La Cimade en région AuRa se mobilise pour la marche des migrant.e.s
À l’occasion de la Journée internationale des migrant·e·s, plus de 230 organisations ...
Ce 8 mars 2021, nous célébrons la journée internationale des droits des femmes. Mais en France, l’accès aux droits pour les femmes étrangères n’est pas toujours effectif et les politiques publiques actuelles ne proposent pas de modifications significatives pour améliorer leur protection et leur situation.
Les femmes migrent pour étudier, pour travailler et construire une autre vie mais aussi, par volonté d’émancipation ou par souhait de se soustraire à des pratiques néfastes. Elles constituent d’ailleurs un peu plus de la moitié de la population immigrée en France et sont même, au sein de certaines nationalités, largement majoritaires.
Les nombreux obstacles pour obtenir un visa, la construction d’une Europe forteresse rendent leurs parcours toujours plus longs, coûteux et dangereux. Elles se retrouvent parfois sur notre territoire sans titre de séjour, ou dépendante de leur conjoint ou de leur employeur. Parfois isolées, elles sont peu informées de leurs droits et ont des difficultés à les faire valoir.
L. est arrivée d’Algérie en région parisienne en 2017. A 24 ans, elle rejoint alors l’homme français avec lequel elle vient de se marier, rencontré quelques années plus tôt quand il passait ses vacances à l’est de l’Algérie, dont L. est originaire. Sauf que rien ne se passe comme prévu. Le conjoint se révèle être un homme violent. « Dès les premiers mois, soit il me rabaisse soit il disparait. On dirait qu’il vit seul. Les problèmes commencent comme ça », raconte doucement L. Pauline lui propose de ne pas raviver la douleur en entrant dans le détail des violences conjugales. Connaissant parfaitement le dossier, elle résume : « Les violences physiques ont rapidement succédé aux violences psychologiques. L. dépose une première main courante au commissariat en 2018. Une autre suivra. Mais dans un premier temps, L. ne porte pas plainte. C’est un schéma classique d’emprise. L. part, elle a peur, il s’excuse, elle revient. D’autant qu’il y a une autre source d’emprise : son titre de séjour lié à son conjoint, qui va bientôt expirer. Comme d’autres femmes, L. se dit qu’il est peut-être préférable d’attendre le renouvellement de ce titre lié à son conjoint avant de le quitter. Quitte à souffrir voire à risquer sa vie. » Ce schéma va se briser en 2019, après que L. a subi de telles violences qu’elle est hospitalisée.
Ce moment-là est un point de bascule. Vous décidez qu’il faut vous éloigner ?
L: Il m’a frappée comme s’il voulait me tuer… Je suis entrée à l’hôpital. J’ai été aidée par une assistante sociale, par les policiers aussi. Cette fois-ci, je porte plainte. Au commissariat, on me dit, « Madame, vous ne rentrez pas chez vous ». À cette période, j’ai commencé à travailler, je fais des ménages. Là je suis en arrêt de travail, mais je veux reprendre. L’assistante sociale me met en relation avec la Samu social pour que je sois hébergée, j’y resterai plusieurs mois. Lui a interdiction de m’approcher. L’assistante sociale me donne aussi les contacts d’associations dont La Cimade, pour m’aider avec mon titre de séjour. Parce que je veux rester ici, je veux continuer de travailler, et je ne veux plus avoir peur.
Vous appelez La Cimade. C’est bientôt Pauline qui vous recevra lors de la permanence du mardi soir. Pauline, à ce moment-là, quelle bénévole êtes-vous ?
Pauline : Quand je rencontre L. à l’automne 2018, je suis bénévole depuis un an et demi. En parallèle, je travaille au sein d’une institution en charge de la protection des femmes. Je suis donc déjà sensibilisée à la thématique des violences et je m’intéresse aux droits des personnes étrangères. C’est pour ces raisons que j’ai rejoint la permanence. Etant donné qu’on y reçoit des femmes très fragilisées, l’environnement est le plus sécurisant possible : on accueille les personnes sur rendez-vous une fois qu’un premier échange téléphonique a permis d’évaluer si on peut les accompagner dans leurs démarches. La Cimade n’intervient pas sur tous les pans sociaux, on se concentre sur l’accompagnement au droit au séjour, au droit d’asile, et dans toutes démarches liées aux violences. Le plus souvent, les femmes sont prises en charge en parallèle par des structures sociales.
Dans le cas de L. quel sont les enjeux immédiats à régler ?
