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Marwa

30 novembre 2021

Dans le cadre de l’exposition « A l’intérieur, c’est l’enfer », des personnes retenues au centre de rétention du Mesnil-Amelot (77) s’emparent de leurs propres récits pour rendre visible et dénoncer la réalité opaque de l’enfermement dans ces zones de non-droit. Marwa a passé 60 jours en rétention, voici son témoignage.

L’exposition « A l’intérieur, c’est l’enfer » est une invitation à regarder et écouter celles et ceux qui ont subi l’enfermement en rétention administrative. Ce projet a été co-construit entre les intervenant·e·s de La Cimade au centre de rétention du Mesnil-Amelot (77), les bénévoles de La Cimade et les personnes concernées, complété par la vision du photographe Alessandro Camillo.

L’exposition a été présentée une première fois du 30 novembre au 17 décembre 2021 dans les locaux de la CFDT à Paris. A partir du 12 novembre 2022, elle sera disponible sur tout le territoire français. Vous trouverez le contact des antennes régionales de La Cimade sous l’onglet « En région » de ce site.

 

 

 

 

 

 

Ecoutez le témoignage de Marwa :

Version courte

Version intégrale 

“ 

Je m’appelle Marwa, je suis tunisienne, de nationalité tunisienne, je suis venue en France depuis janvier 2020. Je suis venue en France suite à un accident, ou bien, [je ne sais pas] si je peux dire si c’était un accident ou pas… J’ai été agressée et violée par un agent de police en Tunisie. Je n’ai pas trouvé mes droits là-bas, j’étais sous pression, j’étais sous le viol, j’étais sous des mals effets [agressions] psychiques et physiques. Après, à certains moments… Je n’étais pas en sécurité en fait.

J’ai décidé de partir en France parce que j’avais ma sœur et mon frère qui étaient là ici. J’ai pris un visa touristique, je suis venue en France. Au début je savais pas que j’ai le droit de demander une protection de la France suite à ce que j’ai eu. Je suis restée en France, et j’ai trouvé un travail, j’ai travaillé, j’ai eu un contrat de travail.

Un jour j’étais sur mon lieu de travail, j’ai été arrêtée [par] la police, le 22 décembre 2020. La Préfecture elle m’a mise dans le centre de rétention du Mesnil-Amelot avec une obligation de quitter le territoire français et une interdiction de revenir en France pendant un an. Ils veulent que je parte en Tunisie.

Au début je ne savais pas c’est quoi un centre de rétention, et je sais même pas pourquoi j’étais là-bas, j’ai rien compris. J’ai demandé au début à la Préfecture que j’ai eu des problèmes en Tunisie, j’ai ça, ça, ça, ça… Mais ils m’ont demandé de partir.

Après je suis passée devant le Tribunal administratif, c’était le 13 janvier 2021. Suite à ça, ils ont annulé mon pays de destination sur le fond [sur article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme fondamentaux interdisant les traitements inhumains ou dégradants]. La Préfecture… Elle n’a pas lâché l’affaire, elle a repris la Tunisie comme pays de destination, encore deux fois, après l’annulation du pays de destination.

Ils n’ont pas cessé de me forcer à partir. Chaque jour, je reçois un papier de la Préfecture qui m’oblige à quitter le territoire, de partir en Tunisie. Même si j’avais un jugement qui avait annulé le pays de destination. Après, j’ai fait un recours et je suis repartie encore une fois devant le Tribunal administratif, qui a annulé encore une fois le pays de destination. Pour la deuxième fois.

Entretemps, j’étais dans le centre de rétention. Je vais vous parler un peu du centre. Mais là-bas, vraiment, je vais dire, c’est l’enfer.

Alors… là-bas, c’est une prison. On ne peut pas dire que c’est un centre, pour moi c’était une prison. A chaque fois on trouvait des gens [des policiers] qui viennent dans votre chambre et qui fouillent tes affaires, qui mettent tes affaires par terre et qui marchent dessus, qui te disent « vous n’êtes pas chez toi, vous devez partir, qu’est-ce que vous faites ici ? Vous devrez partir chez vous. Pourquoi vous êtes en France ? » et tout. Ils ne respectent pas que vous êtes un être humain, je vais dire ça. Parce que si c’était un être humain, si vous traitez avec un être humain, vous n’allez pas mettre ses affaires par terre, marcher dessus. Quand vous fouillez quelqu’un vous ne touchez pas ses zones intimes. Quand vous dites « Nan comment ça ? » [on vous répond] « c’est comme ça ».

