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Enregistrement des demandes d’asile : le Conseil d’Etat enjoint au ministre de l’intérieur de respecter le délai en Ile de France.

3 janvier 2022

Par une décision la Cimade N°447339  du 30 juillet 2021, le Conseil d’Etat a fixé une astreinte de 500€ par jour de retard si le ministre de l’intérieur n’a pas pris les mesures nécessaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification pour le plein respect du […]

Par une décision la Cimade N°447339  du 30 juillet 2021, le Conseil d’Etat a fixé une astreinte de 500€ par jour de retard si le ministre de l’intérieur n’a pas pris les mesures nécessaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification pour le plein respect du délai d’enregistrement des demandes d’asile.

En juillet 2020, la Cimade  a demandé l’exécution de la décision qu’elle avait obtenue le 31 juillet 2019 qui donnait  déjà six mois au ministère de l’intérieur pour prendre  les mesures nécessaires au respect du délai d’enregistrement des demandes d’asile que le droit européen et national a fixé à trois jours ouvrés après la présentation de la demande d’asile et que le Conseil d’Etat a considéré comme un objectif de résultat.

Après le confinement,  les délais qui avaient été réduits sont repartis à la hausse et c’est la raison pour laquelle la Cimade avait sollicité l’exécution de la décision en juillet 2020. D’abord examinée par la section des rapports et des études, cette demande a été transmise à la section du contentieux, car elle considérait que le délai n’était toujours pas respecté partout en France.

Après une séance orale d’instruction où les différentes parties ont été entendues, le 29 mars 2021 et une audience le 12 juillet 2021  le Conseil d’Etat considère que « le ministre de l’intérieur n’a pas produit les éléments permettant d’établir qu’en moyenne un délai de dix jours est respecté entre la présentation et l’enregistrement des demandes d’asile en Île-de- France » et  que l’obligation de résultat à laquelle l’Etat est soumis en matière d’enregistrement des demandes d’asile serait, s’agissant de l’Île-de-France, satisfaite. Eu égard au délai écoulé depuis l’intervention de la décision dont l’exécution est demandée et à l’importance qui s’attache au respect effectif des exigences découlant du droit de l’Union européenne, il y a lieu, dans les circonstances de l’affaire, de prononcer contre l’Etat, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète en Île-de- France dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 500 euros par jour de retard jusqu’à la date à laquelle la décision du 31 juillet 2019 aura reçu une complète exécution. »

Une situation contrastée

La question du délai d’enregistrement des demandes est un problème ancien. Sans revenir vingt ans en arrière, où la préfecture de police pouvait convoquer les intéressés onze mois après leur première présentation, les services des préfectures ont été régulièrement dans l’impossibilité de respecter les délais prévus réglementairement (quinze jours à compter de 2004). Ainsi la France a été condamnée en juillet 2020 par la CEDH pour avoir laissé un demandeur d’asile afghan dans des limbes juridiques et dans la rue pendant trois mois en 2013.

L’introduction d’un délai légal de trois jours ouvrés et la mise en place d’une présentation de la demande auprès d’une structure de premier accueil avec une convocation dans ce délai  devait permettre de résoudre ce problème. Mais l’augmentation des demandes d’asile à partir de 2016 a contrarié cette intention. Début 2017, le délai moyen constaté en France métropolitaine était de 26 jours ouvrés. La Cimade a alors demandé au ministre de prendre les mesures nécessaires pour respecter le délai .En l’absence de réponse satisfaisante à cette demande, elle a saisi le Conseil d’Etat en référé et au fond. Dans sa  décision du 31 juillet 2019 , le Conseil d’Etat a constaté que le délai de dix jours ouvrés n’était pas uniformément respecté, notamment en Ile-de-France,  a annulé le refus du ministre et lui a enjoint de prendre les mesures nécessaires dans un délai de six mois.

Le ministre a pris des mesures d’ajustement notamment à Nantes, à Caen , à Marseille ou à Nice où le délai dépassait deux mois mais n’a pas modifié le système de plateforme téléphonique en Ile-de France dont les résultats iréniques dissimulent mal les difficultés à la joindre.

