Amériques

» retour

Reprise des expulsions vers Haïti depuis les CRA de Guyane et de Guadeloupe

2 juillet 2025

Alors que les organisations internationales continuent d’alerter sur la situation de profonde crise dans laquelle est plongé Haïti depuis des années et sur les risques encourus par les personnes qui y seraient renvoyées, les préfectures de Guadeloupe et de Guyane comme de l’Hexagone, persistent à expulser des personnes haïtiennes vers leur pays d’origine.

Après près d’un an de suspension quasi totale des expulsions vers Haïti – période durant laquelle une seule expulsion avait eu lieu et, ce, depuis l’Hexagone, le mois de juin a été marqué par leur reprise. Quatre personnes haïtiennes ont fait l’objet de renvois forcés.  

Bien que la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) reconnaisse la situation de violence généralisée d’une intensité exceptionnelle qui règne en Haïti et continue d’accorder une protection aux ressortissant.e.s haitien.nes ; d’autres juridictions, tant nationales qu’internationales, semblent faire évoluer leur positionnement, avec pour conséquence de permettre aux préfectures la mise à exécution, depuis les CRA, de retours forcés de personnes haïtiennes, au péril de leur vie. 

Alors que depuis plusieurs mois, les juges administratifs de Guyane et de Guadeloupe suspendaient systématiquement les éloignements vers Haïti depuis les CRA, un changement de jurisprudence semble s’opérer depuis quelques semaines. 

Ce revirement est lié au fait que les expulsions ne s’effectuent plus directement vers Port-au Prince mais vers Cap-Haïtien, ville située au nord du pays et considérée par les Préfectures et les juridictions précitées comme une région sûre. Ce trajet s’effectue via une escale en Guadeloupe, pour les personnes retenues en CRA dans l’Hexagone ou en Guyane. Pourtant, il ne fait pas de doute que l’arrivée, sans aucun soutien ni ressource, dans la région de Cap-Haïtien, souvent totalement inconnue des personnes expulsées, ne demeure pas sans risque (d’autant que Cap Haïtien est classée comme “fortement déconseillée” par le Ministère des affaires étrangères, au même titre que Port au Prince1). De plus, ces personnes sont ensuite contraintes de rejoindre leur région d’origine — là où se situent leurs attaches et repères — au terme d’un trajet exposé à de multiples dangers. 

Exigeant toujours plus de preuves dont l’obtention, en urgence et dans un contexte de guerre, se révèle extrêmement compliquée, les juges remettent désormais systématiquement en cause la réalité des craintes des personnes haïtiennes en cas de retour, alors même que ces risques ont bien souvent été établis par l’OFPRA. 

Le risque vital encouru en cas de retour devrait pourtant conduire à un examen sérieux de la situation des personnes haïtiennes risquant l’expulsion. Ces personnes devraient notamment pouvoir attendre que la CNDA se prononce sur leurs craintes avant d’être expulsées. 

Pourtant, le tribunal administratif de Guyane a rejeté les recours de Monsieur Y. et Monsieur X. avant que la CNDA n’ait pu prendre une décision. Il y a quelques jours, M. Y a été embarqué, depuis le CRA de Guyane vers Haïti, après une escale d’une nuit au CRA de Guadeloupe. 

Il en est de même pour Monsieur V., originaire du département de l’Ouest, lequel est considéré par la CNDA comme une zone de violence aveugle ouvrant la voie à l’octroi d’une protection. Il a eu sa requête rejetée par le tribunal administratif de Guadeloupe au motif qu’il ne justifiait pas de son impossibilité de s’établir dans une autre zone que celle dont il est originaire.  

Deux autres ressortissants haïtiens en provenance d’autres CRA en Hexagone ont été expulsés depuis la Guadeloupe : en février 2025, alors que les éloignements étaient systématiquement suspendus et en juin 2025, le même jour que Monsieur V.. 

De son côté, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), lorsqu’elle était saisie par des ressortissant.es haïtien.nes retenu.es en CRA, suspendait systématiquement les expulsions vers Haïti jusqu’à ce que la CNDA ait statué sur leur demande d’asile. Depuis plusieurs semaines, la Cour refuse de prendre des mesures provisoires visant à suspendre les départs vers Haïti. Ces personnes ne sont pas en mesure de connaître les raisons de ce refus puisque les décisions de la CEDH n’ont pas vocation, selon son règlement, à être motivées. Ces premières décisions sont intervenues alors que plusieurs Etats signataires de la convention européenne des droits de l’homme demandaient à la CEDH de revoir son interprétation qu’ils jugeaient trop protectrice de la Convention. Hasard de circonstances ou effet de cette demande sur la position de la Cour, le mystère reste entier.  

Encouragé par les revirements de jurisprudences de certaines juridictions, le gouvernement français n’a de cesse d’enfermer les ressortissant.es haïtien.nes, dans le but de les expulser, au péril de leur vie, alors que le nombre de personnes déplacées à cause de la violence dans le pays atteint un niveau record, selon l’ONU2. Expulser au mépris de la vie humaine ne peut que soulever de vives inquiétudes et interroger sur les dérives de la machine à expulser.

Auteur: Région Outre-Mer

Partager sur Facebook Partager sur Twitter
À partager
Petit guide – La fabrique des sans-papiers
Septième titre de la collection Petit guide, Refuser la fabrique des sans-papiers éclaire les pratiques de l’administration française quant à la délivrance de titres de séjour ainsi que leurs impacts sur le quotidien des personnes étrangères.
Acheter militant
Faites passer le message avec ce t-shirt « Il n’y a pas d’étrangers sur cette terre » !
Retrouvez tous nos produits militants, faites plaisir à vos proches tout en contribuant au financement de nos actions sur le terrain.