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Communiqué de presse Cimade/MRAP35 : « Charter affrété par Frontex : 58 personnes géorgiennes expulsées au mépris de leurs droits »

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Témoignages de quatre personnes enfermées au CRA de Rennes

6 novembre 2019

Témoignages de quatre personnes enfermées au centre de rétention de Rennes sur l’expérience de leur privation de liberté.

#MaParoleEstLibre

 

 « Je suis triste quand je pense à mon histoire ».

Imad est arrivé en France à l’âge de 10 ans avec ses parents, fuyant la guerre au Soudan. Suite au décès de ses parents, il se retrouve à la rue, sans aucune aide. Enfermé au centre de rétention de Rennes, en vue de son expulsion dans un pays en guerre où il n’a plus personne et où il n’est pas retourné depuis 19 ans, il réfléchit aux manières de reconstruire sa vie.

« Quand j’étais petit je ne suis pas allé à l’école. Quand j’avais 8-9 ans ils m’ont fait rentrer dans les enfants soldats. On était avec les rebelles nous, on se battait pour l’indépendance du Soudan du Sud. Au bout d’un an de guerre à peu près, je suis venu en France avec mes parents.

Quand on est arrivé en France, mes parents ont été régularisés. Ma mère travaillait comme femme de ménage et mon père était vigile. Après malheureusement, vers octobre-novembre 2012, ils sont décédés dans un accident de voiture.

Après c’était compliqué. Je suis tombé à la rue car je ne pouvais pas payer le loyer de notre appartement. A la rue, j’ai commencé à prendre de la drogue et de l’alcool. La rue c’est dur. Il fait froid, t’as rien. Quand t’as de l’argent, tu peux pas payer un hôtel car t’as pas de papiers, alors t’achète de la drogue. Lorsque j’étais dans la rue, je vendais et fumais de la drogue, il n’y a que ça pour survivre dans la rue. Un jour on m’a attrapé avec de la drogue et on m’a mis en prison. J’ai mal tourné en prison. Bagarre, isolement et tout ça. Mais celui qui fuit la guerre, il doit tourner un page tranquille.

Aujourd’hui, je veux être un vrai responsable, construire une vraie vie et créer ma famille. Je veux partir de France. J’ai économisé 1500€ en travaillant en prison. C’est mon capital. C’est comme de garder 1 million pour moi. Ça va être quelque chose de bien pour ma nouvelle vie.

Même si je rigole, je n’arrive pas à rigoler de l’intérieur. Je suis triste quand je pense à mon histoire. C’est pour ça que je veux changer de vie. J’ai plus rien à perdre, alors après la guerre je veux vivre tranquillement dans un autre pays, loin des problèmes que j’ai eus en France. 

La solution, c’est de foncer à la frontière de l’Espagne et la frontière de l’Europe pour changer ma vie. » 

Imad, libéré après 60 jours d’enfermement

 

 

« J’ai été menotté devant ma famille. Ils ont voulu m’envoyer à l’aéroport. Pourtant, je n’ai rien fait de mal. »

Abdoulaye est en France depuis plus de 10 ans, il y a tous les membres de sa famille et vit avec sa compagne, française, et son enfant.

Un matin, les policiers sont venus l’interpeller à son domicile et l’ont menotté et emmené de forces devant sa famille, impuissante. Ayant refusé d’embarquer dans l’avion réservé par la préfecture du Morbihan pour l’expulser en Guinée, il a été enfermé au centre de rétention de Rennes.

« Je suis rentré en France depuis 2008.

J’ai demandé l’asile qui a été rejeté par l’OFPRA.

Deux ans après, je suis venu chez mon frère en Bretagne, à Lorient, qui vit avec sa femme et ses deux enfants. Je suis resté en Bretagne avant de rencontrer une femme avec qui je me suis marié en 2013. Depuis mon divorce, la préfecture du Morbihan me donne un récépissé de trois mois quand elle veut, et quand elle ne veut pas, elle ne le renouvelle pas. Je ne sais pas pourquoi. Pourtant, depuis que j’ai mes papiers à jour en France, j’ai toujours travaillé quand on m’a appelé pour du boulot. Je fais même du bénévolat pour la Cimade de Lorient comme interprète. J’ai toujours été apprécié par mes employeurs et mes collègues de travail. J’ai travaillé dans plusieurs boites d’intérim.

