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Plusieurs naufrages se sont succédé au large des côtes sénégalaise et mauritanienne vers les Canaries espagnoles depuis la fin du mois d’octobre 2020. La vision sécuritaire des frontières et la coopération entretenue par l’UE et les Etats africains n’est pas la solution.
Plusieurs naufrages se sont succédé au large des côtes sénégalaise et mauritanienne vers les Canaries espagnoles depuis la fin du mois d’octobre 2020. Le 23 octobre, une pirogue a chaviré au large du Sénégal, provoquant la disparition de 140 personnes sur les 200 à bord, ce qui en fait aujourd’hui le naufrage le plus dramatique de l’année –parmi ceux dénombrés- selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Bien que l’OIM parle d’une « considérable augmentation » du nombre de départs vers les Canaries ces dernières semaines[1] ou que le Ministre de l’intérieur espagnol indique une augmentation de 500% des arrivées au 30 septembre par rapport à 2019[2] (6081 personnes), ces chiffres doivent être relativisés. Pour 2020, il devrait effectivement y avoir une augmentation des arrivées puisqu’à fin octobre, le nombre d’arrivées est proche de celui sur l’ensemble de l’année 2019. Toutefois, les arrivées en Espagne ont diminué de plus de la moitié entre 2018 et 2019 par exemple[3]. Les chiffres sont donc à prendre avec précaution. A ce sujet, Eva Ottavy, responsable des Solidarités Internationales à La Cimade, répondait dans un entretien à Mediapart, début novembre[4].
Par ailleurs, en 2006, plus de 30 000 personnes étaient arrivées aux Canaries. L’Union européenne et ses Etats membres, dont l’Espagne en particulier, avaient répondu en signant plusieurs accords avec la Mauritanie et le Sénégal. C’est également à ce moment que l’opération de l’agence européenne Frontex, Héra, fût lancée afin de mener des patrouilles conjointes entre Frontex et les forces mauritaniennes et sénégalaises. Cette opération, toujours active, a pour objectif la surveillance et le contrôles des frontières afin d’intercepter les embarcations au départ du Sénégal et de Mauritanie.
Aujourd’hui, l’Union européenne continue de soutenir le Sénégal et la Mauritanie dans les interceptions des embarcations et met l’accent sur les interpellations de « passeurs » présumés et leur traitement judiciaire à travers le soutien à la Division nationale de lutte contre le trafic des migrants au Sénégal[5] ou encore le soutien de la réforme de la loi contre le trafic en Mauritanie[6]. Cependant, l’accès à un procès équitable n’est pas toujours garanti et peu ont accès à un·e avocat·e. Les personnes migrantes elles-mêmes sont parfois poursuivies soit pour « trafic », soit, et ce à l’encontre du droit international, pour sortie irrégulière du territoire. A Nouadhibou en Mauritanie, l’Association mauritanienne des droits de l’Homme (AMDH)* défend ainsi des personnes poursuivies pour « franchissement irrégulier d’une frontière ». Au Sénégal, le Réseau migration développement (REMIDEV)* a publié un communiqué de presse suite aux naufrages, avec le collectif Lu Waral lii (« Pourquoi tout ceci » en wolof) pour dénoncer la criminalisation des jeunes sénégalais·e·s et la stigmatisation des personnes migrantes[7].
Par ailleurs, les conditions d’accueil sur les îles Canaries ne sont pas remplies[8] et les expulsions semblent être une des réponses apportées par les autorités espagnoles avec le soutien de l’UE[9]. En effet, les centres de rétention, fermés sur les îles Canaries jusqu’alors à cause de la pandémie COVID 19, devaient rouvrir fin septembre 2020[10].
La vision sécuritaire des frontières et la coopération entretenue par l’UE et les Etats africains n’est pas la solution. Le renforcement des contrôles sur telle ou telle route migratoire pousse à des stratégies d’adaptation et au contournement de ces derniers. Les personnes se retrouvent alors sur des routes plus longues, plus dangereuses et dans l’obligation de passer par des intermédiaires peu scrupuleux. C’est à un changement de paradigme auquel les Etats de chaque côté des frontières devraient aspirer pour plus d’égalité, de solidarité et de protection des populations.
* La Cimade, l’AMDH (Mauritanie) et le REMIDEV (Sénégal) sont membres du collectif Loujna-Tounkaranké pour la défense des droits des personnes migrantes.
© Marion Joly / Hans Lucas
[1] Info Migrants, « Près de 200 morts en une semaine au large des côtes ouest-africaines », 30/10/2020
[2] Euractiv, « Aux îles Canaries, la pression migratoire est « insoutenable » selon Bruxelles », 06/10/2020
[3] https://data2.unhcr.org/en/country/esp
[4] Mediapart, « Eva Ottavy : La route des Canaries se réactive parce que d’autres ont été fermées », 01/11/2020
[5] Senenews, « SENEGAL : Lutte contre le trafic de migrants et la traite des personnes : L’Ue et le Sénégal s’engagent pour… », 11/03/2020
[6] OIM, « Mauritanie : une réforme importante des lois contre la traite et le trafic illicite des personnes », 07/17/2020
[7] https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=2734768846739483&id=1715410162008695
[8] CEAR, « siete claves sobre la ruta migratoria hacia las islas canarias, 30/10/2020
[9] Euractiv, « Aux îles Canaries, la pression migratoire est « insoutenable » selon Bruxelles », 06/10/2020
[10] El Diario, « Los CIE de Canarias reabrirán para expulsar migrantes de las Islas », 24/09/2020
Auteur: Pôle Europe et International
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