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Vers un nouveau schéma national d’accueil des demandeurs d’asile : cartographie des capacités d’accueil

11 décembre 2024

En application de l‘article L.551-1 du CESEDA, le ministère de l’intérieur est compétent pour prendre;  tous les deux ans,un schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (SNADAIR) qui est ensuite décliné par les préfets de région en schémas régionaux. Ce schéma fixe la répartition des places d’hébergement […]

En application de l‘article L.551-1 du CESEDA, le ministère de l’intérieur est compétent pour prendre;  tous les deux ans,un schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (SNADAIR) qui est ensuite décliné par les préfets de région en schémas régionaux. Ce schéma fixe la répartition des places d’hébergement dédié et leur programmation mais aussi la part de demandeurs d’asile qui sont tenus de résider dans chaque région. Le précédent datant  de 2021-2022 a eu un maitre-mot , l’orientation directive quasi uniquement de personnes ayant enregistré leur demande d’asile en Ile-de-France vers des lieux d’hébergement dits CAES puis vers les autres structures (CADA, HUDA, PRAHDA).

Le dernier schéma date du 13 mai 2022, publié le 17 mai 2022 au journal officiel. Il est donc caduc depuis le 18 mai 2024.

Capacités d’accueil

Le schéma doit fixer la répartition par régions des capacités d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires de la protection internationale. Depuis quinze ans, l’Etat a fait un très important effort en la matière puisque le dispositif national d’accueil qui comptait à peine 30 000 places en 2009 devrait en compter autour de 120 000 en 2024, si les créations de 1 500 places prévues par la loi de finances sont maintenues.

Un dispositif embryonnaire dans les outre-mer

Le schéma de création de places n'a été conçu que pour la France hexagonale, les départements d'outremer n'étant pas concernés. En 2020, le nombre de places dans ces départements ne dépassait pas 400. L'augmentation du nombre de demandes et surtout l'évolution de celle-ci avec l'arrivée de Syriens, de Palestiniens, d'Afghans ou de Sahraouis en Guyane et les demandeurs d'asile de l'Afrique des grands-lacs à Mayotte, ainsi que des décisions du Conseil d'Etat  du 12 mars 2021 et du 21 décembre 2021 concernant la situation d'une demanderesse d'asile vivant avec son enfant dans un bidonville de Mayotte et l'annulation du SNADAR en tant qu'il n'intégrait pas l'outre-mer, ont poussé le ministère de l'intérieur à développer les capacités jusqu'à  1 100  places en Guyane et 500 à Mayotte alors que la Réunion conservait 95 places créées en 2019, à l'arrivée d'un bateau de demandeurs d'asile sri-lankais.  Toutes sont des HUDA alors que le taux de protection notamment en Guyane est l'un des plus élevés de France. Contrairement aux autres régions, les préfets de ces départements n'ont pas pris de schémas régionaux depuis, disant qu'il y avait d'autres urgences.

Ces créations sont insuffisantes puisque, depuis novembre 2024, un campement organisé par l'Etat a été mis en place devant les locaux vides de l'ancienne direction générale de la cohésion des populations,  comptant 400 personnes dont des familles avec enfants. Les installations sont sommaires avec un nombre limité de robinets, de douches et de toilettes dans le contexte d'une épidémie de dengue jamais vue depuis 20 ans dans la collectivité. Saisi par la Cimade, le Comede et Médecins du monde, le juge des référés du tribunal administratif de Guyane a enjoint le 5 février 2024 au préfet d'améliorer les installations mais a rejeté les conclusions pour un hébergement dans le dispositif national d'accueil, si besoin en orientant les personnes vers d'autres régions hexagonales. Le ministre a indiqué que des obstacles majeurs empêchaient l'exécution de l'ordonnance et qu'il n'était pas question de procéder à des orientations vers d'autres régions, car le dispositif est saturé (perpétuellement) et  le nombre de demandeurs d'asile attendant un hébergement dans l'hexagone reste très élevé (30 000 selon l'Ofii). Le Conseil d'Etat a rejeté l'appel et considérait que l'ordonnance avait été exécutée

