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Centre Frantz Fanon : renforcer le suivi psychique des personnes en exil en Occitanie

16 novembre 2018

En gestation depuis quelques années, le projet de centre de soins et de ressources pour la prise en charge des souffrances psychiques des personnes exilées en région Occitanie s’inaugure à Montpellier le 16 novembre. Muriel Montagut, psychologue et coordinatrice du centre Frantz Fanon fait le point sur ce lieu inédit.

Pourquoi avoir fait le choix aujourd’hui d’ouvrir un centre de soins et de ressources sur la santé mentale des exilé·e·s ?

Le projet émane du Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) de La Cimade à Béziers. La question de la santé mentale est une composante clef d’une politique d’accueil adaptée, nécessairement fondée sur une prise en charge globale des personnes exilées. Le CADA a initié dès 2003 un accueil psychologique spécialisé, mais cette action n’a pas pu être pérennisée faute de financement. D’autres tentatives ont vu le jour – j’ai commencé pour ma part à intervenir en 2014 sur le CADA pour proposer un suivi psychologique mensuel, notamment pour les personnes les plus en difficulté – mais une action structurée d’une plus grande ampleur était nécessaire pour répondre aux besoins que nous avions repérés.

Nous nous sommes retrouvés autour de ce constat avec Médecins du Monde et d’autres CADA (L’Adage, La Clède, l’Espélido, le Groupe SOS) de la région. Pendant deux ans nous avons co-construit ce projet de création de centres de soins spécialisés adaptés à cette population et avons réfléchi à la manière de contribuer à la promotion d’un environnement favorable à la santé mentale des personnes en situation d’exil. Nous avons obtenu des subventions régionales et étatiques pour un an qui nous permettent aujourd’hui d’ouvrir le centre Frantz Fanon.

 

Comment va se faire l’orientation ?

Dans un premier temps, ce sont surtout les structures partenaires vont nous orienter des patient·e·s : Médecins du Monde et les CADA des départements du Gard et de l’Hérault. Mais nous accueillerons toutes les personnes en souffrance psychique quel que soit leur statut (personnes en demande d’asile, réfugiées, déboutées, malades étrangères) et donc toutes les structures intervenant auprès de ce public peuvent nous solliciter pour une prise en charge.

 

Et la prise en charge ?

L’approche théorique est celle de la clinique de l’exil qui prend en considération la nature complexe des troubles psychiques observés, la dimension interculturelle de la rencontre clinique, la dimension linguistique (l’accueil sera fait dans la langue du patient), et les conditions de vulnérabilités sociales et administratives.

Deux psychologues, un travailleur social et un médecin vont intervenir dans le centre de soins. Cette prise en charge pluridisciplinaire nous semble essentielle. Par exemple, dans le cas de traumatismes intentionnellement induits par un tiers, comme la torture, les troubles psychiques peuvent directement impacter la situation juridique des personnes exilées : des troubles langagiers peuvent se développer (discours empêché, logorrhéique ou clivé) et sont susceptibles de mettre en péril la demande d’asile.

La durée des suivis sera variable en fonction des patient·e·s, avec des entretiens qui pourront s’espacer dès que la personne sera suffisamment stabilisée. Un travail spécifique sera fait avec les interprètes de par leur place spécifique de co-thérapeutes dans le dispositif clinique.

 

Ne craignez-vous pas une rapide saturation du centre ?

Les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) spécialisées dans les prise en charge psychologique et les Unités mobiles intersectorielles de psychiatrie pour les populations en précarité (UMIPP) et les Centres médicaux psychologique (CMP) sont déjà saturés. Il est nécessaire de proposer une alternative, même si, idéalement, le secteur devrait être garanti par le service public.

De plus, nous voulons mettre en évidence la nécessaire spécificité de la prise en charge psychologique des personnes en situation d’exil, et montrer qu’à ce jour seules les personnes les plus fragilisées et plutôt francophones peuvent bénéficier d’un suivi.

Nous savons que le centre de soins va rapidement être saturé. D’où la nécessité de réfléchir à la manière dont nous pouvons soutenir des professionnel·le·s sur la question de la prise en charge des exilé·e·s. C’est tout l’enjeu du centre de ressources régional.

 

Quel est le rôle du centre de ressources ?

Il assure essentiellement la fonction de soutien aux professionnel·le·s, par l’organisation de journées de formation, de journées d’étude, de groupes d’analyse de pratiques. Il a vocation à favoriser la mise en réseau et le soutien à la création de nouveaux dispositifs dans toute la région Occitanie. Le premier grand chantier du centre de ressources sur ce volet est de constituer un réseau d’interprètes formés à la spécificité des prises en charges médicale et psychothérapeutiques avec les personnes migrantes. L’idée à terme est de créer une plateforme accessible d’interprètes spécialisé·e·s.

La seconde mission du centre ressource est d’être un observatoire régional de la santé mentale des personnes migrantes. Il s’agira d’avoir une action de capitalisation, et de plaidoyer et de recherche.

 

Pourquoi avoir choisi le nom de Frantz Fanon pour le centre basé à Montpellier ?

C’est un moyen pour nous d’inscrire l’identité de La Cimade dans ce projet. Refuser l’idée qu’une personne, en raison de son origine, de sa culture, de sa langue, ne puisse pas bénéficier des soins psychiques appropriés est pour nous une question qui relève de l’engagement citoyen. Il y a dans cette non renonciation un enjeu majeur de reconnaissance de l’autre dans sa différence. De plus, nous défendons l’idée que le soin ne peut être détaché de la réalité politique et sociale dans laquelle sont plongé·e·s les patient·e·s. Frantz Fanon, en tant que psychiatre, est un symbole de ces valeurs et de cette militance nécessaire du soignant et de la soignante, et en cela il nous paraît refléter ce qui nous anime dans la création de ce projet.

 

 

> Pour aller plus loin : Descriptif du centre Frantz Fanon

 

Photographie : Deux Afghans dans la salle d’attente de la permanence d’accès aux soins de Calais, 2010. © Vincent Wartner

Auteur: Service communication

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