Le confinement du printemps 2020 a conduit à la fermeture de presque tous les guichets uniques des demandeurs d’asile et à des délais extraordinaires pour les quelques lieux ouverts.  Ils ont repris leur activité progressivement en mai juin avec un nombre de rendez vous disponibles réduit de moitié. Ce nombre a progressivement augmenté mais en mars 2021, il reste inférieur à celui constaté en 2019.

Du fait de la fermeture des frontières et peut-être des capacités réduites des préfectures, le nombre de demandes enregistrées a baissé de 40%. Cette baisse n’est pas identique selon les régions : elle est supérieure à 50% dans les régions de l’Est, de l’Ouest et du Sud de la France alors qu’elle n’est que de 25% à 30% dans le Bassin Parisien.

Parodoxalement, ce sont dans les régions connaissant l’évolution la plus baissière où le délai moyen d’enregistrement a été plus élevé. Ainsi le délai moyen dans le Rhône a été de quinze jours alors que la demande y a baissé de 55%.

 

En Ile de France, une plateforme téléphonique au fonctionnement contesté.

Les données que fournit le ministère de l’intérieur ne prennent pas en compte pour l’Ile-de-France, les délais pour joindre la plateforme téléphonique de l’OFII, qui , depuis mai 2018, est le passage obligé de tout demandeur d’asile en Ile-de-France.

Dans le cadre d’un contentieux , l’OFII a dû concéder de fournir des données relatives aux appels reçus par la plateforme pour le premier trimestre 2021. En moyenne, 70 000 appels sont reçus chaque mois par la plateforme  (dont 57 000 éligibles) de 11 679 numéros différents et 8 335 sont traités par la plateforme et 4 800 obtiennent un rendez-vous.  Le taux de décroché est donc de 14,5% et les rendez vous donnés représentent 6,8% des appels reçus. Le délai moyen pour joindre la plateforme est donc de quinze jours et les rendez-vous donnés ne correspondent qu’à 41% du « stock  » d’appelants.

Le paradoxe est que le ministère de l’intérieur constate que le nombre d’enregistrements réalisés par les huit GUDA d’Ile-de-France ne représentent que 63% des rendez-vous donnés en janvier. S’il faut pondérer ce taux en indiquant que les demandes de mineurs et de réexamens ne sont pas comptabilisées dans les données du ministre, une part non négligeable des rendez-vous donnés n’aboutit pas à un enregistrement tandis que d’autres personnes n’arrivent pas à joindre la plateforme.

On arrive alors à une aporie : près de 60% des numéros appelants n’ont pas de réponse mais les GUDA n’arrivent pas à enregistrer le nombre prévu de personnes ! Le ministère  qui a préconisé la surréservation dans une circulaire de janvier 2018 , pourrait donner instruction au préfet de police de rehausser le nombre de rendez vous disponibles pour que l’OFII puisse satisfaire plus de personnes. Pourtant le nombre de rendezvous restent à un niveau de 261 en mois de mai (dont 10% de surréservation) et l’estime suffisant.

Autre surprise des données du ministère : on pensait la répartition des enregistrements entre les départements franciliens quasi immuable avec une tendance  modérée à orienter les demandeurs surnuméraires à Paris ou en Seine-Saint Denis vers les départements de la grande couronne. En réalité, cette tendance est forte puisque la préfecture de police n’a récupéré que 60% de ces capacités et que le GUDA de Bobigny a vu s’effondrer le nombre de reçus par jour (8 contre 27 en 2019) si bien que tous les autres départements de la région le devancent.

Ce blocage parait surprenant depuis la mise en place du schéma national d’accueil qui prévoit l’orientation de 1 600 personnes par mois vers d’autres régions. Les préfectures pourraient donc enregistrer davantage de demandes puisqu’elles n’auront pas à en assurer le suivi par la suite.