Parfois vous trouvez quelqu’un – parfois je vais dire, ce n’est pas tout le monde – [vous lui dites] « s’il vous plaît je voudrais partir pour prendre telle chose » [et on répond] « vous prenez pas » « pourquoi ? » « c’est comme ça vous êtes pas chez vous ». J’ai entendu ça tellement de fois, « vous êtes pas chez vous ».

Une fois ma famille était venue pour me voir, ils ont dit [les policiers] « les visites sont interdites ». [J’ai répondu] « Mais pourquoi y’a pas de visite, ma famille elle est dehors », « c’est comme ça, aujourd’hui il n’y a pas de visites », « mais vous m’avez pas dit le matin que y’a pas de visite, comme ça j’allais dire à ma famille que y’a pas de visite ». « Non c’est juste comme ça ». D’accord…

Un autre jour, ils ont décidé d’avoir des activités, soi-disant culturelles. On est parti pour participer à cette activité. Je suis partie, j’ai trouvé des gens là-bas et tout. Ils nous ont donné quelque chose pour le coloriage et tout, on était en train de s’amuser entre nous. Après quand on a terminé, j’étais étonnée parce-qu’ils ont dit : « attendez, vous faites quoi ? », « on va sortir, on a terminé », « Mais non ! Il faut être fouillé. Peut-être que vous allez voler quelque chose, peut-être vous avez pris des crayons », « mais monsieur, madame, les crayons ils étaient 24 dans la boite et maintenant ils sont toujours 24 ». « Non, non, il faut vous fouiller »… Imaginez bien, vous étiez invitée chez quelqu’un, elle te dit « ce soir on va dîner ensemble » et tout, « d’accord ! ». Vous êtes parti, vous avez mangé et tout, et après quand vous allez sortir elle va vous dire « attendez ! Il faut vous fouiller », « Pourquoi ? », « Peut-être vous avez pris une fourchette ou bien un couteau avec toi ». Est-ce que c’est normal ? On ne peut pas le faire normalement. C’est vrai ou pas ?

D’accord, j’ai dit, la prochaine fois je parle pas, je pars pas, je ne participe pas. J’ai dit « Ils nous demandent de partir pour faire des activités pour nous dire qu’on est des voleurs peut-être ». D’accord. Toutes les filles elles ont dit « d’accord on part plus ». Après le lendemain, ils [les policiers] ont dit « attendez, vous vous étiez hier à participer à l’activité », « oui monsieur », « est-ce que vous savez que qu’il y a des papiers qu’on a pas trouvé ? », « quels papiers ? », « des papiers de coloriage ». Jusqu’au lendemain hein ! Pas le jour même, ils ont fouillé nos chambres, ils n’ont rien trouvé.

Aussi, parfois, quand tu pars pour l’infirmerie, ou bien t’es pas bien, on peut avoir des moments qu’on est pas bien. On peut pleurer, on peut crier. Et y’a quelqu’un [à l’infirmerie] qui te dit « arrête ton cinéma ! Qu’est-ce que tu fais ? Tu pleures ? Tu pars chez toi, c’est fini ! Pourquoi t’es là ? Mais vous êtes encore là ? ». Ce qui m’étonne [le plus] c’est « mais pourquoi vous êtes encore là ? ». Mais c’est plus fort que moi ! « Est-ce que je veux être chez vous ? ». [On me dit aussi] « Vous faites le test PCR vous partez, pourquoi vous faites pas le test ? ». Je vous jure… C’est quelques-unes, à chaque fois je veux préciser que c’est quelques-unes, c’est pas tout le monde.

J’ai passé là-bas [au centre de rétention] 47 jours, comme si c’était 47 ans. Dans tous les cas, ce n’était pas vraiment le concept du centre de rétention où vous êtes maintenu pour traiter votre situation entre temps vous êtes pas en prison. Comme ils disent les centres de rétention ce sont pas des prisons, mais en fait ce sont des prisons. Donc vous êtes enfermé, le soir vous êtes fait enfermé. Le matin, pour partir prendre un café, vous devez demander à quelqu’un. Vous devez passer par le portail, vous devez passer par ça…

Quand je suis passée le premier jour, j’ai passé deux jours devant le centre de rétention et après je suis passée devant le juge. Alors dès le début que je suis passée, j’ai trouvé le juge qui me dit « alors madame, vous faite quoi ici ? », « j’ai dit que c’était le cas ça, ça, ça… », « non, non, non vous devez partir », « je vais partir, mais comment ? J’ai ça, j’ai ça… J’ai vécu ça, ça, en Tunisie ». Il s’en fout, il s’en fout de tout ça, il m’a donné 28 jours.

