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Demande d’asile au nom  de mineurs : le Conseil d’Etat rectifie sa jurisprudence

18 décembre 2023

Il y a un an , le Conseil d’État a rendu une décision relative aux demandes présentées au nom de mineur·e·s. Cette décision semble avoir compliqué les modalités d’enregistrement, d’examen de ces demandes.

L e 27 janvier 2021  , le Conseil d’État a rendu une décision relative aux demandes de conditions matérielles d’accueil  présentées au nom de mineur·e·s CE, 27 janvier 2021, n°445958. Cette décision avait pour objectif de clarifier l’application des dispositions nouvelles sur l’enregistrement des demandes, elle l a encore complexifiée.

Par une décision du 27 novembre 2023, confirmant une décision de grande formation de la CNDA, elle a clarifié la procédure à appliquer par l’OFPRA et la CNDA.

Des dispositions sur le sort des demandes de mineurs accompagnants

Parmi les nouveautés de la loi de septembre 2018, le principe inscrit  aux articles L. 521-3 et L. 531-23 du code, dit la demande du mineur accompagnant le demandeur d’asile au moment de l’enregistrement  est rattachée à celle de ses parents  et suit le même sort qu’elles s’il s’agit d’une protection (on parle alors d’extension de protection). Applicable au départ pour les demandes enregistrées après le 1er janvier 2019, le Conseil d’Etat a considéré en novembre 2019 qu’il était également applicable aux demandes antérieures, sauf si les motifs de la demande n’étaient pas connus des parents. La demande postérieure d’un enfant est alors une demande de réexamen qui doit donc passer le filtre de la recevabilité. 

La règle est claire pour les mineurs présents au moment de l’enregistrement. Mais quid des enfants qui naissent ou qui arrivent après cet enregistrement pendant l’examen de la demande ou après une décision définitive (favorable ou défavorable)? S’agit-il de demandes autonomes? Quelle est la conséquence pour l’accès aux conditions matérielles d’accueil?

En décembre 2019, le juge des référés du Conseil d’Etat a répondu à une partie de ces interrogations  en considérant que la demande introduite pour une enfant née après le rejet CNDA de ses parents était une première demande d’asile et qu’en conséquence, elle avait droit aux conditions matérielles d’accueil (logement et allocation versée par l’intermédiaire de ses parents). 

En février 2020, s’est posée une question plus délicate : la demande d’asile d’une enfant née après l’enregistrement de la demande de sa mère, ayant des motifs propres, déposée avant le 1er janvier 2019 et toujours en cours d’instruction à l’ OFPRA pendant que le recours de sa mère avait été rejeté. Le juge a considéré que l’enfant présentait une première demande d’asile et avait droit aux conditions matérielles d’accueil.

L’OFII a alors commencé à être saisi de nombreuses demandes auxquelles il s’abstenait de répondre et si le faisait, ne versait l’allocation qu’au seul membre de famille demandeur d’asile.

En octobre 2020, saisi par une famille nigériane dont l’un des enfants avait demandé asile après le rejet définitif de leur demande, et qui était classé comme une primo-demandeur par la préfecture, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a non seulement enjoint à l’OFII de les loger mais également de leur verser l’allocation selon leur composition familiale (en l’espèce 3 personnes). L’OFII a alors fait appel qui après une première audience en novembre 2020 a été renvoyé devant les chambres en janvier 2021.

Le rapporteur public Olivier Fuchs s’est peu concentré sur la question des conditions d’accueil mais plutôt sur la nature d’une demande d’asile de mineur déposé après l’enregistrement des parents. Il a demandé aux juges de reprendre la jurisprudence de novembre 2019 pour considérer la demande d’un mineur, présent à l’enregistrement de ses parents (quelle que soit la date) comme étant réputée rejetée en même temps que celle de ses parents et une demande postérieure serait une demande de réexamen. Il est allé plus loin en appliquant ce principe également pour les demandes enregistrées au nom de mineurs en cours de procédure à l’OFPRA ou à la CNDA avec l’obligation pour les parents d’en faire état comme un élément nouveau au sens de l’article L. 531-9 du CESEDA,  l’OFPRA et la CNDA étant tenus de les examiner. La demande suit celle des parents sauf si des motifs personnels peuvent être invoqués et elle est réputée être rejetée en cas de décision négative. Si la demande est toujours en cours d’examen, elle est réputée, dans tous les cas, être une demande de réexamen. En revanche si le mineur naît ou arrive après cette décision, il s’agit d’une première demande. 

