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En novembre 2024, quarante ans après l'ouverture des premiers centres de rétention ...
Les statistiques de l’application du règlement Dublin en France en 2015 ont montré le peu d’inclination des préfets à effectuer les transferts (525 en 2015 sur près de 12 000 saisines). L’augmentation de personnes concernées (jusqu’à 75 % des demandeurs d’asile à Calais) a conduit le ministre à prendre une […]
Les statistiques de l’application du règlement Dublin en France en 2015 ont montré le peu d’inclination des préfets à effectuer les transferts (525 en 2015 sur près de 12 000 saisines). L’augmentation de personnes concernées (jusqu’à 75 % des demandeurs d’asile à Calais) a conduit le ministre à prendre une instruction le 19 juillet 2016 demandant aux préfets de mettre en œuvre avec plus de zèle cette procédure.
Les demandeurs d’asile Dublinés sont devenus une large composante de la demande d’asile en France. Selon les statistiques fournies par le ministère de l’intérieur , 17 529 attestations procédure Dublin ont été délivrées pendant le 11 premiers mois de 2016 soit 24.8 % des demandes d’asile (26.9% pour la métropole où le règlement s’applique), chiffre inouï, avec un brusque hausse à partir du mois de juin. En novembre, un tiers des demandeurs enregistrés sont des Dublinés.
Selon le ministère de l’intérieur, au cours des 10 premiers mois de 2016, 43 % des demandeurs d’asile seraient « dublinables » (en raison d’un relevé EURODAC) contre 25% en 2015.
Selon des données fournies par le ministère 11 698 saisines ont été faites pendant les 7 premiers mois de 2016 (soit plus que pour toute l’année 2015), 605 transferts ont été réalisés et 994 prolongations ont été faites . L’Italie est devenue de loin le premier pays de transfert devant l’Allemagne.
Par l’instruction du 19 juillet 2016 , Bernard Cazeneuve a demandé aux préfets d’appliquer de manière systématique le règlement et d’augmenter significativement les transferts effectifs. Cette instruction n’a pas été publiée, ni mise en ligne et n’a été communiquée à la Cimade que par ce qu’elle a été contestée devant le Conseil d’Etat.
L’instruction demande aux préfets de procéder systématiquement à une détermination de l’Etat responsable et à l’entretien individuel prévu par l’article 5 du règlement puisqu’il fournit des éléments essentiels permettant de mieux déterminer l’État membre responsable. S’il rappelle que les critères familiaux sont prioritaires, c’est pour rechercher des membres de famille dans un autre Etat-membre. Il ajoute que l’interprétariat est financé par l’OFII (ce qui n’était pas le cas auparavant). Cette précaution provient également des premières décisions des juridictions qui ont annulé des décisions de transferts en raison de l’absence d’entretien individuel et d’interprète.
Ensuite, le ministre demande plus d’efficacité dans l’exécution des décisions de transferts et dans le signalement des fuites. Il incite donc les préfets à utiliser les dispositions nouvelles de l’article L. 742-2 du CESEDA permettant d’assigner à résidence les Dublinés pendant la procédure de détermination. Ces dispositions sont encore rarement appliquées sauf en Vendée et dans le Val d’Oise (pour des Afghans logés dans le dispositif migrants Ile de France) car elles supposent que les personnes soient hébergées (ce qui est loin d’être le cas pour les Dublinés). Elle rappelle qu’au premier novembre, le juge des libertés et de la détention (JLD) pourra être saisi par le préfet pour procéder à une visite domiciliaire et amener le demandeur à la préfecture pour lui notifier une décision de transfert. Après la notification de la décision de transfert (qui est la seule mesure qui peut être prononcée contrairement à ce que pense certains préfets qui notifient des décisions de réadmission) , une assignation à résidence peut également être prononcée pour s’assurer de la présence de la personne.
Si elle ne se présente pas à un des pointages prévus (jusqu’à une fois par jour), l’instruction estime qu’elle pourra être considérée en fuite et il est demandé aux préfets de la signaler immédiatement à l’OFII pour que soient suspendues les conditions matérielles d’accueil (mais l’instruction oublie que cela doit être fait après une procédure contradictoire comme l’exige l’article L. 744-8 du CESEDA).
