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Le Schéma national d’accueil re publié

20 avril 2020

Le ministère de l’intérieur a publié un nouveau schéma national d’accueil qui entre en vigueur en janvier 2021. Explications de son principe et de ses enjeux.

Le ministère de l’intérieur a publié  le schéma national d’accueil  2021 -2023, attendu depuis plus de cinq ans.

Qu’est-ce que le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile ?

Le schéma national d’accueil a été créé par la loi du 29 juillet 2015 et est prévu par l’article L. 744-2 du CESEDA. La loi prévoyait  alors  qu’il fixe la répartition régionale du nombre de places d’hébergement. Un arrêté du 21 décembre 2015 a été pris pour deux ans et fixé un objectif de plus de 60 000 places dont les deux tiers seraient constituées de places CADA.

Après ce premier schéma, le ministère de l’intérieur n’en a pas pris de nouveau, préférant prévoir la répartition de plus de 8 000  nouvelles places par des instructions du 4 décembre 2017 puis du 31 décembre 2018., le Conseil d’Etat considérant que ces textes faisaient office de schéma.  Contrairement au premier schéma, les places dites d’hébergement d’urgence, regroupant les dispositifs  HUDA, PRAHDA, CAO, CHUM et CAES qui ont été successivement été créés pour faire face à des besoins urgents ont été privilégiées. Les préfets de régions ont pris des schémas régionaux.

Un nouveau rôle pour le schéma national

La loi du 10 septembre 2018 a assigné un nouveau rôle au schéma : en plus de la répartition des places d’hébergement, le nouveau schéma doit fixer la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région. Le terme accueilli a été préféré à celui d’hébergé car il a été envisagé d’envoyer des personnes sans leur proposer un hébergement.Deuxième innovation, la loi prévoit que : « II. – Lorsque la part des demandeurs d’asile résidant dans une région excède la part fixée pour cette région par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et les capacités d’accueil de cette région, le demandeur d’asile peut être orienté vers une autre région, où il est tenu de résider le temps de l’examen de sa demande d’asile.  »
Ce système de répartition est inspiré du système allemand qui, dès l’enregistrement de la demande, oriente la personne vers un lieu d’hébergement et un district qu’elle ne peut quitter sans autorisation. Si elle le fait, elle peut perdre le bénéfice des conditions d’accueil.

Quelle est la situation actuelle ?

Fin 2020, on pouvait estimer que  171 000 demandes d’asile sont pendantes en France dont 85 000 à l’OFPRA, environ 40 000 à la CNDA et environ 46 000 Dubliné·e·s dont une bonne part considérée·s en fuite.

Depuis plus de trente ans, la région Ile-de-France est la région où la plus grande part des demandes d’asile sont enregistrées.  En 2000, la moitié des demandes l’avaient été dans le seul départements de Paris. La création de places d’hébergement dans les autres régions a contribué à diminuer légèrement cette part et les préfets de la région ont  enregistré  45,4% des premières demandes en métropole en 2019 mais un peu plus en 2020.
La région est structurellement et volontairement sous-équipée pour les capacités d’hébergement dédié. Résultat seuls 20% des demandeurs sont hébergés et la région concentre 55% des domiciliations dans les SPADA mais seulement 20% des places.  A peine 0, 2% des 21 000 personnes domiciliées à la SPADA de France terre d’asile à Paris ont été orientées vers le dispositif national d’accueil en 2019.

 

Orientations régionales directives. 

Depuis 2008, par circulaires successives, le ministère a fixé à 30% la part des places du dispositif national réservées à des admissions « nationales » (décidées par la direction centrale de l’asile de l’OFII  et le ministère) par opposition aux places locales (où les admissions sont décidées par les directions territoriales de l’OFII).  Les admissions » nationales » ont profité principalement à des personnes qui ont demandé l’asile en Ile-de-France ou dans les Hauts de France (notamment à Calais) et plus marginalement dans d’autres régions, comme le Grand-Est ou Auvergne-Rhône-Alpes. Dans le traitement automatisé de l’OFII DNA-NG, les deux dispositifs étaient cloisonnés, les directions territoriales de l’OFII ne pouvant orienter une personne dans un lieu d’hébergement dit national dans leur région, sans l’aval de la direction centrale de l’OFII. Lors du confinement, ce cloisonnement a été supprimé et les places vacantes dans le dispositif national  (parfois pendant plusieurs semaines, ce que l’on appelle la ‘vacance frictionnelle ») ont été plus rapidement attribuées et ont permis un taux d’occupation record (officiellement de 98% mais en réalité de 93%).