Ces quelques données montrent que le dispositif  de plateforme, mis en place en 2018, qui a eu son utilité pour résoudre les grandes difficultés devant les SPADA , doit être a minima revu pour mettre fin à des délais cachés et une plus grande transparence sur le nombre de demandes d’asile en Ile-de-France.

Des mesures prises après la décision

L’astreinte prononcée par le Conseil d’Etat en cas de non respect du délai le 1er novembre a visiblement eu un effet puisque par une note du 27 juillet 2021, le ministère de l’intérieur a demandé à l’OFII de traiter l’ensemble des appels éligibles puis en novembre  d’élargir les plages horaires pour appeler la plateforme.

Cette nouvelle modalité a des résultats spectaculaires puisque le nombre d’appels traités par la plateforme de l’OFII a connu une augmentation de 29% par rapport à janvier . En octobre 2021, il représentait 31,6% des appels éligibles contre à peine 8,3% en janvier 2021. L’OFII a distribué 4 338 rendez vous en janvier et en octobre 6 834 soit une augmentation de 50%! En conséquence, le rapport entre le nombre de numéros différents (qui par convention correspond à une personne) et le nombre de rendez-vous donnés a effectivement évolué favorablement puisque près de 74% des appelants ont obtenu un rendez vous. Le délai théorique de présentation à la plateforme est passé de 15,8 jours ouvrés à 3,2 jours ouvrés. Cette très nette amélioration s’explique par l’augmentation du nombre de rendez-vous dans les guichets uniques des demandeurs d’asile qui a augmenté de 34%, entre les mois de mai et de novembre.

DPT mai juin juillet aout septembre octobre novembre EVOLUTION NOV/MAI
75 78 81 84 84 100 120 120 53,8 %
77 25 25 25 27 29 33 33 32,0 %
78 30 30 30 30 32 32 32 6,7 %
91 23 24 24 24 26 24 24 4,3 %
92 24 26 26 26 29 29 29 20,8 %
93 15 20 20 20 28 30 30 100,0 %
94 24 30 30 30 31 30 30 25,0 %
95 25 26 25 25 27 27 30 20,0 %
IDF 244 262 264 266 302 325 328 34,4 %

Les rendez vous donnés par l’OFII correspondent aux capacités théoriques d’accueil des GUDA (99,3% en moyenne). Lorsqu’on les compare avec les données fournies par le ministère concernant les enregistrements des premières demandes (auxquelles il faut ajouter celles des demandes ultérieures puisqu’elles doivent être de nouveau enregistrées), on constate 80% des rendez-vous données ont donné lieu à un enregistrement, ce qui avait été déjà constaté dès 2018;

Lorsqu’on regarde la situation dans les huit GUDA de la région Ile-de-France pour le mois d’octobre 2021, on constate que le nombre d’enregistrements (réexamens compris) ne représente que 72% des capacités d’accueil des GUDA, avec de fortes disparités puisque les départements de Seine-et-Marne et des Yvelines connaissant un taux de non-présentation d’environ 39% tandis que le taux n’est que 17% dans le Val de Marne. Le nombre d’enregistrements a seulement augmenté de 16,2% entre juillet et octobre.

L’innovation réside dans la possibilité pour les agents de la plateforme de donner des rendez vous à la SPADA  une semaine après l’appel. Ce nombre a contribué à résorber le « stock » de personnes attendant leur enregistrement en Ile de France mais dans d’autres régions, le délai s’allonge. Ainsi un demandeur d’asile dans le Finistère doit attendre 28 jours pour enregistrer sa demande sans que le juge des référés du tribunal de Rennes y voit une atteinte manifestement illégale.

En outre le tribunal administratif de Paris a rejeté le 21 décembre pour irrecevabilité le recours formé contre la création de la plateforme estimant que la décision ayant une publicité suffisante , le délai de recours était expiré.  En revanche il a demandé au préfet de police de produire les directives régionales d’orientation qui fixent les contingents de rendez vous pour l’ensemble de la région.

 

Auteur: Responsable national Asile

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