Dès que je suis passé devant le juge [pour la deuxième fois], la première des choses avant de me demander mon nom ou quoi que ce soit « mais vous êtes encore là ! Vous étiez pas expulsée ? ». J’étais étonnée. J’ai dit « est-ce que y’a une grand-chose qui se passe, est-ce que je devrais être partie, est-ce qu’ils savent pas que j’avais une annulation du pays de destination ? ». J’étais effrayée et tout, je sais même pas quoi dire. Après elle m’a dit « mais madame vous devrez partir », elle me laisse pas parler, « vous devrez partir, vous devrez partir », c’était ça, j’entends que ça. Après elle m’a demandé « est-ce que vous avez quelque chose à dire », « mais madame, si je vais dire quelque chose, ça va changer ? », elle m’a dit non, j’ai dit « d’accord, je vais rien dire ». Elle m’a ajouté encore 30 jours, ça ce qui s’est passé, c’était même pas 5 minutes. C’était ça, c’était bonjour 30 jours, c’était ça. Ce que j’ai entendu, tout le on dit, si vous partez devant le tribunal judiciaire, c’est « bonjour 30 jours ». C’est ça, on appelle ça « vous partez demain à quoi ? », « j’ai bonjour 30 jours, je vais revenir en fait », on a pas d’espoir. « Attends je vais laissez mes affaires parce-que je vais revenir, je prends pas mes affaires avec moi. On est sûr de ça ! »

Je parle de covid, mais faut dire quelque chose : y’a pas de gel et y’a pas de savon. Si t’as pas le tiens, c’est le même savon pour tout le monde, on parle de 4 ou 5 personnes. C’est-à-dire [c’est comme si] dans un pavillon avec 4 ou 5 filles, 4 ou 5 garçons, vous avez le même savon, vous avez les mêmes toilettes, les mêmes douches. Y’a des femmes de ménage mais elles ne font pas leur travail correctement. Au réfectoire, on est l’une près de l’autre. A la cour ou bien dedans on ne met pas de masque, c’est pas obligatoire de mettre les masques. A la salle télé, tout le monde on est pas avec les masques, c’est ça. Y’a pas de séparation. Y’a un moment on était 3 dans la chambre avec les filles qui étaient venues. Et ils font pas des tests, ils voient la température, tu n’as pas de température alors tu passes. Mais il peut quelqu’un qui n’a pas la température mais il a le covid.

Quand ils me disent à la visite y’a ça, ça, ça, je dis « mais dedans on n’a pas de gel, ni de savon, ni de masque. A la salle télé on écoute ensemble, on peut être 10 et 12 dans la même salle. Si tu prends pas soin de toi, mais eux ils disent pas qu’il faut se séparer, qu’il faut faire ça, qu’il faut faire ça ». Y’a pas de gestes barrière. Et même si t’as ton propre gel, c’est interdit. Ma famille ils m’ont apporté le gel, c’est interdit. Ils ont dit c’est avec l’alcool et c’est interdit le gel. C’est incroyable mais vrai, c’est incroyable mais vrai.

