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Alerte sur les mauvais traitements de la population haïtienne de Guadeloupe par certaines administrations publiques

9 septembre 2019

Plusieurs associations de Guadeloupe mobilisées pour la défense des personnes haïtiennes, s’adressent aux autorités françaises afin de dénoncer la situation plus qu’inquiétante des Haïtiens vivants en Guadeloupe car depuis quelques temps, la population haïtienne de Guadeloupe est victime de plus en plus de non-respect des droits humains.

Petit canal, le 24 août 2019

Lettre ouverte

Monsieur le ministre de l’intérieur,

Copie transmise à :
Monsieur, le ministre des affaires étrangères,
Madame, la ministre des Outre-Mer,
Monsieur, le préfet de la région Guadeloupe,
Monsieur, le président de la région Guadeloupe,
Madame, la présidente du conseil départemental de la Guadeloupe,
Monsieur, le président de l’assemblée nationale,
Monsieur, le président du sénat,
Monsieur, le président de l’association des maires de la Guadeloupe,
Monsieur, le défenseur des droits,

L’association TÈT KOLE membre de la FEDERATION D’ASSOCIATIONS FRANCO-HAITIENNES de GUADELOUPE et du COLLECTIF HAITI de FRANCE a l’honneur de vous informer de la situation plus qu’inquiétante des haïtiens vivant en Guadeloupe.
En effet, nous constatons depuis quelques temps, que la population haïtienne de Guadeloupe est victime de plus en plus de non-respect des droits humains. Cette dégradation est singulièrement alimentée par le mépris de certaines administrations publiques.

Pour illustrer notre propos, nous avons appris depuis peu que : pour lutter contre la circulation de faux documents administratifs, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères aurait recommandé à la sous-préfecture de ne plus prendre en compte les extraits d’acte de naissance déjà légalisés par trois institutions publiques en Haïti (parquet, ministère de la justice, ministère des affaires étrangères) en plus du consulat général d’Haïti en Guadeloupe qui confirme leur légalité. Désormais ils doivent être légalisés par l’ambassade de France en Haïti pour toutes les démarches concernant : les premières demandes de titre de séjour et dans certains cas de renouvellement. Une recommandation transformée en obligation par la sous-préfecture. Une telle décision est plus que contraignante et extrêmement discriminatoire car elle ne concerne que les haïtiens vivant en Guadeloupe.
L’ambassade réclame 25 euros par extrait légalisé. Outre les coûts supplémentaires infligés aux familles en situation de précarité, s’ajoute une liste de documents très difficiles à obtenir dans des délais raisonnables :
– Copie de la pièce d’identité du déposant.
– Copie de la pièce d’identité du demandeur en France.
– Copie de justificatif de domicile en France de moins d’un an.
– Courrier de l’autorité ayant demandé la légalisation.
– Lettre du demandeur en France donnant procuration au déposant pour accomplir les démarches de légalisation auprès de nos services.
– Signature légalisée à la mairie de votre domicile.
De fait, cette décision qualifie tous les haïtiens de Guadeloupe sans distinction de faussaires. Elle est également humiliante.
Il nous semble que le consulat d’Haïti a toute compétence pour la légalisation de ces documents.
En prenant une mesure si injuste, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et la sous-préfecture posent un frein de plus à la volonté d’intégration de cette communauté.

Ces travailleurs pauvres qui participent à l’économie du pays méritent-ils un traitement aussi radical ? Nous appelons Mr le Ministre à plus d’humanité, cela, dans le respect de la loi et des personnes. Ces personnes laissent leur territoire pour vivre dignement dans un pays où la justice devrait être respectée et la même pour tous, pas pour ainsi vivre avec plus d’inquiétudes.

