Ecoutez-moi, j’ai quelque chose à dire.
Le collectif "Exils en scène" présente "Chœur d'Exil", une pièce théâtrale conçue et mise en ...
Le 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par plusieurs personnes poursuivies pour leurs actions de solidarité avec des personnes exilées, a donné, pour la première fois, la valeur de principe constitutionnel à la fraternité, qui figure dans la devise de la République française.
Avec cette décision, le Conseil constitutionnel a pris la direction espérée par La Cimade et onze autre organisations qui intervenaient volontairement au côté des requérants même s’il n’est malheureusement pas allé assez loin : si le délit de solidarité* n’est toujours pas abrogé, les Sages ont posé d’importants jalons pour l’interprétation de la loi et son évolution.
Que va changer ou pas, en pratique, cette décision ? Explications.
Dans la loi actuelle, les exemptions de poursuites pénales pour les aidant·e·s sont complexes et précises : l’aide doit, notamment, viser soit à assurer des conditions de vie dignes, soit à préserver la dignité ou l’intégrité physique de la personne migrante.
Le Conseil constitutionnel simplifie ceci en affirmant que tout « acte d’aide apportée dans un but humanitaire », qui ne fait par ailleurs l’objet d’aucune contrepartie, ne peut être poursuivi.
La notion retenue par les Sages est bien moins restrictive que celles figurant dans la loi, même si elle reste sujette à l’appréciation des Procureur·e·s et des juges.
La loi actuelle prête à confusion en prévoyant des exemptions familiales ou humanitaires pour l’aide au « séjour » uniquement, mais pas pour l’aide à la « circulation » ou à « l’entrée » sur le territoire. Par exemple, une personne qui recueille une autre personne en détresse en voiture et l’emmène chez elle pour la nuit pourra être poursuivie pour l’avoir transportée (aide à la circulation) mais pas pour l’avoir hébergée (aide au séjour).
Le Conseil constitutionnel clarifie les choses, et oblige le législateur à traiter selon le même régime l’aide à la circulation et au séjour irrégulier, en étendant les exemptions.
Concrètement, tout type d’aide apportée à une personne migrante en situation irrégulière qui se trouve sur le territoire français est désormais légale, dès lors qu’elle est réalisée dans un but humanitaire et qu’aucune contrepartie n’est obtenue.
Sauver une personne en difficulté dans les Alpes en l’amenant en France depuis l’Italie, ou convoyer à l’hôpital une personne en détresse en lui faisant passer la frontière est toujours passible de 5 ans de prison et 30 000 euros d’amende. C’est le point noir de la décision du Conseil constitutionnel, qui n’admet aucune exemption dès lors qu’il y a franchissement de frontière.
La loi conditionne toujours, sans que le Conseil constitutionnel ne soit venu l’invalider, les exemptions humanitaires à l’absence de « contrepartie directe ou indirecte » à l’aide fournie. Cette notion très floue va bien au-delà de contreparties financières. Elle pourrait même conduire à considérer la dimension militante de l’aide apportée à des personnes migrantes comme une contrepartie, si l’on suit l’interprétation de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence…
Malgré ce signal fort et la consécration du principe de fraternité, il est évident que les manœuvres d’intimidation, sur le terrain, ne vont pas disparaître, y compris pour les actes concernant la circulation ou le séjour irrégulier. D’autant qu’il est fréquent que d’autres délits soient instrumentalisés pour dissuader la solidarité avec les personnes migrantes, notamment lors d’expulsions par avion et d’évacuations de bidonvilles et campements. C’est donc la criminalisation des personnes migrantes et de leurs soutiens dans son ensemble qui doit cesser, dans la loi mais aussi dans les discours et les actes.
Mais la décision du Conseil constitutionnel est un pas symbolique fort vers l’affirmation de la solidarité avec toute personne, sans différence selon son statut administratif : « il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».
La décision d’étendre les exemptions humanitaires à l’aide à la circulation, donc au transport, est d’effet immédiat. Mais la balle est désormais dans le camp du gouvernement et du législateur : ceux-ci ont jusqu’au 1er décembre 2018 pour assurer la mise en conformité de la loi française avec la décision du Conseil constitutionnel. Le projet de loi « asile et immigration », examiné en seconde lecture dans les jours qui viennent à l’Assemblée nationale et au Sénat, serait donc l’occasion de procéder à ces modifications.
Les membres du collectif Délinquants Solidaires, dont La Cimade, proposent un argumentaire et un amendement pour mettre réellement hors-la-loi le délit de solidarité.
La Hongrie a par exemple adopté le 20 juin dernier un ensemble de loi permettant de criminaliser la solidarité envers les personnes migrantes et réfugiées, et fait pression pour entraîner les autres gouvernements dans son sillage. Pour demander la fin du délit de solidarité à l’échelle européenne et se réclamer d’une Europe plus accueillante, un mécanisme existe : l’Initiative Citoyenne Européenne #EuropeAccueillante permet à chacun·e de demander aux institutions européennes de changer de cap et de mettre en place des politiques migratoires plus ouvertes, accueillantes et respectueuses des droits fondamentaux des personnes.
* Rappel : qu’est-ce que le délit de solidarité ?
Le délit de solidarité est le fait que des citoyens et citoyennes soient intimidées, poursuivies voire condamnées pour avoir apporté de l’aide à des personnes exilées : distribution de nourriture, de vêtements, transport à l’hôpital ou dans un autre lieu, hébergement, vigilance citoyenne ou opposition à des expulsions, etc. Le délit de solidarité recouvre deux grandes catégories de situations : – Des personnes qui sont poursuivies sur le fondement du délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier, passible de 5 années de prison et de 30 000 euros d’amende sauf dans certains cas d’exemption ; – Des personnes qui sont intimidées voire poursuivies sur des fondements divers et variés, instrumentalisés pour dissuader la solidarité avec des personnes migrantes (code de la route, entrave à la circulation d’un aéronef, outrage, etc.) |
Auteur: Pôle Europe et International
Le collectif "Exils en scène" présente "Chœur d'Exil", une pièce théâtrale conçue et mise en ...
À l’occasion de la Journée internationale des migrant·e·s, plus de 230 organisations ...
Le 18 décembre – Journée internationale des Migrantes et Migrants – Plus de 230 ...
En novembre 2024, quarante ans après l'ouverture des premiers centres de rétention ...