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Pour la fin de son mandat, Jacques Toubon signe une décision et des recommandations très importantes concernant l’accès au droit au séjour des personnes étrangères, gravement compromis par le développement des prises de rendez-vous par Internet et par l’accroissement de la dématérialisation à l’heure de la crise sanitaire.
Le Défenseur des droits tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme : par une décision du 10 juillet 2020, publiée le 16 juillet, il dresse des constats précis et accablants des difficultés, résultant des procédures dématérialisées, rencontrées par les personnes étrangères pour déposer une demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour.
Bien avant la crise sanitaire, nombre de préfectures avaient fait le choix d’imposer l’obtention d’un rendez-vous via Internet pour déposer une demande de titre de séjour. Comme le relève le Défenseur, « il arrive fréquemment que ces personnes sont contraintes de se connecter chaque jour pendant plusieurs semaines voire pendant plusieurs mois avant d’obtenir un rendez-vous ». La situation de blocage est « un constat très partagé » : la décision, qui cite de nombreux exemples de préfectures inaccessibles aux personnes étrangères partout sur le territoire français, note par exemple qu’ « à la veille de l’entrée en vigueur des mesures de confinement, il était […] devenu quasiment impossible d’obtenir un rendez-vous pour déposer une demande d’admission exceptionnelle au séjour dans des départements de région parisienne ». Et « les données collectées par le robot de la Cimade – qui consulte toutes les heures les rendez-vous disponibles pour chaque préfecture – permettent une confirmation statistique de ces multiples remontées de terrain » (voir ici les statistiques de La Cimade).
Pour le Défenseur, les causes de blocage sont « multifactorielles » : saturation du dispositif, problèmes techniques, difficultés liées à l’inégale maîtrise des usagers et usagères des outils informatiques ou de la langue française… Autant de difficultés dont la portée « serait considérablement moindre si, comme le recommande de longue date le Défenseur des droits, une procédure alternative était systématiquement proposée ».
Dans ce contexte saturé, la crise sanitaire est venue « durablement amplifier » les difficultés. Rappelant que les mesures prises par le Gouvernement en matière de droit au séjour ont oublié nombre de personnes étrangères, « le Défenseur des droits constate avec regret que, depuis le début de cette crise, le cas des étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire mais remplissant les conditions pour bénéficier d’une régularisation – de plein droit ou dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour – n’a fait l’objet d’aucune attention particulière ».
Dressant le bilan de l’application, sur les territoires, des préconisations du ministère de l’intérieur en temps de déconfinement (dépôt de demandes uniquement sur rendez-vous, reprise progressive de l’accueil physique à compter du 15 juin, réception prioritaire des personnes dont le titre expire à compter du 16 juin), le Défenseur constate des pratiques hétérogènes, préjudiciables aux droits des personnes étrangères : « plusieurs préfectures ou sous-préfectures ont d’ores-et-déjà annoncé que les dépôts des premières demandes de titres de séjour ne reprendraient pas le 15 juin, sauf exception ».
Et la réponse administrative à la crise sanitaire fait la part belle à la dématérialisation, au risque de rendre plus inaccessible que jamais les services préfectoraux aux personnes les plus précaires ou aux personnes considérées comme non prioritaires.
Malgré un cadre « formellement protecteur », en pratique le Défenseur des droits relève que la dématérialisation de l’accès aux préfectures est « source de discriminations et d’atteintes aux droits ». Ainsi, « une personne qui sollicite son admission au séjour, quand bien même s’agirait-il d’admission exceptionnelle, est un usager du service public envers lequel la préfecture se doit de respecter les principes d’adaptabilité, de continuité et d’égalité devant le service public ». Faire l’inverse est potentiellement constitutif d’un traitement discriminatoire envers des personnes qui « se trouvent dans des situations économiques particulièrement précaires ».
Légalement, les procédures dématérialisées ne devraient jamais s’imposer aux usager·e·s. Le Défenseur des droits demande donc une nouvelle fois au ministre de l’intérieur de s’assurer que « que plusieurs modalités d’accès effectif aux services publics soient systématiquement garanties afin qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée ». En outre, il est demandé de veiller à offrir un nombre suffisant de créneaux de rendez-vous dans des délais ne dépassant pas deux mois.
Au total, dix-neuf recommandations relatives à la dématérialisation et à l’accès aux préfectures dans le contexte de la crise sanitaire actuelle concluent cette décision. Elles portent autant sur les droits des usagers et usagères, que sur les aspects organisationnels, techniques et matériels, liés à la dématérialisation. Et surtout, « dans les préfectures où la saturation des guichets était déjà notoire avant la crise sanitaire, le Défenseur des droits considère que la reprise progressive de l’enregistrement des demandes de titres de séjour doit nécessairement s’accompagner d’une dotation de moyens supplémentaires ».
Le ministre de l’intérieur dispose d’un délai de trois mois pour rendre compte des suites données aux recommandations.
La Cimade salue cette importante décision et réitère ses demandes pour enfin débloquer la machine administrative pour les personnes étrangères, et mettre fin à la dématérialisation imposée des démarches administratives.
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