Je ne suis pas un danger public, ni un fainéant. Je ne sais pas ce qu’on me reproche. La préfecture me juge arbitrairement.

Je suis en concubinage depuis 2016 avec une femme d’origine française qui a un enfant dont je me suis toujours occupé quotidiennement. Je ne comprends pas qu’on vienne me chercher chez moi à 7 heures 40 du matin, que le préfet ait saisi le procureur de Lorient pour venir me chercher à la maison, chez moi, avec des boucliers et plusieurs policiers. J’ai été menotté devant ma famille. Ils ont voulu m’envoyer à l’aéroport. Pourtant, je n’ai rien fait de mal.

En plus, j’ai toute ma famille en France. Je n’ai pas voulu monter dans l’avion parce que je ne sais pas où aller en Guinée, je n’ai nulle part où aller, toute ma famille est en France.

Depuis que je suis en rétention, ma famille ne va pas bien du tout. Quant à l’enfant, il est traumatisé de mon absence à la maison. Sa mère ne va pas bien du tout. On me reproche de ne pas m’être marié avec ma conjointe, mais je n’ai pas de papiers à jour. Nous voulons nous marier mais sans papier à jour, on ne peut pas.

Je prie Monsieur le Préfet de me donner une dernière chance, afin de construire quelque chose de sérieux avec ma famille.

Je ne sais pas où aller en Guinée, je n’ai plus personne là-bas. » 

 Abdoulaye – libéré après 60 jours d’enfermement

 

 

« Je suis un être humain, je veux être libre »

Amine a vécu en Espagne après avoir été sauvé d’un naufrage alors qu’il traversait la méditerranée sur une embarcation de fortune. Il est arrivé en France afin de se rapprocher des membres de sa fratrie qui sont tous en situation régulière et depuis il y construit sa vie. Mais ne répondant pas aux conditions particulièrement strictes prévues par la loi pour pouvoir être régularisé, il a fait l’objet d’une mesure d’expulsion et a été enfermé au CRA de Rennes.

« Je ne suis pas bien ici. Ça fait 53 jours que je suis là. J’ai des papiers espagnols, j’ai traversé la mer, j’ai risqué ma vie pour avoir une vie meilleure.

Ils ont gâché ma vie. Ça fait 9 mois que je suis avec ma copine, je n’ai rien fait de mal, je veux ma liberté.

Je suis un être humain, je veux être libre.

L’Espagne, elle m’a sauvé de la mer et m’a donné des papiers, mais dès que je suis rentré en France, on m’a dit «quitte le territoire, quitte le territoire, quitte le territoire » alors que je n’ai rien fait. » 

Amine – libéré après 59 jours d’enfermement

 

 

« Un jour c’est comme un an »

Mehdi est enfermé pour la première fois dans un centre de rétention. Il supporte très difficilement l’atmosphère anxiogène et la tension constante qui y règnent. Il aura perdu 15 kilos pendant son enfermement.

 « Je me sens pas bien ici. Avec le groupe de policiers qui travaille aujourd’hui ça va, mais dans l’autre groupe il y a deux policiers qui posent problème.

A cause du stress, je transpire tout le temps. Quand l’autre groupe est là, un jour c’est comme un an, je ne peux pas manger parce que je suis trop stressé.

Des fois, je pose la question aux autres personnes qui sont retenues avec moi pour savoir si je suis fou. Car les deux policiers n’arrêtent pas de répéter que je suis fou. Mais les autres retenus rigolent et me disent que non.

Quand je suis énervé je leur réponds, je ne peux pas rester sans rien dire. J’ai peur de revenir dans le centre une nouvelle fois. A cause de cette situation, je fais des cauchemars. Il faudrait trouver une solution parce que ces policiers posent problème avec tout le monde. » 

Mehdi – libéré après 45 jours d’enfermement

 

#MaParoleEstLibre
La Cimade publie les témoignages des personnes qu’elle accompagne, en particulier dans les centres de rétention. Une parole libre d’une personne enfermée. Une parole qui permet de saisir les conséquences des politiques à l’égard des personnes en migration. Des textes, des extraits sonores ou des vidéos recueillis par les intervenant·e·s de La Cimade.

> Retrouver tous les témoignages #MaParoleEstLibre

 

Photographie : centre de rétention de Rennes, avril 2018. © Thierry Pasquet / Signatures

 

Auteur: Région Bretagne Pays de Loire

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