La conséquence pour les conditions matérielles d’accueil est simple : Si la demande du mineur est un réexamen, l’OFII peut prendre une décision immédiate de refus qui doit être motivée et tenir compte de la vulnérabilité. S’il s’agit d’une première demande, sauf application des autres cas de refus (notamment la demande introduite plus de 90 jours après « l’arrivée » de l’enfant), l’OFII doit faire une proposition d’offre de prise en charge et fournir un logement permettant à l’enfant de vivre avec ses parents et une allocation calculée en tenant compte de l’ensemble des personnes composant sa famille (et le cas échéant de leurs ressources).

Le Conseil d’Etat a suivi ces conclusions et a considéré dans sa décision du 27 janvier 2021 que l’OFII qui ne faisait appel que sur le montant de l’allocation devait la verser en prenant en compte toute la famille.

Embrouillamini des  pratiques des préfecture et de  l’OFPRA

Cette décision a semé la confusion  dans les préfectures et à l’OFPRA qui ont des pratiques diverses et divergentes.

Si on applique strictement les dispositions de la loi, la demande des mineurs accompagnants les demandeurs d’asile lors de l’enregistrement doit donner lieu à l’enregistrement de tous les membres de famille mais à la délivrance d’une seule attestation où figure le nom des enfants, rattachés à un des parents (la mère par défaut) et à un seul formulaire de demande d’asile. Sauf que certaines préfectures délivrent des attestations à tous le monde (y compris pour les Dublinés) et autant des formulaires de demande. Parfois pour  des parents qui ne souhaitent pas solliciter l’asile et ne veulent le faire que pour leur enfant, notamment des personnes sans papiers pour des filles risquant l’excision, certaines préfectures ne prennent en compte que l’enfant tandis que d’autres enregistrent « à l’insu de leur plein gré » les parents et ne délivrent qu’un formulaire aux parents.

Pour l’OFPRA, dans le cas général, la demande des enfants suit celle des parents et ne donne pas lieu à un entretien et à une décision distincte. Dès que les parents invoquent au nom de leurs enfants une crainte spécifique, l’Office sépare les dossiers et demande qu’un formulaire soit rempli pour les mineurs et peut prendre une décision positive pour les enfants et un rejet pour les parents.

Cela se corse lorsque le mineur naît ou arrive pendant  la procédure des parents. La demande doit être enregistrée par le préfet de façon autonome, un dossier de demande remis mais qui normalement va être rattaché à celui des parents déjà demandeurs d’asile, qui doivent lors de l’entretien personnel exposer les craintes des enfants sans attendre un autre entretien. Cette règle s’applique aussi si leur demande a été rejetée et que la CNDA est saisi d’un recours, même si la demande du mineur est toujours en cours d’examen à l’OFPRA! Normalement l’OFPRA comme la CNDA sont tenus d’examiner les craintes des mineurs mais oublient souvent de le faire, en ne les mentionnant pas dans la décision, favorable ou défavorable, considérant que leur demande sera examinée ultérieurement. 

Les préfectures sur la base d’une instruction du 14 octobre 2021  refuse d’enregistrer ce type de demande en indiquant aux parents qu’ils n’ont qu’à écrire à l’OFPRA et à la CNDA pour signaler l’existence de l’enfant et de ses motifs propres de demande. Saisi en référé , le tribunal administratif de Nantes n’y a vu aucun problème. 

S’il faut ajouter une couche de complexité et de perplexité, le sort des demandes des mineurs nés ou arrivées après la décision définitive des parents permettra de le faire. Dans tous les cas , la demande doit être enregistrée par la préfecture de façon autonome, sauf si les parents sollicitent un réexamen (qui donne lieu à un nouvel enregistrement), et elle est une première demande d’asile qui doit être examinée comme n’importe quelle demande (entretien personnel, décision autonome).Sauf que certaines préfectures considèrent cette demande comme un réexamen et délivrent une attestation et un formulaire pour ce type de demande. Après réception, le service d’introduction des demandes à l’OFPRA constate qu’il n’y a pas eu de demande d’asile préalable et demande au mieux aux parents de retourner à la préfecture pour avoir les bons documents (attestation et formulaire) au pire renvoie le formulaire en demandant la même chose. 

