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Quelques jours avant Noël, je rends visite en compagnie d’un autre bénévole de La Cimade à M. Y., jeune homme d’une vingtaine d’années d’origine marocaine, enfermé au centre de rétention de Rennes. Son histoire illustre les ressorts à l’œuvre dans la migration.
Quelques jours avant Noël, je rends visite en compagnie d’un autre bénévole de La Cimade à M. Y., jeune homme d’une vingtaine d’années d’origine marocaine, enfermé au centre de rétention de Rennes. Son histoire illustre les ressorts à l’œuvre dans la migration.
Dans l’espoir de vivre une vie meilleure, M. Y entreprend début 2009 un long périple vers l’Europe en mettant en jeu toutes les économies familiales et même… sa vie. Il parvient à rassembler la somme de 3000 euros indispensable pour mener à bien le voyage et se rend en Libye, où commence une longue attente. Plus d’un mois pour trouver un bateau qui doit le conduire à l’Eldorado tant rêvé. Le bateau qui le conduira en Italie comptera 450 migrants, entassés tous les uns sur les autres, pour un voyage interminable de quatre jours où l’on n’a ni le goût de manger, ni l’envie de dormir. « Soit tu vis, soit tu meurs », nous confie-t-il. Et d’ajouter après un court silence : « j’ai eu peur ; on voit la mort, certains africains sont morts ».
M. Y. arrive en France, et s’installe à Toulon où il va résider trois ans, marquant le début de la « galère » et le premier désenchantement du rêve européen. Il traverse une période de précarité sans logement. S’il parvient, après trois mois, à trouver un travail au noir en tant que carreleur dans le bâtiment, c’est au prix de l’exploitation de sa situation par l’employeur. Il gagne un salaire journalier de 30 euros qui lui permet de se loger et d’envoyer régulièrement de l’argent à sa famille au Maroc. Quelques années plus tard, en novembre 2012, il décide de se rendre en Bretagne, à Saint-Brieuc, auprès de compatriotes qui avaient entrepris la migration vers l’Europe en même temps que lui, et qui ont réussi à obtenir entre temps un titre de séjour en se mariant avec un conjoint français. En venant en Bretagne, il nourrit l’espoir de reproduire la même « stratégie » de régularisation que ses amis. Il est pourtant arrêté, selon ses dires, le 5 décembre à l’occasion d’un vol de blouson commis par l’un de ses amis dans un centre commercial de Saint-Brieuc. Soupçonné d’avoir commis un larcin, la Police aux frontières (PAF) dispose donc d’une base légale pour le placer en garde à vue le temps nécessaire à la préfecture d’établir une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et un arrêté de placement au CRA de Rennes.
À la question de savoir ce qu’il ferait en cas de reconduite forcée au Maroc, sa réponse est surprenante. Lui qui dit avoir vu de près la mort, avoir vécu des moments de « galère », avoir connu le désenchantement du rêve européen, lui se dit prêt à entreprendre à nouveau la migration. Son âme est entièrement emplie par cette préoccupation : « mon rêve, c’est de faire des papiers ; quand t’as pas de papiers, t’es mort ! ».
La trajectoire de vie de M. Y confirme le constat que La Cimade a posé dans ses propositions pour une politique d’hospitalité. Elle confirme que « la mobilité des êtres humains est un fait social normal, ordinaire, aussi nécessaire qu’irréductible ».
Et pourtant, la chasse aux étrangers reste en France, malgré l’alternance politique, un sport national. Le ministère de l’Intérieur a publié son tableau de chasse de 2012 dans ces termes : 36 822 personnes, hommes, femmes, enfants expulsés contre 32 912 en 2011 (+ 11,9 %). C’est là une traduction, dans le domaine de la politique de l’immigration, du règne de la quantité qui caractérise notre époque.
Or, comme en témoigne l’histoire de M. Y., l’efficacité de cette « machine à expulsion » est pour le moins sujette à caution. Aujourd’hui, ce sont notamment les contradictions du capitalisme mondial qui nourrissent ce phénomène. Comme le disait fort justement Alfred Sauvy, « si les richesses sont au Nord et les hommes sont au Sud, les hommes iront du Sud au Nord, et vous ne pourrez rien faire pour les en empêcher » ; et l’on pourrait ajouter qu’ils feront ce voyage même si c’est au péril de leur vie.
À l’heure où l’Europe se transforme en forteresse, et qu’elle voit fleurir un peu partout des centres de rétention, il est temps de se poser la question suivante : à quoi bon poursuivre cette politique aussi ruineuse qu’inefficace et qui nous conduit à renier nos valeurs fondamentales ?
Récit d’une visite au centre de rétention administrative (CRA) de Rennes par Levent Kilig, bénévole du groupe local de La Cimade de Rennes.
Levent Kilig, bénévole du groupe local de La Cimade de Rennes.
Auteur: Service communication
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