Je vais parler de ce qui se passe entre nous [et les policiers]. On dit y’a deux groupes, y’a le groupe des bons, le groupe des mauvais. Eux ils font deux jours, trois jours, c’est ça. Y’a un groupe qui fait deux jours, et ceux qui font le weekend trois jours. Si c’est le bon on dit on est au paradis cette semaine. Si c’est le mauvais on dit c’est la semaine de l’enfer. Parce-que le mauvais groupe – je vais dire le mauvais groupe – le mauvais groupe quand ils sont là tout est par terre. T’es fouillée dans tes zones intimes. Ils peuvent venir à n’importe quel moment, ils peuvent fouiller deux, trois fois par jour, ils s’en foutent. Comme par hasard quand ils sont là-bas, les machines à café elles sont en panne, c’est du hasard. Y’a un jour, y’a une d’entre eux qui m’a dit « c’est bon pour nous », « mais pourquoi », « parce-que les machines à café sont en panne, on est tranquilles, y’a pas des va et viens dans le couloir », vous voyez ? A ce moment-là j’ai dit « attendez, mais pourquoi quand le mauvais groupe il est là, les machines sont comme par hasard, elles sont en panne, les machines à monnaie elles sont en panne, jusqu’à présent les machines à monnaie elles sont en panne ». Y’a pas de machine à monnaie, alors j’ai dit que quand le mauvais groupe il est là-bas, vous pouvez prendre rien du réfectoire. Vous mangez rien dehors. Quand le bon groupe, il te permet de prendre un morceau de pain avec toi, ou un fruit, c’est autorisé, vous pouvez prendre avec vous. Quand ils fouillent ils fouillent, mais vous trouvez tes choses sont sur ton lit, ou bien vous voyez, pas par terre. Ils te fouillent normalement, ils te touchent pas partout, ils sont respectueux et tout. « Bonjour madame, on va fouiller dans votre chambre ». Quand c’est les autres « allez sortez, sortez ! On va fouiller ! Allez tourner-vous ! », vous voyez, « vous n’avez pas de shit ? Vous n’avez pas ça ? Vous n’avez pas ça ? ». Vous voyez ? C’est pas le même comportement, c’est pas le même discours. C’est pas… C’est pas pareil. Ils disent « partez chez vous ! Vous faîtes quoi là ? On en a marre de vous ».

Parfois, quant à moi – je vais parler de moi – parfois je suis pas bien psychiquement, je m’habille, j’essaye d’être moi en fait. Parce-que je suis détruite. Je m’habille correctement pour voir ma sœur, pour voir mon frère, pour avoir des visites et tout, je me coiffe et tout. Ils me disent [les policiers] « mais c’est quoi ça ? pourquoi vous faites ça ? Pourquoi vous êtes habillée comme ça ? Vous êtes pas dehors », « mais je suis libre, mais c’est moi en fait » je lui dit ça, « soit dehors, soit dedans, c’est moi, c’est moi, je suis libre de m’habiller comme je veux », c’est vrai ou pas ? T’as pas le droit de me juger, ou de me dire « pourquoi vous faites ça ? Pourquoi vous mettez une mini-robe » ou « pourquoi vous mettez ça ? ». Je suis libre ! Ce sont mes vêtements. C’était ça, parfois c’était étonnant, parce-que si je m’habille, si je fais quelque chose, c’est pour moi, c’est pas pour les autres. Et c’était vraiment… ça me fait mal au cœur qu’ils me disent ça. Parce-que j’essaye de faire sortir ce que je pense, ce que je sens et tout. J’ai dit je veux être présentable, être présentable pour ma famille, pour qu’ils disent « elle est bien ». Quand ils me disent les choses pareilles, je dis mais vraiment… ça fait mal au cœur.

Un jour je suis passé avec une copine dans le couloir. J’étais en train de prendre de la machine, des gâteaux et tout. J’ai pris un gâteau, après je passée pour prendre un café. Y’avait un policier il m’a dit « mais toi la grosse ! Pourquoi vous mangez des gâteaux ? Vous êtes grosse ! Il faut faire un régime ! ». Je vous le jure… J’ai jeté le gâteau, je suis rentrée à la chambre, j’ai pleuré, pleuré, pleuré… J’ai pas pu sortir de ma chambre. Il y a des petits détails, ou bien des petites choses que les gens ils disent que c’est normal, mais pour quelqu’un qui n’est pas en liberté, quelqu’un qui part avec des mauvais moments dans sa vie, pour quelqu’un qui est vraiment enfermé, ça peut être, même un petit mot, ça compte pour lui. Ça peut détruire des choses, mais vraiment c’est touchant, au niveau psychique. On dit ils font une guerre psychique. Ils veulent vous détruire, c’est ce que j’ai vu là-bas. Je parle pas de tout le monde, bien sûr. Mais il y a quelques-uns et quelques-unes qui sont connus par tout le monde.

