient son premier titre de séjour étranger malade. Pendant 2 années ce titre de séjour sera renouvelé, ce qui permettra à Giorgi d’occuper une activité salariée dans les serres de tomates puis dans un abattoir.

Et le 28 octobre 2018, la préfecture d’Ille et Vilaine sans tenir compte de l’ancienneté sur le territoire et de leur parcours, notifie une OQTF à chaque membre de la famille. C’est cette décision qui sera mise à exécution le 4 octobre 2019 par vol charter.

Après 15 ans en Europe dont 10 années en France « je suis fatigué » déclare Giorgi, mais je veux rester en France car « je n’ai pas fait tout ça pour rien ».

Ils étaient 33 à être expulsés, bien plus nombreux sont ceux qui sont visés par des mesures d’éloignement inacceptables et inhumaines ; au nom de la loi ? Non, car les expulsions collectives sont condamnées par la CEDH et qu’elles se font au mépris des droits fondamentaux, au nom du chiffre qui préside à l’inique politique migratoire qui broie les humains.

 

*Frontex : agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, c’est le véritable bras armé de la politique migratoire.

Auteur: Service communication

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