De plus, la sous-préfecture refuse de donner le courrier exigé par l’ambassade de France aux usagers, selon toute vraisemblance elle n’est même pas au courant de la liste des documents exigés pour la légalisation. Pourtant, cette liste leur a été envoyée par les associations pour les alerter sur les difficultés engendrées. Ceci qui montre le manque de préparation, la sous-estimation d’une telle mesure ainsi que ses conséquences et le mépris de cette administration envers notre communauté. Entre temps des centaines de familles se font balader et ne savent à quel saint se vouer.

Par ailleurs cette décision a aussi surpris le consulat d’Haïti en Guadeloupe, qui se retrouve avec des centaines d’extraits d’archives sous les bras ou déjà livrés sans la légalisation exigée par la sous-préfecture, en conséquence, des centaines de familles sont encore pénalisées car elles doivent payer à nouveau pour renvoyer les extraits en Haïti par leurs propres moyens (au passage DHL prend environ 50 euros pour envoyer une feuille A4 en Haïti).

Cette décision n’est qu’une épine déguisée supplémentaire aux pieds des haïtiens de Guadeloupe. Pour rappel, notre population est quotidiennement la proie du racisme et de la xénophobie et nous aimerions être traités autrement par le service public français.

Il y a environ un an, le service des étrangers de la sous-préfecture de Pointe à Pitre a mis en place la prise de rendez-vous en ligne. Une décision qui a précédé quelques mois plutôt la fusion des services des étrangers de Basse-Terre et de Pointe à Pitre. Cela sans avertissement des usagers et les associations. Ce déménagement administratif a précipité des milliers de familles dans le désarroi le plus total. Certaines n’ont pas pu renouveler leur titre de séjour et d’autres entamer leur processus de régularisation pendant plus d’un an. D’emblée, les associations ont fait part de leur inquiétude sur les difficultés qu’allaient rencontrer les usagers.

Ces appréhensions sont attestées par la quasi non fonctionnalité du site internet, plus singulièrement pour les premières demandes de titre de séjour. Selon le responsable du pôle d’immigration, certains cybercafés ont pu bloquer les plages horaires et font payer jusqu’à 45 euros aux demandeurs pour une prise de rendez-vous. Désemparés, certains compatriotes sont allés jusqu’à payer un honoraire d’avocat d’une valeur de 500 euros pour pouvoir obtenir un rendez-vous.

Cette nouvelle catastrophe administrative est pour tous, chronophage. Elle génère beaucoup de réunions entre les acteurs de terrain ainsi qu’avec l’administration préfectorale. Plusieurs séances étaient nécessaires à l’augmentation des plages de rendez-vous de 6 à 12 semaines. Pourtant, cela n’a pas montré de signes d’amélioration notables au problème.

Malheureusement ce problème de rendez-vous n’est pas le seul que rencontre la communauté. Nous voulons porter à votre connaissance : depuis quelques mois, voire plusieurs années, le téléphone des
compatriotes arrêtés par la PAF est confisqué. En conséquence, ils ne disposent d’aucun moyen de contacter un proche. Ils sont pour la plupart expulsés manu militari quasiment dans la foulée. Les agents de PAF les déposent dans l’avion dans des conditions somme toute inhumaines. Ils reviennent du travail, donc ils sont sales et mal habillés. D’autant que généralement la PAF refuse les vêtements apportés par la famille lorsque cette dernière apprend les nouvelles d’expulsion, de reconduite à la frontière ou de déportation.

De nombreux témoignages nous arrivent à ce propos via des femmes, des maris, des pères, des fils… Ne voyant pas rentrer leur proche après le travail. Ils craignent pour le moins à la disparition. Fortuitement ils apprennent avec stupéfaction que celui-ci est déjà en Haïti.

La liste est longue. En exemple nous vous citons, le cas de cette femme guadeloupéenne de mari haïtien, père de deux enfants français dont un de 15 mois. Il vit en Guadeloupe depuis près de 15 ans. Ce dernier a été incarcéré pendant trois mois pour s’être opposé à des policiers lors d’un contrôle d’identité.

