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Mayotte : la machine à expulser hors de contrôle

17 juillet 2019

Le 2 juillet 2018, La Cimade déplorait la fermeture des services de la préfecture de Mayotte. Un an après, cette situation ubuesque n’est toujours par réglée. Cette rupture d’égalité devant le service public entraîne non seulement la perte de droits pour des milliers de personnes ; mais les expose désormais à une politique d’expulsion massive au mépris de leurs droits fondamentaux.

préfecture mayotte

Un service public inaccessible

Tous les matins, devant la préfecture de Mamoudzou, dès 6h30, une longue file d’attente se constitue. Depuis plus d’un an, personne ne peut accéder librement aux guichets préfectoraux. Pour l’heure, les personnes doivent avoir été convoquées avant d’entrer dans le chef-lieu. Celles qui ont reçu le sms fatidique ou un appel tant espéré peuvent patienter 5 heures d’affilée avant d’accéder aux guichets. Si elles sont dans la liste, elles seront reçues. Autrement, elles devront revenir le lendemain et attendront que leurs noms/patronymes figurent sur la liste. Cette situation intolérable est devenue le quotidien de centaines de personnes qui patientent tous les jours avant de pouvoir renouveler leur dossier ou déposer une première demande. Comme Maxime[1] : « Cela fait près d’un mois que j’ai été convoqué pour renouveler mon titre de séjour, je suis venu à 6 reprises, et à chaque fois, on me dit de revenir. J’habite à Kahani, je fais près de 2 heures de route et je ne peux pas venir tous les jours. Mon patron menace de me licencier car mon titre de séjour expire bientôt et j’ai envoyé plein de mails à la préfecture mais je n’ai toujours pas eu de réponse. Cela fait des mois que cela dure et c’est de plus en plus difficile. J’ai obtenu 6 cartes de séjour, et tous les ans c’est dur, mais cette année, c’est encore pire. Des amis français et d’autres qui ont pourtant un titre au séjour ont même été expulsés ».

Des refus sans examen personnalisé des situations

Lorsque les personnes reçoivent les décisions suite à l’examen de leurs dossiers, les réponses laissent à désirer. En effet, depuis plusieurs mois, le groupe local de La Cimade constate des arrêtés portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français motivés à l’identique. Des parents d’enfant français.es, des jeunes arrivé.e.s avant l’âge de 13 ans, des conjoints de Français.es ; dont l’admission au séjour est de plein droit, se voient refuser le séjour sous prétexte qu’elles et ils ne se sont pas présenté.e.s à la préfecture en dépit d’avoir été « régulièrement invité.es à produire les éléments complémentaires nécessaires à l’examen de la demande », et par conséquent qu’elles et ils n’entendent donc pas donner suite à leur demande de titre de séjour ». Il s’agit de personnes qui répondent aux critères prévus par la loi, qui ont envoyé tous les documents justifiant de leur ancienneté, de leur présence, de leur insertion sur le territoire et à qui l’administration refuse pourtant le séjour.

Une machine à expulser lancée à plein régime

Depuis janvier 2019, plus de 12 000 personnes ont été expulsées de Mayotte, dont plus de 1 150 mineur.e.s. Le ministre de l’intérieur puis la ministre des Outre-mer ont annoncé que les expulsions n’atteindraient pas 25 000 mais qu’il « fallait aller plus loin … qu’on était capable d’en faire 30 000 ». Derrière ces chiffres se trouvent les vies brisées de femmes, d’enfants privé.e.s de leurs parents, d’hommes, de familles séparées, tou.te.s réduit.e.s à de simples statistiques.

Mohamed[1], ressortissant français, a été récemment séparé de sa conjointe étrangère et ses enfants de 6 et 1 an. Interpellé.e.s à leur domicile pour être enfermé.e.s au CRA, la mère et les enfants ont été expulsé.e.s en à peine quelques heures.

« J’ai montré tous les documents qui prouvaient qu’elle était convoquée à la préfecture, que mes enfants sont français qu’ils n’avaient pas le droit d’être enfermés, on m’a répondu qu’ils étaient en attente. Je suis reparti chez moi chercher des preuves qui justifiaient que ma femme et moi on s’occupait de nos enfants. Quand je suis revenu, on m’a dit qu’ils étaient partis. Cela fait plus d’une semaine qu’ils ont été expulsés et je me retrouve seul à les attendre. Je ne veux pas qu’ils reviennent en kwassa, c’est trop dangereux, j’espère que l’ambassade va répondre, ils n’auraient jamais dû être expulsés. »

Ce témoignage est loin d’être un cas isolé : Des centaines de personnes sont ainsi expulsées sans pouvoir faire valoir leurs droits. La fermeture de la préfecture et son accès limité ne font que renforcer ces situations illégales.

Mayotte représente près de 40% des placements en rétention sur tout le territoire national. Les chiffres de cette île où la machine à expulser fonctionne à plein régime dépassent l’entendement : A lui seul, le centre de rétention administrative de Mayotte représente l’équivalent de l’activité cumulée de 12 CRA métropolitains. Les atteintes au droit et les abus sont nombreux. La Cimade dénonce cette politique d’enfermement massif et d’expulsion qui piétine le droit des personnes à voir leur situation individuelle examinée. Elle demande la réouverture immédiate de la préfecture de Mayotte pour toutes les personnes étrangères souhaitant demander la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour. Fidèle à son combat pour l’égalité des droits, la Cimade demande la suppression des régimes dérogatoires imposés à Mayotte.

 

[1] Les prénoms ont été modifiés

 

Pour aller plus loin :

 

Auteur: Région Outre-Mer

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