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Campements : comment sortir de l’impasse ?

18 octobre 2019

Trois questions à Gérard Sadik, responsable asile de La Cimade, pour comprendre pourquoi les campements sont de plus en plus nombreux, qui sont les personnes qui y survivent et quelles solutions faut-il mettre en œuvre pour qu’enfin cesse cette politique inhumaine de dissuasion par la précarité et l’errance.

Pourquoi y a-t-il tellement de campements en cette rentrée 2019 ?

Les campements existent depuis 2015 et cette situation s’explique par deux facteurs.

Le premier est le sous dimensionnement du parc d’hébergement, principalement celui dédié aux personnes qui demandent l’asile. L’État dispose de plus de 100 000 places, mais seulement 70 000 demandeurs d’asile y sont hébergés, le reste étant occupé par les réfugié·e·s et les débouté·e·s qui peuvent occuper ces places quelques temps avant de trouver une solution ou d’être mis à la rue. Or, il existe environ 170 000 personnes dont la demande d’asile est en cours d’instruction. Donc 100 000 demandeurs d’asile ne sont pas hébergés par l’État une partie est hébergée chez des proches ou des citoyen·ne·s solidaires, les autres sont à la rue.

Le deuxième facteur est la conséquence des politiques d’accueil. D’une part, les personnes déboutées ou réfugiées sont mises à la rue et comme elles ne peuvent plus, en fait et non en droit, accéder aux hébergements d’urgence gérés par le 115, elles sont sans solution. D’autre part, les refus d’accès aux conditions matérielles d’accueil, notamment pour les personnes dublinées déclarées « en fuite » qui se retrouvent, elles aussi, à la rue sitôt leur « fuite » déclarée.

Concernant les personnes réfugiées, qui sont très présentes dans les campements, le paradoxe c’est qu’il n’y a jamais eu autant de places dans les centres provisoires d’hébergement (CPH) qui leur sont dédiés. Selon le ministère de l’intérieur il y en aurait 8700, j’en ai pour ma part dénombré 8300, et surtout il y a de nombreuses places qui sont vides, notamment dans des zones rurales. Par exemple, c’est le cas au CPH d’Aurillac où l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) n’est pas capable d’envoyer des personnes… Il existe un réel problème de gestion de ce parc.

Par le passé, la soupape de sécurité était le dispositif d’hébergement d’urgence, le 115. Mais la politique actuelle, avec, entre autres, les circulaires du 31 décembre 2018, du 19 mai 2019 et du 4 juillet 2019 (sur l’échange d’information entre l’Ofii et le 115), tend à séparer les dispositifs. Les 115 disent désormais aux personnes qui demandent l’asile ou aux réfugiés : « vous n’avez pas vocation à entrer dans le dispositif d’hébergement d’urgence. » Ou alors il y a des quotas, mais tout cela se fait via des consignes non écrites.

Des chiffres ont été communiqués grâce aux contentieux que nous menons avec nos partenaires contre ces circulaires. En 2019, 15 000 personnes (qui ont demandé l’asile ou réfugiées) sont hébergées au 115 car il n’y a pas assez de places dans le dispositif national d’accueil (DNA).

Qui sont les personnes qui dorment et survivent dans les campements ?

L’étude qui a été faite à Nantes en septembre 2019 par La Cimade avec la participation du Secours Catholique, montre que ce sont principalement des demandeurs d’asile qui dorment dans les campements, il représentent près de 70 % des 91 personnes interrogées si on compte les dubliné·e·s ou 31,4 % sans les dubliné·e·s. Et 18 % des personnes ont le statut de réfugié ! Seulement 2,2 % de débouté·e·s du droit d’asile, c’est très marginal.

Concernant les autres campements, à Achères (Yvelines) ce ne sont que des demandeurs d’asile tibétains qui sont presque tous et toutes reconnues réfugiées. À Paris, ce sont aussi majoritairement des personnes qui demandent l’asile ou qui ont le statut de réfugié. À Dijon, Macon, Strasbourg, Toulouse, Montpellier ou Bordeaux, il y a beaucoup de ressortissants des pays considérés comme « sûrs », qui demandent aussi l’asile, mais n’ont pas accès aux dispositifs d’hébergement dès lors que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a rejeté leur demande d’asile

Quelles sont les solutions pour remédier aux campements ?

Le ministère de l’intérieur a créé de nombreuses places ces dernières années, mais pas assez, et cela n’a pas empêché la saturation du dispositif. Ce que préconise La Cimade depuis de nombreuses années, c’est de faire sortir les demandeurs d’asile de la quarantaine sociale où ils sont placés pendant l’examen de leur demande. C’est-à-dire leur offrir un accès au marché du travail, aux allocations familiales, à un logement de droit commun. Aujourd’hui, ils n’ont pas accès à ces droits, même quand ils en font la demande. Il est nécessaire de permettre aux personnes d’accéder automatiquement au droit au travail, éventuellement après un délai de six mois. Cela va permettre des sorties par le haut du DNA : certaines personnes vont trouver un travail avant de sortir du lieu d’accueil car elles ont trouvé un logement.

Par ailleurs, il est aussi nécessaire que l’État remplisse ses obligations et crée plus de places. Or, lorsqu’on regarde le projet de loi de finances 2020, aucune place dédiée à l’asile n’est créée (quelques créations dans certains dispositifs, mais annulées par une réduction dans d’autres lieux). En revanche, le ministère de l’intérieur veut « fluidifier le dispositif » en créant 300 places dans le dispositif de préparation au retour (DPAR) et 480 places en centre de rétention administrative (CRA). Deux lieux dédiés à l’expulsion…

Carte des campements

Formulaire pour signaler à La Cimade l’existence d’un nouveau campement et l’ajouter à la carte.

 

Pour aller plus loin :

 

Auteur: Service communication

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