Le ministère de l’intérieur a lancé, le 26 septembre un appel d’offres pour la création de 5 351 places PRAHDA (programme régional d’accompagnement et d’hébergement des demandeurs d’asile) qui sont des places d’hébergement d’urgence dédié aux demandeurs d’asile (HUDA), gérées par l’OFII. Les prestataires s’engagent à accueillir des personnes ayant enregistré une demande d’asile mais également des personnes ayant manifesté l’intention de le faire. Le prestataire doit prévoir d’y loger des Dublinés qui pourraient y être assignés à résidence pendant et après la détermination et signaler tout manquement à l’obligation de pointage. L’idée défendue par le rapport Létard Touraine de centres semi-ouverts destinés aux Dublinés, se concrétise peu à peu. Dans le futur schéma régional d’accueil en Ile de France, 50 places seraient créées dans chaque département à cette fin.
Les opérations de démantèlement des campements à Calais et à Paris ont conduit à l’évacuation de plus de 8 000 personnes adultes dans des centres d’accueil et d’orientation (CAO) dans toute la France. Parmi eux, la moitié d’entre elles sont des Dublinées. Par une note du 7 décembre 2015, le ministère de l’intérieur avait demandé aux préfets de ne pas prendre de mesures de coercition (assignation à résidence) vis à vis d’elles qui provenaient de Calais tant qu’elle y résidaient. Mais cela ne voulait pas dire que les préfets ne notifient pas des décisions de transfert et éventuellement en cas d’absence à plusieurs convocations, de prolonger le délai de transfert pour fuite, ni qu’elles ne soient pas transférées vers un hébergement dédié aux demandeurs d’asile (HUDA et centres accueil temporaire service asile -ATSA-) où elles peuvent être assignées, voire placées en rétention. Ainsi le 5 décembre 2016 le préfet de Vendée a décidé de notifier une décision d’assignation à résidence de deux personnes dans un lieu d’accueil de nuit, distant de 850 mètres du centre d’accueil et d’orientation où elles étaient hébergées depuis avril.
Le 22 février 2017, le ministère de l’intérieur a demandé aux préfets de mettre fin à ces procédures pour les personnes en provenance de Calais . Mais cette mesure n’est valable que pour les personnes provenant du Calaisis ou du Dunkerquois. Elle ne l’est pas pour les personnes en provenance des campements parisiens. Au mois d’octobre 2016, le préfet du Loir-et-Cher a assigné à résidence quatre personnes arrivées en juin de Paris à l’intérieur du CAO avant de les placer en rétention (elles ont réintégré leur centre après leur libération).
L’instruction du 19 juillet évoque longuement la situation de personnes qui sont placées en rétention et qui y demandent asile ou dont les empreintes sont retrouvées dans la base de données EURODAC (rapprochement positif catégorie 3/ catégorie 1 ; 1 588 signalements de ce type entre le 20 juillet et décembre 2015)
L’instruction précise dans le cas où le retenu demande l’asile, de ne pas le laisser saisir l’OFPRA d’une demande d’asile (le formulaire qui doit être remis par le maintenu dans un délai de cinq jours étant retenu par le chef de centre) et dans les deux cas, de saisir les autorités responsables d’une demande de reprise en charge dans des délais réduits. En cas d’accord, une décision de transfert est notifiée et une décision de maintien en rétention est prise sur le fondement de l’article L. 551-1 du CESEDA (avec un nouveau recours suspensif dans le délai de quarante-huit heures).
Mais il y a un hic. La loi n’a pas prévu ces hypothèses. Si le retenu demande asile, le préfet ne peut le maintenir en rétention (la décision de placement en rétention n’étant plus applicable en application de la jurisprudence de la CJUE, Arslan) que si sa demande n’est formulée que pour faire obstacle à la mesure d’éloignement et l’étranger doit pouvoir saisir l’OFPRA en procédure accélérée (seules les personnes placées en rétention sur la base d’une décision de transfert déjà prise ne peuvent le faire) quand bien même le préfet requiert la prise en charge. Pour les personnes ne sollicitant pas l’asile, on arrive à une aporie, parce qu’étant demandeur d’asile dans un autre Etat-membre, seule une rétention asile est possible à leur encontre et cette hypothèse n’est pas prévue par la loi pour la rétention (elle l’est pour la zone d’attente). Au surplus, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé dans son arrêt du 15 mars 2017 que la loi devait prévoir une définition du risque de fuite.
La Cimade a formulé un recours contre l’instruction du 19 juillet 2016 qui est en cours d’examen par le Conseil d’Etat.
La mise en place d’un recours suspensif contre les décisions de transfert pose des questions cornéliennes au demandeur d’asile et aux associations.
