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Le décret-loi Salvini, adopté le 29 novembre par la Chambre des Député·e·s italienne, va avoir des conséquences néfastes pour les droits des personnes en quête de protection et précariser un grand nombre de personnes qui ne bénéficieront plus d’un statut régulier, d’un hébergement ou encore d’un accès au marché du travail. Cette loi intervient dans un contexte où la migration est pointée du doigt comme la cause de bien des maux en Italie.
De nombreuses modifications sont apportées par ce décret-loi dont l’objectif assumé est de réduire les possibilités d’obtenir une protection en Italie et d’augmenter les expulsions. Concernant le système d’hébergement, l’exception devient la règle. En effet, le système SPRAR, jusqu’à présent destiné aux personnes demandant l’asile et à celles bénéficiant d’une protection internationale, était géré par des administrations locales de manière décentré et permettait d’assurer des standards élevés d’accompagnement et insertion sociale des personnes. Sous-financé, il n’offrait néanmoins des places que pour 35 000 personnes. Le décret-loi Salvini réserve désormais ce système d’accueil aux seul·e·s bénéficiaires de protection internationale et aux mineur·e·s non accompagné·e·s. Les personnes ayant demandé l’asile seront maintenant hébergées uniquement dans les centres d’accueil extraordinaires, beaucoup plus grands et avec un accompagnement social réduit.
Une autre modification de taille est l’abrogation de la protection humanitaire. Celle-ci, dont 25% des demandeurs·euses d’asile ont bénéficié en 2017, était une protection italienne qui permettait de protéger des personnes ne relevant pas des critères de la convention de Genève, mais se trouvant bien en danger dans leur pays d’origine. D’une durée de deux ans, elle était renouvelable et permettait d’avoir accès au marché du travail, à un hébergement, etc. A la place, sont mis en place des titres de séjour plus restrictifs pour des « cas spéciaux », concernant les victimes de traite ou de violences, les personnes gravement malades (protection d’un an) ou les personnes en danger pour cause de « catastrophe naturelle » (protection de six mois).
Par ailleurs, les garanties procédurales sont revues à la baisse tout au long de la demande d’asile, avec à l’instar de la France, l’établissement d’une liste de pays d’origine sûrs permettant l’étude accélérée d’un dossier, ou le concept « d’asile interne », permettant de rejeter une demande d’asile si on considère que la personne peut être renvoyée dans une autre partie de son pays d’origine, estimée comme « sûre ».
Enfin, la durée de rétention des personnes étrangères est doublée est passe de 3 mois actuellement à 6 mois. Les motifs pour enfermer ou expulser les personnes étrangères sont également élargis (par exemple pour vérifier l’identité) tandis qu’une augmentation significative des fonds alloués à l’expulsion a été actée (1,5 millions en 2019 et 2020).
Les conséquences pour les personnes étrangères en Italie, notamment celles en quête de protection vont être très lourdes : un grand nombre d’entre elles risque de se retrouver sans statut légal, sans accès à un centre d’hébergement et donc de facto sans aucune protection. Plusieurs dizaines de milliers de personnes actuellement bénéficiaires d’une protection humanitaire vont perdre ce statut. Si certaines pourront demander à bénéficier d’un statut autre (mentionnés ci-dessus), celui-ci sera souvent plus précaire et beaucoup n’y auront pas droit. On peut se demander quelles stratégies adopteront ces personnes, décrétées illégales du jour au lendemain : tenter de faire reconnaître leurs droits devant la justice italienne, partir dans un autre pays européen ?
Par ailleurs, le système d’hébergement, très fortement compartimenté, va maintenir les demandeurs et demandeuses d’asile dans des conditions d’accueil précaires, les invisibilisant et freinant fortement leur insertion sociale, économique, linguistique. Ces dernier·e·s n’auront accès plus qu’aux grands centres d’accueil dont les standards sont très bas, à tel point que certaines juridictions françaises à annuler des renvois en Italie dans le cadre du règlement Dublin. Par ailleurs, les modifications législatives risquent d’avoir des conséquences sur la qualité du traitement des demandes d’asile et de limiter fortement l’accès à une protection pour un grand nombre de personnes.
Il faut remettre ce décret-loi dans un contexte national et européen extrêmement tendu sur la question migratoire. En juin dernier, Matteo Salvini avait déjà annoncé la fermeture des ports italiens aux bateaux ramenant des personnes secourues en Méditerranée. Ce faisant, plusieurs bateaux ont été contraints d’errer longtemps en mer avant d’obtenir l’autorisation de débarquer les personnes à leur bord dans un port sûr, lorsqu’ils n’ont pas été contraints de débarquer en Libye ou en Tunisie, en violation du droit international. En parallèle, la criminalisation des organisations de sauvetage s’est accentuée avec des attaques répétées à l’encontre, entre autres de l’Aquarius, dont les activités ont aujourd’hui été stoppées.
L’Italie a finalement refusé de signer les pactes mondiaux sur la migration et sur les réfugié·e·s après deux ans de négociations et de discussions. Ces pactes, non contraignants, ont été la source de très vives polémiques, souvent déconnectées de leur contenu. Dans le cas de l’Italie, le chef du gouvernement Guiseppe Conte a annoncé que cette adhésion aux pactes serait soumise à un vote au Parlement.
Dans ce contexte tendu, la société civile italienne se mobilise avec les personnes exilées pour faire entendre une autre voix et pour continuer à se réclamer d’une Italie ouverte et accueillante. Des associations comme ARCI, ASGI et bien d’autres, intervenant auprès et avec les personnes étrangères en Italie, se sont largement mobilisées contre le décret-loi et les attaques répétées contre les personnes migrantes et leurs soutiens. Des églises italiennes ont également déjà annoncé qu’elles ne resteraient pas les bras croisés et ouvriraient leurs églises aux personnes se retrouvant à la rue.
En même temps, plusieurs manifestations contre le décret-loi ont eu lieu récemment dans différentes villes italiennes. Dernière en date le 15 décembre, une journée de mobilisation contre le racisme et en faveur des droits des personnes migrantes a réuni à Rome plusieurs milliers de personnes. Plusieurs organisations de la société civile, ainsi que des municipalités, multiplient actuellement des initiatives afin de soutenir la candidature au prix Nobel pour la paix de la ville de Riace, ville modèle pour son système d’accueil qui est dramatiquement remis en discussion par l’actuel gouvernement italien.
La mobilisation de la société civile et des personnes exilées a encore de beaux jours devant elle dans l’Italie de Salvini.
Auteur: Pôle Europe et International
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