Au tribunal, dans l’audience c’est même pas 5 minutes. C’était la seule fois que j’ai eu 1h30, c’était au tribunal administratif, où le juge il m’a bien entendue. J’ai bien parlé, j’ai bien expliqué qu’est-ce que j’ai passé. C’était un huis-clos pendant une heure et demi. Il était compréhensible, il m’a demandé des détails, il m’a demandé plein de choses. Ils m’ont entendu en fait. A ce moment-là j’ai dit « voilà je suis en France… » parce qu’à ce moment là j’ai senti que y’a quelqu’un qui respecte mes droits, que y’a quelqu’un qui m’écoute en fait. C’est pas « bonjour pourquoi vous êtes là ? Allez 30 jours, vous partez », sans comprendre. A ce moment-là, j’ai dit « voilà je suis en France… », mais devant le JLD [juge des libertés et de la détention, au tribunal judiciaire] et la cour d’appel, c’est comme au bled, je vais dire le terme c’est comme au bled. Y’a aucune déférence.

Pour les fouilles, c’était par des femmes. Mais les femmes qui te fouillent dans tes zones intimes. Même si c’était pas dans votre chambre… Moi je parle de mon expérience, j’ai eu de la visite chaque, y’a ma famille qui vient me voir chaque jour. Le jour ou y’a les mauvais y’en a une qui est à la visite. C’est femme là elle ne cesse pas de nous embêter, elle nous fouille partout. Tu enlèves tes chaussures, tout, tout, tout, et vous restez toutes les deux. Y’a un jour où elle a mis ses mains sous mon pull dans mes seins… Je vous le jure. J’ai dis « mais madame, vous n’avez pas le droit ! ». Elle m’a dit « mais de quel droit vous parlez ? De quel droit vous parlez ? Vous êtes retenue ! De quel droit vous parlez ? ». Après elle me touche partout, partout, partout. Je suis venue le lendemain, dans ces jours-là, j’ai dit « mais c’est quoi ? », j’étais énervée, j’étais énervée contre elle et tout. Elle a commencé à crier. J’ai dit « vous n’avez pas le droit de me toucher par là et de mettre tes mais dans mes seins ». C’était dans mes seins ! Vous voyez ? Je sais pas si le droit, il y a une loi qui lui permet de faire ça ou pas. Mais je connais qu’elle a pas le droit. Après le lendemain, c’était comme par hasard, c’était elle encore une fois. Avant de me faire entrer elle m’a dit « si vous allez faire comme hier, je vais te – comment dirais-je – vous allez être punie, vous n’avez pas de visite pendant 3 jours, vous n’aurez pas de visite pendant 3 jours ». C’est-à-dire si tu me permets pas de te toucher partout, tu n’auras pas de visite. J’ai dit d’accord, je vais pas entrer dans la visite, je vais voir un des [policiers] gradés. Il est venu il m’a dit « non mais bon madame elle a le droit de faire ça ». J’étais choquée, j’étais choquée. C’était pas la seule fois. Et depuis elle me touche, elle me touche partout, à chaque fois. Et je sais bien qu’elle le fait exprès. Parce-que… Elle me provoque. Que je veux pas ça. Elle met un petit sourire sur son visage, et elle me fouille. C’était l’enfer, le jour de visite où elle était là-bas. Mais c’était pas que pour moi, y’a d’autres qui ont vécu la même chose.

Parfois, elles viennent pour faire le ménage, elles font un coup de balai dans les chambres, mais ils touchent pas les toilettes. Deux, trois fois, je suis parti pour lui dire « on peut pas utiliser ces toilettes tant qu’ils sont pas propres, parce qu’on peut attraper des virus, on est nombreux » et tout. Après, quand les femmes de ménage elles viennent, j’essaye de rester pour voir si elles nettoient les toilettes ou pas. Mais si vous le demandez pas, parfois elles les nettoient pas. Parce que même si y’a des policiers qui sont avec elles, ils ne vérifient pas bien, s’ils ont nettoyé ou pas. Y’a parfois des mauvaises odeurs, y’a des poubelles qui restent deux jours. Y’a des poubelles qui restent deux jours là-bas. On aura des moustiques, on aura des choses et tout. C’était pas vraiment… c’était pas propre. Et en fait il n’est pas propre dehors. Les douches elles sont pas nettoyées.

Je vais parler de quelque chose : vous savez bien que quand on met nos shampooings, les après-shampooings et tout à la fouille [salle où sont gardées une partie des affaires personnelles, notamment celles qui sont interdites de garder avec soi], si on a besoin on prend de la fouille. D’accord. Y’avait un jour, j’étais partie pour prendre des shampooings, après-shampooings et tout. J’ai pris un gobelet [de shampooing] avec moi. Y’avait un gars qui était avec moi mais il n’avait pas de gobelet. Ce gars il a demandé « monsieur s’il vous plait, si vous avez un gobelet pour mettre un peu de shampooing ? ». Le policier, il a pris un gobelet de la poubelle et il lui a donné. [La personne] lui a dit « mais je vais mettre ici ? », il a dit « mais chez vous, vous faîtes comment ? Vous faîtes comme ça chez vous ».