Depuis novembre 2015, les décisions de transfert (qui sont les seules décisions qu’un préfet peut prendre) peuvent faire l’objet d’un recours dans un délai de quinze jours (ramené à 48 heures si la personne est placée en rétention ou assignée à résidence). Le juge administratif unique statue alors dans un délai de quinze jours (72 heures si rétention ou assignation). (Article L.742-4 et suivant CESEDA)
Mais il y a un hic : si le recours est exercé contre la décision de transfert, le délai de transfert de six mois est interrompu. Il ne démarre qu’à la date de la notification de la décision définitive rejetant le recours. (article 29 du règlement et CJUE, 29 janvier 2009, Petrosian,C-19/08)
Si le tribunal administratif rejette le recours, le délai de six mois court à compter du jugement (qui se fait immédiatement en cas de procédures en 72h) . Quand un préfet notifie la décision de réadmission cinq mois après l’accord explicite ou implicite de l’État membre, cela veut dire que le délai de transfert peut être doublé, sans compter l’éventuelle prolongation pour fuite (18 mois au total)
Si le TA annule la décision préfectorale, la loi prévoit un réexamen par le préfet et la jurisprudence prévoit deux hypothèses :
* S’il s’agit d’une annulation sur le fond, la procédure s’arrête et la personne est admise à accéder à la procédure OFPRA. Si elle a été transférée, elle peut revenir en France.
* S’il s’agit d’une annulation en raison d’un vice de forme, le préfet peut dans le délai de transfert (s’il court toujours), reprendre une nouvelle décision en purgeant ce vice (notamment s’il n’a pas correctement informé le demandeur). Il peut également faire appel.
La jurisprudence du Conseil d’Etat tout en rappelant que l’appel n’est pas suspensif prévoit cependant que si le jugement du TA (annulant la décision de transfert) est annulé par la cour administrative d’appel, saisie par le préfet, le délai court à compter de la notification de l’arrêt de la cour (cf. CE, référés, 4 mars 2015, 388180).
Si le préfet ne fait pas appel d’un jugement annulant la décision de transfert : le délai n’est pas prolongé contrairement à ce que pensent certaines préfectures.
Le délai de transfert peut être prolongé pour douze mois supplémentaires (soit dix-huit mois) si la personne a pris la fuite.
Cette notion n’est pas explicitée par le règlement mais la jurisprudence du Conseil d’Etat en a donné une définition : la soustraction systématique et intentionnelle à la mesure de transfert (cf. CE,référés, 18 octobre 2006, 298101 )
La jurisprudence a évolué avec le temps. Dans cette décision d’octobre 2006, le Conseil d’Etat a jugé que l’absence à une convocation, si elle était un indice, ne permettait pas de considérer la personne en fuite. En revanche l’absence à trois convocations était un élément pour la caractériser(CE, référés, 17 juillet 2007, N°307401). En 2010, une évolution est intervenue si la convocation mentionne explicitement la volonté d’exécuter la mesure et que la personne ne s’y rend pas deux fois ou s’y présente sans ses enfants la fuite est caractérisée (CE, référés, 31 décembre 2009, N° 335107 et CE, référés, 19 novembre 2010, N°344372, mentionnée).
Cependant la non présentation à une convocation à 500 km du domicilie ne constitue pas une fuite (cf. CE, référés, 11 octobre 2011, 353002), ni l’absence à une convocation si le préfet sait où se trouve la personne qui s’est manifestée de nouveau auprès de lui (cf. CE, référés, 12 aout 2011, N° 351516)
L’article 9-2 du règlement 1560/2003 prévoit que le préfet doit informer avant l’expiration du délai normal de transfert, de la fuite du requérant (cf. CE, référés, 24 décembre 2010, n°345107). En revanche, le préfet n’est pas tenu de prendre une décision de prolongation mais seulement d’informer le demandeur de la prolongation des effets de la décision de réadmission (cf. CE, 21 octobre 2015, 391375).
L’augmentation du nombre de Dublinés et les instructions du ministre incitant les préfets à systématiser l’assignation à résidence en prolongeant les délais de transfert dès la moindre absence à une convocation au commissariat ou à la préfecture vont donc conduire à de nombreuses personnes à être dans une situation précaire pendant de longs mois. On est loin de l’objectif premier du système Dublin qui est l’examen rapide des demandes d’asile.
Auteur: Responsable national Asile
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