Quant au sort des demandes, il y a des grandes surprises. Si le parent a été reconnu réfugié, s’applique normalement le principe de l’unité de famille des réfugiés. S’il s’agit d’une protection subsidiaire, une décision du 14 octobre 2021 de la CNDA a étendu la protection des parents aux enfants, même nés après cette décision d’octroi. La note du 14 octobre 2021 du ministère demande aux préfets d’informer les parents  sur le caractère facultatif de ces demandes (puisque les enfants peuvent obtenir un document de circulation puis une carte de séjour à leur majorité) et n’envisage qu’en dernier ressort leur enregistrement.

Imbroglio sur les conditions matérielles d’accueil 

La même confusion règne en ce qui concerne le bénéfice des conditions matérielles d’accueil.. Si la règle à appliquer est simple pour les familles arrivées en même temps (hébergement versement de l’allocation à un des parents jusque’à l’issue de la procédure sauf cas de refus ou de retrait) ou pour les enfants qui enregistrent une demande pendant l’examen à l’OFPRA (rattachement du mineur au ménage jusqu’à l’issue de la procédure), Cela devient nettement plus compliqué lorsque les parents se sont vus refuser ou retirer le bénéfice des conditions d’accueil ou encore lorsqu’ils ne sont plus demandeurs d’asile. Théoriquement, si une première demande d’asile est pendante devant l’OFPRA ou la CNDA, la personne a toujours droit aux conditions d’accueil mais ce n’est pas le raisonnement suivi par le CE considère qu’il s’agit d’une demande de réexamen quand bien même aucune décision ne naît du silence de l’OPPRA!. Dans une ordonnance du 19 mars 2021, le juge des référés du Conseil d’Etat a repris ce raisonnement mais a enjoint à l’OFII de fournir les conditions d’accueil en considérant que l’OFII en lui refusant les conditions matérielles d’accueil n’avait pas tenu compte de sa vulnérabilité extrême. En revanche, il a rejeté par tri une demande similaire parce que la famille logeait sans décision de sortie dans un CADA.

En pratique depuis cette décision, l’OFII refuse d’ordonner le versement de l’allocation à des mineurs, considérées par le préfet comme demandeur d’un réexamen, et  dans le cas contraire,  vérifie méticuleusement les ressources des personnes en sollicitant des documents qui ne sont pas exigibles. Résultat, alors que des centaines de demandes de ce type sont introduites, seules 80 à 90 bénéficiaient des conditions matérielles d’accueil

Vous n’avez rien compris? C’est normal! Au lieu de simplifier les règles, la décision du 27 janvier 2021 du Conseil d’Etat a encore plus embrouillé les esprits.

Rectification de jurisprudence

Pour sortir de l’imbroglio, la grande formation de la Cour nationale du droit d’asile a rendu une décision le 7 mars 2023 .CNDA, Grande formation, 7 mars 2023, Enfants S, elle a considéré que le refus d’examiner la demande de l’enfant alors que la CNDA était saisie du recours du parent était illégal et a l’a donc annulé en enjoignant à l’OFPRA de procéder à l’examen.

Cette décision a fait l’objet d’un pourvoi en cassation par l’OFPRA qui a été rejeté,  Le Conseil d’Etat a précisé sa jurisprudence:

  • lorsque l’enfant nait ou arrive en France, avant l’entretien personnel, le parent doit faire état des craintes spécifiques de l’enfant lors de celui-ci, sinon le rejet vaut également pour l’enfant.
  • lorsque l’enfant nait ou arrive après l’entretien, y compris après une décision de rejet et la saisine de la CNDA d’un recours, l’OFPRA doit procéder à un  nouvel entretien personnel pour prendre en compte les craintes spécifiques de l’enfant, si besoin en réformant sa décision de rejet. S’il ne le fait pas, la Cour doit annuler la décision et enjoindre au réexamen.

