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Cinq mois de démission du service public à Mayotte

6 septembre 2018

Les lois de la République sont en berne à Mayotte : depuis avril 2018, la préfecture a illégalement fermé son service « étrangers », mettant pratiquement fin aux renouvellements de titre de séjour et aux régularisations. Un blocage renforcé depuis le 31 juillet par l’occupation de l’entrée de la préfecture par un collectif mahorais anti-comoriens.

Dans l’indifférence totale depuis cinq mois, la préfecture de Mayotte a fermé ses portes aux personnes étrangères, en représailles de la décision souveraine de l’Union des Comores de ne plus recevoir de personnes expulsées. Mais surtout en violation des principes les plus fondamentaux de fonctionnement du service public et de respect des droits humains. À l’ambassade de France à Moroni, les Comorien·ne·s souhaitant demander un visa trouvent également porte close, les autres ressortissant·e·s conservant pour leur part la possibilité d’accéder à l’ambassade. Depuis peu, les demandes de visa des étudiant·e·s sont examinées, mais la plupart se soldent par des refus.

Pour toutes les personnes dans l’attente de la délivrance ou du renouvellement d’un visa ou d’un titre de séjour, la situation est intenable : pertes d’emploi, d’affiliation à l’assurance maladie, mise en péril de la poursuite des études, etc., Mais aussi risque d’interpellation et d’enfermement au centre de rétention administrative de Pamandzi. Les demandes d’asile sont également bloquées, l’association assurant la mission de plateforme d’accueil des demandeurs d’asile n’ayant plus non plus accès au guichet préfectoral.

Ce sont ainsi des milliers de personnes qui font les frais du bras de fer diplomatique entre la France et les Comores. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’un État fait part à la France de son refus de réadmettre sur son sol des expulsé·e·s : il y a dix ans, le Mali avait durablement cessé de délivrer tout laissez-passer consulaire suite à la mobilisation de sa société civile. Jamais la France n’a en retour choisi d’interdire illégalement l’accès des Malien·ne·s aux préfectures, ni de fermer son ambassade à Bamako. Mais à Mayotte, l’argument du particularisme local couvre le manque d’investissements de l’État dans ce département lointain en proie à de grandes souffrances sociales et largement méconnu du grand public.

 


Affichette collée à l’ambassade de France à Moroni en mai 2018, photographie publiée par Le Journal de Mayotte le 31 août 2018. © DR

Le blocage de l’administration nourrit les tensions. Le 26 juillet, une manifestation organisée devant la préfecture par le Collectif des étudiants étrangers de Mayotte, inquiet concernant les inscriptions universitaires, a donné lieu à une contre-manifestation du Collectif pour la défense des intérêts de Mayotte (CODIM), collectif citoyen ouvertement hostile aux Comorien·nes à l’origine des décasages il y a deux ans. Le lendemain, des membres du CODIM tentaient de s’introduire dans les locaux de La Cimade, proférant des menaces à l’égard des personnes présentes. Et depuis, tout accès à la préfecture est absurdement impossible, en raison de l’occupation de l’entrée par une dizaine de personnes du CODIM et Collectif des Citoyens de Mayotte, sans intervention des forces de l’ordre.

 

Les revendication du CODIM qui occupe l’entrée de la préfecture de Mayotte, août 2018. © La Cimade

 

Les rares personnes convoquées en août pour retirer un récépissé ou un titre de séjour n’ont donc pas pu rentrer, à cause de l’occupation de la préfecture par le CODIM. Des coursiers de l’hôpital, dépêchés pour retirer des laissez-passer en vue d’indispensables évacuations sanitaires vers La Réunion, se sont vus insulter. Des décisions du tribunal administratif enjoignant le préfet de convoquer des personnes au vu de l’urgence de leur situation ne sont pas exécutées.

Le ministre de l’Éducation nationale, en visite à Mayotte le 27 août, se déclarait favorable à la réouverture rapide de la préfecture, afin notamment de permettre la poursuite normale des études des étudiant·e·s étrangers et étrangères. Mais alors que les dossiers universitaires devaient être finalisés avant le 5 septembre, rien n’a bougé depuis cette annonce. Le 3 septembre, la chaîne d’information Mayotte la 1ère diffusait sur Facebook un ensemble de vidéos tournées en direct devant la préfecture où manifestent une poignée de membres du CODIM et du Collectif. Les forces de l’ordre tentent de les déloger sans succès et, semble-t-il, sans conviction. Les usagers et usagères du service public, qui attendent dans la rue quelques dizaines de mètres plus bas, subissent des agressions verbales racistes.

L’État est-il incapable de faire respecter ses lois à Mayotte ? La décision d’un pays tiers peut-elle conduire la France à déroger à ses propres principes ? Un collectif peut-il en toute impunité interdire à des personnes d’accéder à des droits parce qu’elles sont étrangères ? En tout état de cause, c’est la volonté politique qui semble avant tout faire défaut au gouvernement.

La Cimade réitère sa demande de réouverture immédiate des guichets de la préfecture pour garantir la continuité du service public et l’égalité réelle pour toutes et tous à Mayotte comme dans les autres départements.

 

Pour aller plus loin, revoir les dernières actualités publiées sur Mayotte :

 

Occupation de l’entrée de la préfecture de Mayotte par le CODIM sans intervention de la police, août 2018. © La Cimade

 

Auteur: Service communication

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