Le schéma national supprime les admissions « nationales » (et le dispositif géré directement par le préfet de Région Ile-de-France pour évacuer les campements) pour confier la gestion de  l’ensemble du parc régional  aux directions territoriales  de l’OFII. En échange,  un clé de répartition va être fixée et chaque jour ouvré, au moment de l’enregistrement de la demande en GUDA, l’OFII déterminera si la part de la région est respectée et orientera les personnes dans une autre région, choisie de façon aléatoire, si elle est dépassée, sauf vulnérabilité empêchant ce transfert. Les personnes sont alors orientées vers le dispositif des CAES (3 000 places qui vont être augmentées  de 1 500 places supplémentaires en 2021) où elles resteront un mois, le temps pour l’OFII de rechercher une place plus pérenne dans la région, notamment dans les 3 000 places CADA créées à partir du 15 mars 2021.

 

Quelle est la clé de répartition?

Le ministère a prévu des critères fixés par décret qui sont la part régionale dans les hébergements, le PIB par habitant ou le taux régional  de chômage..La région Ile de France qui est considérée comme la seule excédentaire (ou déficitaire en capacités d’hébergement)  n’accueillerait plus que 23% des demandeurs contre 43% en 2019, la région AURA ou Grand Est 13%.

Le ministère a annoncé que ces orientations seront toutes accompagnées d’un hébergement, d’abord dans un CAES puis dans une autre structure. Sauf à diminuer les entrées « locales » , elle se feront donc dans les limites de l’ancien parc « national » (soit 33 000 places). Sachant que le nombre d’entrées dans une année correspond à environ deux tiers du nombre de places, cela induit  un maximum de 22 00 orientations par an, soit environ 1 800 personnes par mois. Le ministère indique que 1 000 orientations par mois  seront faites pendant le premier trimestre 2021, puis ce nombre sera progressivement augmenté pour atteindre 1 600 en juin 2021.

La réussite de l’opération dépend du nombre de demandes enregistrées dans l’année  : En 2020, le nombre de demandes enregistrées a spectaculairement chuté en raison de la fermeture des frontières 81 000 premières demandes en 2020 selon Eurostat contre 135 000 en 2019). Si, en 2021, le nombre de demandes enregistrées  est d »environ 100 000 (premières demandes, mineurs compris), environ 15 000 personnes seront réorientées de l’Ile-de-France vers d’autres régions, ce qui est compatible avec l’ancien parc des « admissions nationales »mais ne fera baisser la part de l’Ile de France que de 15 points.

Dans certaines régions comme la Provence, le taux d’admission dans le DNA est relativement faible (33 à 40% selon le mode de calcul)   et il y aurait une « concurrence  » pour l’accès à l’hébergement entre les personnes arrivées directement dans la région et celles orientées au niveau national. De même, l’orientation ne concernera que les nouvelles personnes enregistrées.  Les personnes qui ont déjà une demande en cours en Ile de France et qui attendent parfois depuis des années, une solution d’hébergement, ne bénéficieront pas de ce dispositif. C’est le cas en particulier des Dubliné·e·s qui ont un accès très faible au dispositif national d’accueil (14% fin 2019), même si leur demande est désormais instruite par l’OFPRA (les requalifié·e·s dont on peut estimer qu’ils ou elles représentent  37% des premières demandes introduites à l’OFPRA).

Pas de réforme de l’accès à la procédure en Ile-de-France

Avec ce dispositif, le ministère n’entend pas mettre fin au dispositif mis en place en 2018 pour l’accès à la procédure en Ile-de-France avec l’appel « obligatoire » à la plateforme téléphonique de l’OFII . Pourtant ce sont les quotas des préfectures (autour de 200-230 rendez vous par jour ouvré), décidés pour éviter de gérer un trop grand nombre de demandeurs qui rendent critique la situation. Avec les orientations régionales, ce nombre devrait pourtant diminuer et les préfectures pourraient alors ouvrir plus de plages horaires pour enregistrer les demandes en attente parfois, depuis plus de deux mois, et permettre à la plateforme téléphonique (si elle est maintenue) d’ouvrir un peu plus longtemps (selon les propres statistiques de l’OFII, deux heures en moyenne)

Quid des mesures de restriction de circulation?