Pauline : L’enjeu principal est le renouvellement de son titre de séjour. Parmi les fondements du droit au séjour pour les femmes victimes de violence, un article stipule qu’en cas de violences conjugales, le titre de séjour de la personne violentée peut être renouvelé de plein droit. Sauf que dans le cas de L., s’y ajoute le cas particulier de sa nationalité algérienne. En raison d’un accord franco-algérien datant de 1968, ces éléments de droit français sur le séjour ne sont pas applicables. On doit demander un titre de séjour sur le fondement des violences « par analogie », et la décision de lui accorder sera à la discrétion du préfet et non de plein droit, comme pour les autres personnes. Dans nos lettres, on souligne que cette pratique est discriminatoire pour les femmes algériennes, que cela les empêche de bénéficier de titres de séjours pluriannuels (de deux ans par exemple). De fait, on doit recommencer un dossier tous les six mois, avec le stress associé pour la personne de se retrouver sans papier… Le dossier de L. étant de plus en plus solide, on s’apprête à demander une carte de résident.
Vous vous souvenez de votre premier rendez-vous ?
L: Oui, je me souviens très bien de la rencontre avec madame Pauline. J’étais si triste. Elle m’a écoutée, elle a été très douce. J’ai vu les larmes dans ses yeux, comme si elle avait envie de pleurer avec moi, je n’oublierai jamais ça. C’est une personne de confiance, presque la seule autour de moi. Parce que j’ai perdu confiance en tout le monde.
Pauline : Le chemin parcouru par L. est remarquable… Quand je l’ai rencontrée, elle était anéantie. Elle s’est battue sur tant d’aspects. Il y eut ainsi le procès très douloureux de l’ex-conjoint. Il a été condamné en 2019 mais il a fait appel, ce n’est donc pas tout à fait terminé. Pauline à L. : Vous avez réussi à prendre votre vie en main, je suis si fière de vous.
Se sent-on assez solide pour aider une personne qui a le vécu de L. ?
Pauline : Comme bénévole, on acquiert progressivement l’expérience de terrain. Les premiers mois sont durs. On a beau être formé, on n’est pas préparé à tout. Au début, on a tendance à vouloir trop s’occuper des personnes alors qu’une victime de violences est précisément entourée de gens qui ne la laissent pas maîtresse de son destin. On apprend à accompagner la personne, et non à faire à sa place. Il y a heureusement une très bonne dynamique d’équipe à la permanence, on échange beaucoup. Dès que nous avons des difficultés techniques ou psychologiques, notre responsable à La Cimade est disponible.
En deux ans et demi d’accompagnement, qu’avez-vous accompli ensemble ?
L: Pauline m’a d’abord aidée psychologiquement en m’écoutant. Ensuite, chaque année, elle m’a aidée à remplir mon dossier administratif, à rédiger les lettres, à vérifier que tout était en ordre… Depuis trois ans, mes titres de séjour ont toujours été renouvelés. Et à chaque fois que je reçois ma carte, je la tiens au courant, je lui dis : « C’est grâce à vous ! On a réussi ! ». Pour moi, ces titres de séjour signifient que je peux rester en France mais aussi que je suis protégée. Mon droit existe.
Pauline : L. construit sa vie ici, elle travaille, sa situation est stable. On est donc en train de glisser vers un autre fondement du droit au séjour qui est sa vie en France et non plus la présence du conjoint. Sachant qu’elle a en parallèle entamé une procédure de divorce. Il lui faut un titre de séjour pour pouvoir divorcer ici sans risquer une expulsion. Et ces démarches en France sont très importantes parce qu’en Algérie, le droit de la famille n’est pas toujours en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Vous avez le sentiment d’avoir commencé à reconstruire votre vie ?
L: J’ai toujours un suivi psychologique. Ce n’est pas facile… Je n’ai pas encore reconstruit ma vie privée. Je vis seule et j’ai encore peur. D’autant que je vis toujours dans l’appartement qu’avait choisi mon ex-conjoint (il a dû quitter les lieux). J’attends le jugement définitif du divorce pour pouvoir changer de maison. En attendant, je me sens étrangère chez moi. Mais je suis indépendante, je travaille, j’ai des copines, je vais mieux.
Et vous Pauline, où vous porte votre engagement bénévole ?
Pauline : Ce travail à La Cimade auprès des femmes victimes de violences a forgé ma conviction de devenir avocate et d’accompagner les femmes dans tout leur parcours judiciaire et administratif. J’ai donc passé l’examen du barreau et je suis en train de terminer ma formation d’avocate.
Entretien réalisé par Iris Deroeux
© Vali Faucheux
A l’occasion du 8 Mars 2021, Journée internationale des droits des femmes, La Cimade vous propose ce quiz pour tester vos connaissances sur la situation des femmes étrangères en France.
Pour lire notre Communiqué de presse sur la Journée Internationale des droits des femmes rendez-vous ici
Auteur: Service communication
À l’occasion de la Journée internationale des migrant·e·s, plus de 230 organisations ...
Le 18 décembre – Journée internationale des Migrantes et Migrants – Plus de 230 ...
En novembre 2024, quarante ans après l'ouverture des premiers centres de rétention ...
Dans le cadre de la journée internationale des personnes migrantes, le Musée de Grenoble ouvre ...