Le plafond de verre de l'occupation

Ces 120 000 places dont 104 000 sont dédiées à l'hébergement au long cours des demandeurs d'asile, ne permettent toutefois pas d'héberger toutes les personnes dont la demande d'asile est en instance. Malgré la création de milliers de places, il y a un plafond de verre autour de 60-70 mille personnes demandant asile hébergées dans le dispositif dédié depuis 2018. Il y a plusieurs motifs à cela: l'OFII ne sait pas exactement combien de places sont recensées, disponibles et vacantes même s'il tend à en réduire la part en imposant aux opérateurs de justifier sur pièces leur indisponibilité. Le nombre et la part des bénéficiaires de la protection internationale ou de déboutés qui se maintiennent dans les lieux, parfois au delà des délais réglementaires respectivement de trois à six mois et d'un mois, est importante.

La faible part des Dubliné·e·s hébergé·e·s

Depuis 2016, environ un tiers des demandeurs d'asile sont d'abord des Dublinés.  Exclus de l'admission dans les CADA, ils sont orientés dans le meilleur des cas dans les HUDA et les PRAHDA.  Le schéma national d'accueil de 2021 avait prévu d'améliorer leur hébergement et notamment de les rapprocher des pôles régionaux Dublin (PRD) afin qu'ils soient plus facilement transférables.

Deux ans plus tard, le bilan n'est pas très positif car seulement 20% des personnes enregistrées sont hébergées dans le dispositif national d'accueil avec de très grandes variations entre la région Ile de France (2,3% à Paris , même s'il faut doubler ce nombre en raison des orientations directives) et 60% dans le Doubs (même s'il faut réduire ce taux car la région accueille beaucoup de Dublinés orientés)

La cosmopompe de la procédure Dublin en France,  qui privilégie le constat de fuite, sa prolongation du délai de transfert et la cessation des conditions matérielles d'accueil conduit à ce qu'une majorité se retrouve sans conditions matérielles d'accueil.

La" fluidification",  maitre-mot de la gestion de la pénurie

Avec ces données et ce mode de fonctionnement, pour héberger l'ensemble des demandeurs d'asile dont la demande est pendante, il faudrait un dispositif  d'accueil comptant plus de 100 000 places supplémentaires (ce qui à l'heure de l'austérité budgétaire n'est absolument pas envisagé) ou utiliser d'autres leviers qui sont en partie décrits dans une instruction du 19 avril 2023 :

  • réduire l'indisponibilité des places : depuis avril 2022, l'OFII en établit des données statistiques et a, par deux  notes d'octobre-novembre 2023, décider seul de modifier le traitement DNA et déclarer, par défaut, disponibles des places vacantes si le gestionnaire ne justifie pas sur pièces  des motifs de l'indisponibilité. Cette politique censée réduire la "vacance frictionnelle" a eu un certain succès car le nombre de places recensées indisponibles a considérablement baissé avant de stabiliser autour de 6 000 places.
  • la présence dite indue des personnes bénéficiaires de la protection internationale, déboutées ou encore Dublinées en fuite. L'instruction demande d'utiliser à plein le référé mesures-utiles pour sortie du DNA, non seulement pour les déboutés mais encore pour les autres catégories comme les BPI ou les Dublinés, anticipant l'application d'une disposition du projet de loi à venir,  finalement jugée cavalière par le Conseil constitutionnel. 
  • Cette mesure a été contrecarrée par les importants délais de délivrance des documents d'état-civil par l'OFPRA et les "bugs" de l'ANEF qui ne permettent pas aux bénéficiaires de la protection de disposer dans le délai réglementaire de tous leurs droits.

Ainsi selon l'OFII, 73% des personnes bénéficiant des CMA sont hébergées à titre gratuit dont 59% dans le DNA. Mais quid de celles qui ne les ont pas ou plus?  Les données fournies par les SPADA et qui ont été communiquées par l'OFII à la Cimade  permettent d'avoir une idée assez surprenante :  Vers un nouveau schéma national d'accueil : orientations directives et fin des conditions matérielles d'accueil

Auteur: Responsable national Asile

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