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Témoignage d’une réfugiée accompagnée par le service Formation de la Cimade de 2005 à 2007 dans le cadre du projet Formation, accueil des demandeurs d’asile et réfugiés (projet FAAR).
Jeudi 8 octobre 2009, 19h, au bord de la place d’Aligre, Paris 12ème, se dresse la devanture neuve, colorée et prometteuse du salon de chocolats Puerto Cacao. Une centaine d’amis se pressent autour du magasin, venus célébrer avec toute l’équipe de Choc’Ethic l’ouverture officielle de la deuxième boutique parisienne créée par Guillaume Hermitte, le dirigeant de cette entreprise d’insertion de l’économie sociale et solidaire. Tous circulent à l’intérieur, se retrouvent et discutent l’air réjoui, tout en découvrant les murs chatoyants de couleurs ocres, les étagères appétissantes en bois clair débordant de boîtes colorées, de morceaux de chocolats, noirs, blancs, métissés de lait, de grains de poivre, de copeaux de gingembre, de pointes de cannelle… Au bar, s’affaire Gulnar Adjieva, responsable adjointe de cette deuxième boutique. Pour elle en particulier, cette soirée est un point d’orgue dans sa vie parisienne. Quel chemin parcouru depuis son arrivée en France quatre ans plus tôt, débarquée de Tchétchénie, seule, avec ses deux enfants, après avoir choisi l’exil plutôt que la guerre pour les protéger !
Remontons le temps avec Gulnar, que s’est-il passé pour elle à Paris depuis 2005 ? Quel parcours a-t-elle connu ? Qui a –t-elle rencontré sur son chemin ? Quels coups de pouce lui ont permis d’occuper aujourd’hui un poste de travail intéressant ? Elle nous raconte…
Je suis arrivée en France le 18 juillet 2005. Je ne savais pas quoi faire. J’avais choisi de fuir vers la France pour protéger ma famille mais je ne connaissais rien au système de l’asile. Après quelques jours de grande confusion, ce sont des policiers qui m’ont orientée vers la Coordination pour l’Accueil des Familles de Demandeurs d’Asile (CAFDA). Là, j’ai reçu des conseils, on m’a aidé à déposer une demande d’asile auprès de la préfecture et on nous a logés dans un hôtel. A la rentrée de septembre, mes enfants ont été scolarisés dans un collège et j’ai cherché des cours de français pour moi, car j’avais compris qu’il était primordial d’apprendre la langue. J’avais plein de démarches à faire, je voulais comprendre le système et je voulais communiquer. La Cafda m’a proposé de rencontrer des gens de La Cimade qui organisaient un projet pour les demandeurs d’asile avec des cours de français : le projet Formation, accueil des demandeurs d’asile et réfugiés (FAAR). Mon premier contact avec La Cimade, ça a été par Carl Ebrard, qui m’a fait passer un test de français. Je ne connaissais pas grand chose mais sur le formulaire qu’il m’a demandé d’essayer de remplir, j’ai reconnu les mots « NOM » / « Prénom » / « Date de naissance », que j’avais vus sur mon récépissé. Je savais que « NOM », c’était « ADJIEVA », que « Prénom » c’était « Gulnar » et que « Date de naissance », c’était « 23 décembre 1972 » ! J’ai intégré le projet FAAR en septembre 2005 et là je dois dire que ça a été la première étape essentielle de mon intégration en France. J’ai appris le français, j’ai été aidée pour ma demande d’asile, à chaque fois que j’ai eu un problème social ou autre, j’ai toujours pu compter sur l’aide et les conseils des gens du service Formation de La Cimade, des gens de la Cafda, pour trouver des solutions, quelquefois même dans des situations désespérées. Entrer dans le projet FAAR, ça a été comme me trouver une famille en France. J’ai su très vite que je pouvais compter sur des gens. En Tchétchénie, quand on a un problème, la famille est toujours là pour aider et bien le projet FAAR pour moi, ça a été pareil à Paris. Je crois que je peux dire que ça a été la même chose pour beaucoup de participants. On s’est rencontré, on a appris le français ensemble, on est devenu comme une famille. Et puis, il y a aussi eu l’expérience de l’atelier théâtre avec Hélène Cinque et le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. J’y ai participé deux fois, en 2006 et en 2007. Quelles aventures ! C’était très fort… J’oublierai jamais, jusqu’à la fin de ma vie. Et puis il y a eu tous ces gens qui nous ont aidé gratuitement, les comédiens qui travaillent avec Hélène, dans sa compagnie L’Instant d’une Résonance, qui sont venus faire la cuisine pour nous, nous aider à trouver des costumes, à s’échauffer, vraiment c’était très touchant, non ? Après tout, ils ne nous connaissaient pas, mais Hélène et eux ont tellement travaillé avec nous pour que nous arrivions à faire du théâtre… C’est incroyable ! Le théâtre, c’était important pour pouvoir dire et être entendu car nous n’avions pas d’occasion de dire et surtout d’être écoutés en tant que demandeurs d’asile, mais là au théâtre oui, c’était possible. Je suis très reconnaissante de tout ça.