J’ai demandé plusieurs fois de voir un psychiatre au centre de rétention, parce-que j’ai eu des crises hystériques. Y’a eu des crises d’angoisse aussi. Mais quand est-ce que j’ai eu la visite ? C’était la dernière semaine avant de partir. J’ai demandé dès le début, ça prend 40 jours. J’ai eu une visite avec le psychiatre, un rendez-vous avec le psychiatre. Je dors pas la nuit, j’avais plein de problèmes parce-que suite à ce que j’ai vécu, la mauvaise expérience avec les policiers en Tunisie, j’avais angoisse des policiers, quand je voyais quelqu’un avec la tenue de police et tout… Parce-que là-bas… J’ai parlé de la Tunisie, pour mettre en valeur ce qui s’est passé ici. Parce-que en Tunisie, quand je suis partie pour déposer plainte, j’ai été agressée. Parce-que c’était un policier, c’était ses collègues et tout, j’ai été agressée. Ils m’ont demandé de ne pas déposer plainte. Et ma famille aussi elle a eu plein de problèmes, c’était à cause de toi, à cause de ça, en fait. Après quand je me suis trouvée dans un centre de rétention, entourée de plein de policiers, c’était pas confortable. On peut pas montrer aux autres que j’ai peur. Entre temps, je peux pas dormir la nuit. J’arrive pas. J’ai demandé d’avoir un psychiatre, après 10 jours quand je suis venue, et j’ai eu la consultation après un mois et une semaine, quelque chose comme ça. C’était bien le 38e jour que j’ai eue la consultation. Il n’y a pas, pour les femmes, ou bien pour moi en fait, y’a pas un cadre psychique ou bien un psychiatre, ou bien quelqu’un qui parle avec vous, sauf l’association. Le psychiatre il m’a dit « madame, on va rien faire, je vais vous donner quelque chose pour dormir, et dès que vous sortez vous pouvez partir pour voir un psychiatre, ou bien une association de lutte contre les violences contre les femmes et tout, ils vont t’aider. Je vais te donner quelque chose pour dormir ». C’était juste pour dormir en fait. Il n’a pas parlé de… On n’a pas… Parce-que j’ai eu des consultations à des psychiatres en Tunisie, suite à ce que j’ai eu, mais là-bas on parle, ils me disent « il faut faire ça, tu vas passer par ça ». Vous voyez ? Ils te parlent. Ils me laissent parler en fait, mais au centre il m’a pas laissé parler du tout. Il m’a dit « d’accord ». J’ai commencé par ce que j’ai passé en Tunisie, pour qu’il comprenne parce qu’il faut parler de ça. D’accord. J’ai dis « le psychiatre en Tunisie il m’a donné ça, ça, ça », il m’a dit « d’accord il faut tout oublier madame, madame, madame, vous parlez pas de tout ça. Dès que vous sortez vous voyez un psychiatre, je vais te donner quelque chose pour dormir. C’était ça. « Pourquoi vous avez pas demandé vos papiers ». Il a parlé de papiers, vous voyez ? Il m’a parlé de ma situation pour les papiers, et tout. C’était pas pour parler de… Comme si j’étais avec un avocat, on a parlé des papiers, des paperasses plus que de moi.

[Suite à mon assignation à résidence] C’est difficile parce-que je suis coincé en fait, et il me demande de rester chez moi, chez ma sœur en fait, de partir signer une fois par semaine. J’ai pas le droit de travailler, j’ai pas le droit de sortir en dehors de Paris. Entre temps ils me disent pendant 6 mois ils vont prendre la Tunisie comme pays de destination, encore une fois. Avant-hier, le 8, c’était lundi, en Tunisie ils ont encore… l’affaire [concernant ma plainte] en Tunisie ils ont encore retardé l’affaire, comme d’habitude. C’était le 8, encore une fois, c’est reporté. Et je sais même pas, après 6 mois, peut-être je vais me retrouver encore une fois au centre de rétention.

 

Auteur: Admin_Ile_de_France

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