Cette nouvelle donne procédurale va sans doute compliquer la prise de décision de l’OFPRA et donc la ralentir car  depuis plusieurs années, notamment en Ile-de-France, il y a une pénurie de rendez vous dans les unités médico-judiciaires pour l’établissement des certificats médicaux de « non-excision » que l’OFPRA exige pour l’instruction des demandes de fillettes risquant cette mutilation, en application d’un arrêté de 2017, dont on attend une révision depuis plusieurs années.

Pour y voir un peu plus clair, un tableau est nécessaire :

Date de la demande de l’enfant par rapport à celles du ou des parents Examen par l’OFPRA et la CNDA Conditions matérielles d’accueil  Sort de  la demande du mineur 
1° l’enfant est né et est présent au moment de l’enregistrement de la demande des parents  La demande est examinée comme celle d’un mineur accompagnant (pas de dossiers OFPRA)

Si  craintes spécifiques au mineur, elles doivent être exposées par le ou les parents et examinées par OFPRA et CNDA.  (Article L. 531-9 CESEDA)

Si crainte spécifique du  mineur, séparation du dossier avec parfois une demande de l’OFPRA de remplir un formulaire pour le mineur 

L’enfant est pris en compte dans le calcul de l’ADA . Les CMA prennent fin après la décision définitive (accord ou rejet) Statut le plus favorable accordé à un parent

Sinon rejet 

Si craintes spécifiques (excision), décision d’accord pour le mineur et rejet des parents. 

Si rejet définitif des parents , la demande autonome est une demande de réexamen  (examen de recevabilité par OFPRA CNDA  et possibilité de refus CMA par OFII) 

2° l’enfant nait ou arrive après l’enregistrement mais pendant l’examen de la demande à l’OFPRA ou à la CNDA  La demande doit être enregistrée par le GUDA 

Si craintes spécifiques au mineur, les parents sont tenus d’en faire état dans leur propre dossier ou recours comme des éléments nouveaux (article L.531-9 CESEDA) . 

Les organes de détermination doivent le examiner (et donc les mentionner dans leur décision). 

Si les parents on déjà été entendus ou ont un recours pendant  à la CNDA, l’OFPRA doit convoquer pour un entretien sur le craintes de l’enfant et si besoin réformer sa décision de rejet. S’il ne le fait pas,  la CNDA annule la décision etrenvoie pour examen à l’OFPRA (cf; CE, 27 novembre 2023, n°472147 et .CNDA, Grande formation, 7 mars 2023)

 

Les parents informent l’OFII de la naissance ou de l’arrivée de l’enfant, L’OFII la prend en compte dans la composition familiale  du ménage. Les CMA prennent fin après la décision définitive des parents Statut le plus favorable accordé à un parent par extension de la protection. 

Si craintes spécifiques (excision ou autre) , décision d’accord pour les enfants et rejet des parents. 

 

Si rejet définitif des parents , la demande autonome est une demande de réexamen  (examen de recevabilité par OFPRA CNDA et possibilité de refus CMA par OFII) même si elle a été déposée avant ce rejet et est pendante devant l’OFPRA ou la CNDA!

 

3° l’enfant naît ou arrive après la décision de rejet des parents  La demande doit être enregistrée par le GUDA comme première demande (pas de possibilité de faire un simple courrier) 

Un formulaire de première demande d’asile doit être rempli.

L’enfant doit bénéficier  des conditions d’accueil, être logé et bénéficiait de l’ADA avec un montant calculé selon la composition familiale et des revenus du ménage. Les CMA prennent fin après décision définitive  pour la demande du mineur  Si craintes personnelles, statut ou PS. Sinon décision de rejet, contestable devant CNDA. 
4°L’enfant naît ou arrive après une décision d’accord des parents La demande doit être enregistrée par le GUDA (pas de possibilité de faire un simple courrier à l’OFPRA) 

Un formulaire de demande d’asile doit être rempli.

L’enfant doit bénéficier des conditions d’accueil, être logé et bénéficiait de l’ADA avec un montant calculé selon la composition familiale et des revenus du ménage et des revenus. Les CMA prennent fin après décision définitive pour la demande du mineur.

 

Statut par Unité de famille si parents réfugiés sauf si autre nationalité.

Si le parent a une PS extension de la protection (CNDA 14 octobre 2021) Si craintes personnelles Statut de réfugié ou PS. Sinon décision de rejet  contestable devant CNDA 

 

Auteur: Responsable national Asile

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