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Devons-nous devenir méchant·e·s avec les méchant·e·s ?

Devons-nous devenir méchant·e·s avec les méchant·e·s ?

Dans son interview au Monde, le ministre de l’Intérieur a cette formule lapidaire : « Si je devais résumer, je dirais qu’on doit désormais être méchants avec les méchants et gentils avec les gentils ».

Sans doute anecdotique, elle laisse quand même entendre que ce n’était pas le cas jusqu’à présent, alors que toutes les lois relatives à l’immigration ont veillé à prévoir des mesures répressives, ou à renforcer des mesures déjà existantes. Ces effets d’annonce renforcent la stigmatisation toujours plus grande à l’égard de ces « ennemi·e·s commodes » que les gouvernements successifs se choisissent afin d’apporter une réponse hâtive collant au plus près du contexte social ou même médiatique. Pourtant, la réalité est toute autre, et cette affirmation est fausse pour au moins deux raisons :

  • L’incarcération constitue un obstacle trop souvent insurmontable pour enregistrer une demande d’asile, déposer une demande de titre de séjour ou pour contester une mesure d’expulsion. L’accès aux aménagements de peine est négligeable, et la sortie sèche de prison reste donc la norme, de plus en plus souvent synonyme d’un nouvel enfermement en centre de rétention administrative. Ce parcours presque parallèle explique, en partie, la surincarcération des personnes étrangères. Aucune mesure contraignante n’existe aujourd’hui afin de permettre aux personnes étrangères détenues d’exercer leurs droits fondamentaux comme le droit d’asile, ce qui fait qu’elles sont déjà précarisées, invisibilisées, victimes de discriminations diverses et maintenues éloignées de leurs droits, comme le documentait La Cimade peu de temps avant les élections présidentielles. Dans ce contexte, laisser entendre que la France n’était pas « méchante » jusqu’à présent avec ces personnes témoigne au mieux d’une méconnaissance de la réalité, au pire d’une malhonnêteté intellectuelle. Le ministère de l’Intérieur est d’ailleurs bien placé pour le savoir, lui qui prend depuis plusieurs années des instructions visant à stigmatiser les personnes étrangères détenues.
  • Opérer un tri au regard du degré d’indésirabilité des personnes constitue une sérieuse entorse aux principes directeurs de l’exécution des peines, parmi lesquels figure le retour à la vie libre. Cela revient à nier purement et simplement le principe du droit à la réinsertion d’une certaine catégorie de la population pénale, alors que toutes les personnes ont le droit à la réinsertion. Cette posture, dictée par les logiques de la politique migratoire, dénote une indifférence aux missions assurées par les agent·e·s du ministère de la Justice, et sabre le travail des différents personnels de « réinsertion ».

 

Sources :

GISTI, Immigration, un régime pénal d’exception, coll. « Penser l’immigration autrement, 2012 » ● La Cimade, Etranger·e·s en prison : Surveiller, punir et expulser, coll. Rapport d’observation, 2022

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