Le jour de sa sortie en Février 2019, n’ayant reçu aucun appel de l’administration pénitentiaire et de son mari son épouse estime la situation perplexe. Elle a tenté de joindre son mari au téléphone. C’est à ce moment qu’elle a appris que ce dernier était à l’aéroport à destination d’Haïti. Son avocat aussi ignorait cette décision. Le pire dans tout cela, ce jour du mois de Février, Haïti était au bord d’une guerre civile, tout le pays était paralysé, des morts jonchaient les rues.

Autre exemple, les personnes arrêtées à Saint Martin, sont conduites en Guadeloupe pour passer devant le tribunal administratif. Une fois libérées, leur éloignement et leur isolement ne sont pas pris en compte. Ces personnes sont tout simplement abandonnées dans les rues sans le moindre souci du lien familial ou amical en Guadeloupe.

Certains agents de la police, et de la PAF (police de l’air et des frontières) sans crainte d’être inquiétés s’octroient le droit de lancer des propos racistes et xénophobes régulièrement contre les originaires d’Haïti.

Des obligations de quitter le territoire (OQTF) sont signées à tour de bras par la sous-préfecture de Pointe-à-pitre pour des personnes qui vivent irrégulièrement depuis 10, 15, 20 ans et plus sur le territoire faute de pouvoir régulariser leur situation.

Comment comprenez-vous que la sous-préfecture puisse signer une OQTF à quelqu’un qui vit depuis 31 ans en Guadeloupe. Eh oui ce n’est pas une faute de frappe, c’est bien 31 ans. Le comble, ce monsieur a un enfant français âgé de 15 ans à sa charge.
Où est passée la notion d’humanité et de lien familial sur le territoire ?

Ces OQTF sont souvent truffées d’inexactitudes sur la situation réelle. Faute de considération, la plupart des familles dépensent une fortune, jusqu’à 3000 euros en frais d’avocats pour les recours au tribunal administratif. Dans la grande majorité des cas ces recours sont gagnés par les plaidants ce qui montre la légèreté avec laquelle ils ont été traités par l’administration.

Ne serait-il pas juste une question de chiffres, occultant tout simplement qu’il s’agit d’hommes et de femmes en quête de survie.
Autre exemple, des titres de séjour sont délivrés par la sous-préfecture avec deux ou trois mois de validité, voire des fois carrément périmés.

Ceci n’est qu’un bref relevé des abus administratifs subis par la population haïtienne de Guadeloupe.
Ces pratiques n’honorent pas la France, pays des droits de l’homme et du citoyen.

Quel message pensez-vous envoyer à la population générale et les autres ressortissants étrangers ? Cela ne génère chez eux que mépris et xénophobie à l’égard de nos compatriotes. Les institutions sont aussi là pour faciliter l’intégration des étrangers. Traiter une partie de la population comme des sous-hommes nous ramène à des périodes sombres de l’histoire française.

A travers ce courrier nous voulons vous part de notre mécontentement. Aussi nous dénonçons fermement cette atteinte à notre dignité humaine. Nous vous demandons de prendre les dispositions nécessaires pour que les personnes soient traitées de manière égalitaire et digne en fonction des lois en vigueur et non en fonction de leur appartenance ethnique.

Ceci n’est qu’une étape de notre démarche, celle de défendre la dignité et le respect des droits de nos compatriotes.

Nous attendons impatiemment une réponse favorable sur les difficultés que nous nous exposons.

En espérant que vous prendrez en considération notre revendication dans l’intérêt de nos compatriotes, nous vous prions, monsieur le Ministre, de recevoir l’expression de notre considération et de notre profond respect.

Les associations signataires :
Association Coordination Haïtienne Tèt Kole
Fédération d’Associations Franco-Haïtienne de Guadeloupe
Le CIPN
Association Asòtò Ginen
Lakay Concept
La Cimade Guadeloupe
Fédération de la ligue des droits de l’Homme de Guadeloupe – LDH
Association CODIGH

Auteur: Région Outre-Mer

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