Quand j’ai été reconnue réfugiée en avril 2007, mon assistante sociale m’a dit « Félicitations, vous avez les mêmes droits que les Français maintenant, à part le droit de vote, et vous devez trouver un travail ! ». J’ai répondu que bien évidemment je voulais travailler, et elle m’a orientée vers le métier d’hôtesse de caisse. J’ai fait un stage de deux mois dans un supermarché mais honnêtement, au bout de deux mois, je me suis dit que ce n’était vraiment pas ce que je voulais faire, ce n’était pas pour moi. C’est pas que je voulais pas travailler, non, mais caissière, non. Alors j’ai continué à chercher dans les annonces et j’ai vu un jour qu’une entreprise nommée Choc’Ethic cherchait un employé polyvalent pour sa boutique de chocolats à Paris 17ème. J’habitais déjà dans le foyer où je vis toujours dans le 17ème, j’étais diplômée de cuisine en Russie, j’avais travaillé comme pâtissière, je me suis dit « allons voir ». Le premier entretien s’est mal passé car j’ai sans doute trop raconté mes problèmes du moment. M. Hermitte, le dirigeant, n’a pas voulu me prendre, même à l’essai. Mon assistante sociale m’a reproché d’en avoir trop dit sur ma situation. Alors j’ai proposé de travailler trois jours gratuitement à l’essai. M. Hermitte a bien voulu et au bout d’une journée, il m’a proposé un contrat de deux mois en insertion, j’ai dit d’accord. Au bout de quelques semaines, il m’a proposé un CDD plus long si j’acceptais de suivre une formation pour devenir maître chocolatier, j’ai dit oui, et au courant de l’hiver 2008, il m’a proposé de suivre une formation en gestion pour pouvoir postuler et devenir responsable adjointe de la deuxième boutique qu’il comptait ouvrir près de Bastille à Paris. A la suite de cette deuxième formation et de l’entretien d’embauche que j’ai passé pour ce nouveau poste, j’ai été nommée responsable adjointe de la boutique que nous ouvrons officiellement ce soir. Tout cela s’est passé en moins d’un an. J’ai rencontré Guillaume Hermitte le 15 septembre 2008. Ca aussi, c’est une histoire incroyable.
En fait, j’ai eu beaucoup de chances dans mon parcours en France. J’ai rencontré aux moments où il le fallait les bonnes personnes, les personnes qui m’ont aidée, qui m’ont permis d’apprendre le français, de comprendre cette nouvelle société et de trouver une piste d’emploi intéressante à laquelle je me suis accrochée. Aujourd’hui, mon fils est lycéen en classe de seconde au Lycée Jules Ferry, ma fille est mariée, j’ai un emploi stable qui me passionne au sein d’une entreprise jeune et dynamique. Je me dis que la vie est belle malgré tout, en tout cas pour l’instant… J’ai toujours peur que ça s’arrête un jour, que les problèmes recommencent, mais pour l’instant, ça va. Ce qu’il nous manque aujourd’hui à mon fils et à moi, c’est un logement adapté. Nous devrons quitter notre chambre du foyer d’ici quelques temps. Où allons-nous pouvoir nous loger ? Bon, je trouverai une solution. La vie est belle malgré tout.
Et la vie est savoureuse à Puerto Cacao ! Prenez le temps d’aller déguster un chocolat chaud et rencontrer Gulnar au 2 rue Théophile Roussel, Paris 12ème (métro Ledru Rollin). Vous y reviendrez !
Visiter le site de Puerto Cacao : www.puerto-cacao.fr
Visiter le site de la compagnie de théâtre L’Instant d’une Résonance : http://compagnie.idr.free.fr/
Télécharger le rapport d’expérience du projet FAAR Chemins d’espoir et le livret pédagogique Apprendre le français, vivre dans la cité dans les pages formation-insertion / ressources / documentation générale de ce site.
Gulnar Adjieva
Auteur: Service communication
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