Ecoutez-moi, j’ai quelque chose à dire.
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Les 29e journées nationales prison auront lieu du 21 au 27 novembre 2022, autour du thème « Pauvreté dedans, pauvreté dehors ». Chaque année, à l’initiative de treize associations et aumôneries du monde prison-justice, des conférences, colloques, projections de films, expositions, ateliers de théâtre… ont lieu partout en France afin d’informer et de sensibiliser sur les conditions de détention et sur les réalités subies par les personnes détenues.
Si la prison fait irruption dans le paysage médiatique, c’est bien souvent sous l’angle du crime sanglant et/ou sordide, si ce n’est la « mésaventure » de quelque grosse fortune ou personnage politique dont les diverses protections n’ont pas pu empêcher la condamnation. Pourtant le quotidien de la prison est beaucoup moins flamboyant. Tous les jours entrent dans les établissements
pénitentiaires, des anti-héros, de modestes ombres dont le destin semble marqué par une mauvaise étoile, à qui la vie n’a pas trop tendu de perches et qui n’ont fait que dégringoler vers l’arrière du décor. Leur séjour à l’ombre va encore aggraver une situation qui n’était déjà pas florissante, rompant les maigres liens familiaux ou d’insertion qui pouvaient encore exister. 45% des personnes estimaient se sentir en situation de pauvreté avant leur incarcération, 70% estiment l’être au cours de leur détention.
C’est en premier lieu avoir des ressources insuffisantes pour faire face au coût de la vie en détention (estimé à 200€ par mois) mais également aux dépenses extérieures qui continuent de courir. Pour autant, nous souhaitons ne pas nous en tenir à une vision strictement monétaire de la pauvreté, mais à une vision globale, c’est-à-dire à la fois sociale, culturelle (connaissance de la langue, des outils numériques) en santé (psychique, somatique) et en relations sociales (famille, ami·e·s). Mais peut-être avant tout la pauvreté en confiance en soi, en manque de repères, de capacité à réguler ses émotions et à identifier des moyens pacifiques pour trouver sa place dans la société. Et puisque de nombreux et nombreuses pauvres entrent sans que de véritables solutions pour les aider à se réinsérer à la sortie ne soient mises en place, les prisons sont de plus en plus remplies. Du fait de cette surpopulation chronique, apparait ainsi une pauvreté qui n’était pas prévue au départ : celle d’être en permanence sous le regard des codétenu·e·s, une pauvreté autrement douloureuse, celle qui atteint la dignité et l’intimité. La promiscuité brouillant en outre la capacité de réflexion et de remise en cause de son comportement.
Partons du décalage entre ce que le service public pénitentiaire est sensé produire et ce qu’il produit effectivement. Les fonctions de punition et réinsertion classiquement assignées à l’appareil carcéral aboutissent plutôt à une fonction de neutralisation, à l’aiguillage de la personne – voire d’une catégorie d’individu·e·s – vers une voie de garage ; le trait commun aux membres de cette catégorie, c’est la pauvreté et l’exclusion ; la prison fonctionnerait comme une manière de gérer cette pauvreté à moindre coût. De facto, la prison aurait vécu (malgré elle ?) une mutation de sa fonction d’outil juridique en un outil politique. Elle serait devenue un « parking à pauvres ». La pente à l’entrée de ce parking est très glissante quand on est pauvre, et inversement très difficile à
remonter. Le résultat de l’exécution de la peine serait ainsi de couper du tissu social, au lieu de renouer. Ainsi l’emprisonnement aggrave-t-il des pauvretés qui, bien souvent, préexistaient à l’entrée en détention.
Dans la passivité carcérale, la personne perd une partie de son ressort, de sorte à ce que l’aggravation de la pauvreté en cours de détention obère en grande partie ses possibilités de réinsertion à la sortie. La circulaire parue cette année sur la lutte contre la pauvreté est un début de réponse, mais qui ne prend pas la question par le bon bout : l’enjeu n’est pas d’atténuer les effets néfastes de l’appauvrissement qui se produit de fait en détention ; il s’agit de quitter la vision infantilisante de l’assistanat qui réduit l’individu à sa situation socio-économique en omettant la recherche de ses capacités. Le GNCP souhaite s’engager davantage dans une dynamique de responsabilisation, de citoyenneté, d’auto-détermination des personnes. Très concrètement le fait qu’en maison d’arrêt, qui regroupe la majorité de la population pénale, seule une personne sur 5 accède à un emploi rémunéré et que celui–ci, à travail égal, est payé 4 à 5 fois moins qu’à l’extérieur, la possibilité de rembourser significativement les victimes s’en trouve lourdement obérée. Certain·e·s n’auront jamais assez d’une vie de travail pour pouvoir payer les amendes et dommages et intérêts auxquels ils et elles auront été condamné·e·s. Ainsi en aval de la prison, la pauvreté imprime encore sa marque, son stigmate. Selon une personne détenue, il faudrait autoriser celui qui a « purgé sa peine à repartir de zéro et pas de six pieds sous terre ». Si au lieu de prononcer pour les « petits délits » très majoritairement des peines de prison ferme, on s’orientait comme en Allemagne vers la peine de jour amende, non seulement on désencombrerait les prisons mais en plus on augmenterait notoirement la capacité de remboursement des auteurs d’infractions. Des acteurs publics et privés du monde carcéral ébauchent des solutions pour que la prison ne soit pas le dernier barreau de l’échelle sociale ni le sous-sol des laissés pour compte (les oubliettes ?) mais le lieu d’une co-construction pour qu’une fois libérée, la personne trouve en elle-même, chez les autres citoyen·ne·s, et dans les institutions des ressorts pour lutter contre les causes de sa pauvreté.
–> Retrouver le programme des événements.
Notes : 1- Environ 1% des condamné·e·s le sont pour des infractions criminelles ● 2- Enquête Secours catholique/Emmaüs « Au dernier barreau de l’échelle sociale, la prison : 25 recommandations pour sortir du cercle vicieux prison-pauvretés », octobre 2021 ● 3- Le comité européen de prévention de la torture dans son rapport paru le 21 avril 2022 parle de la prison comme un « entrepôt humain » ● 4- Circulaire relative à la lutte contre la pauvreté des personnes détenues et sortant de détention du 7 mars 2022 ● 5- Voir le concept d’auto-détermination retenu par le réseau des Caritas d’Europe.
Organisations signataires : Association nationale des visiteurs de personnes placées sous main de justice ● Aumôneries catholique, protestante et musulmane des prisons ● Fédération protestante de France ● La Cimade ● Croix-rouge française ● Auxilia ● FARAPEJ ● Fédération des acteurs de la solidarité ● Secours catholique Caritas France ● Les Petits frères des pauvres ● UFRAMA.
» Télécharger le documentAuteur: Responsable national Prison
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