Reste une question : comment sera appliquée la mesure de la loi qui astreint les personnes à résider dans la région déterminée et à demander l’autorisation d’en sortir à l’OFII, sous peine de se voir privée du bénéfice des conditions d’accueil ?.L’OFII s’est montré évasif et a proposé de  dresser une liste de déplacementss autorisés. Appliqué trop strictement, ce dispositif de cantonnement pourrait conduire des personnes à perdre le bénéfice des conditions d’accueil, certes après un examen particulier et avec la possibilité de demander le rétablissement pour avoir enfreint la règle et, faute de solution dans la région, se joindre aux nombreuses personnes qui font déjà l’objet d’un refus de ces conditions (notamment pour avoir « pris la fuite » dans le cadre de la procédure Dublin) dans des campements d’Ile-de-France ou d’ailleurs. En apparence, le dispositif retrouvera une grande fluidité (objectif fixé par le ministère) mais au prix d’un dénuement extrême des « fugitifs », pourtant prohibé par le droit européen.

 

Un arrêté corrigé

Si la logique du dispositif a été clairement explicitée par le document de présentation, la loi prévoit un arrêté publié au journal officiel pour le faire entrer en vigueur. Publié le 10 janvier cet arrêté du 7 janvier 2021, s’il a bien fixé la répartition des places d’hébergement (mais seulement pour une année), a remplacé la part de chaque région des demandeurs accueillis par celle des personnes réorientées (qui est l’étape suivante et qui est de la compétence de l’OFII). Résultat, aucune région n’est « excédentaire » puisque leur part n’a pas été fixée. Sans doute parce que le ministère s’est rendu compte de son erreur et parce qu’un recours de la Cimade et quatre autres organisations avait soulevé ce moyen, l’arrêté  a été repris et remplacé par celui du 7 avril 2021 qui fixe à son article 2 la part des demandeurs d’asile astreints à résider dans une région. Il n’y a pas de modification de l’article 1er et des capacités d’accueil.

Un premier bilan

Le ministère et l’OFII ont communiqué des premières données relatives aux orientations aux trois premiers trimestres de 2021 . Pour environ 85 000  premières demandes enregistrées, 48 000 l’ont été en Ile de France soit 56%  Parmi elles 15 962  se sont vues proposer une orientation par l’OFII. 15% ont refusé d’emblée cette orientation et se sont vues refuser immédiatement le bénéfice des conditions matérielles d’accueil. 12% ont accepté l’offre mais ne se sont pas rendues dans le CAES soit un total de 4 310 personnes à qui l’OFII a refusé ou va retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil  et sont également interdites d’admission dans un CHRS mais devrait pouvoir se domicilier dans la SPADA de départ et non dans la région d’orientation, comme initialement prévu. Il reste  11 652 personnes qui ont été hébergées puis orientées vers un lieu plus stable dans un délai de 16 jours   . La part de l’Ile de France après l’orientation passe de 56% à 35%.

Et l’outremer?

Le schéma ne prévoit pas de fixer un nombre de places d’hébergement  pour les cinq départements d’outre-mer, alors qu’ils représentent près de 8% des demandes d’asile et que le dispositif d’accueil y était quasi inexistant (à peine 700 places d’hébergement et une allocation rabotée en Guyane, inexistante à Mayotte). Pourtant, la directive européenne et la loi devraient s’y appliquer comme en métropole et la situation en Guyane comme à Mayotte  y est très dégradée. Le Conseil d’Etat dans une décision du 12 mars 2021 a spectaculairement enjoint au ministre de changer la donne et c’est l’un des arguments développés par la requête interassociative.

Le ministère  avait annoncé en décembre la création d’un groupe de travail sur ce sujet en  janvier reporté en mai juin 2021  qui s’est vidéo-réunie à deux reprises pour faire un état de lieux. Si en Amérique, La Croix Rouge est désormais officiellement opératrice des SPADA des trois départements, en revanche dans l’Océan Indien, Solidarité Mayotte est encore régi par une convention avec le préfet.  Mais déjà des créations importantes de places ont eu lieu ( le dispositif compte désormais 765 en Guyane, 30 en Martinique, 6 en Guadeloupe, 175 à la Réunion et 195 à Mayotte, soit 135 de plus que l’an dernier dans ce seul département). L’OFII qui est absent de l’archipel mahorais  ouvre  une délégation territorial.  la loi de finances 2022 prévoit que 3,1 millions d’euros seront consacrés à fournir une aide matérielle aux demandeurs à Mayotte et 900 places d’hébergement seraient créées à la mi 2022 dans ces départements (sur 4 900)

Un schéma contesté

Le schéma a été contesté devant le Conseil d’Etat par plusieurs organisations membres du collectif MOM en particulier concernant la situation en outre-mer. Lors d’une audience le 1er décembre 2021, ce recours sera examiné et il est possible que le ministre soit enjoint à inclure les départements d’outremer dans la répartition des places d’hébergement.

 

 

 

 

 

 


 

 

Auteur: Responsable national Asile

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