Ecoutez-moi, j’ai quelque chose à dire.
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Contrôles aux frontières massifs et discriminatoires, procédures d’interpellation et d’éloignement stéréotypées et collectivisées, les conclusions des missions d’observations menées par l’Anafé et le Gisti sont éloquentes : pour alimenter la peur de l’invasion, l’administration française n’hésite pas à violer le droit français et européen.
Des missions d’observations réalisées par l’Anafé (dont La Cimade est membre) et le Gisti, ont permis de dresser un état des lieux des pratiques préfectorales et policières à l’égard des migrants tunisiens arrivés en France avec un titre de séjour de trois mois délivré par l’Italie.
Il est ainsi aujourd’hui possible d’affirmer qu’il existe une véritable chasse aux Tunisiens.
Dans les gares françaises voisines de l’Italie, la police aux frontières, la police ferroviaire, la police nationale et la gendarmerie sont mobilisées pour renforcer les contrôles d’identité, contrôles clairement discriminatoires, arbitraires et quasi-systématiques.
Les conditions exigées lors de ces contrôles (avoir des ressources, avoir une adresse de destination, voire détenir un billet de retour !) sont très proches de celles demandées aux frontières externes de l’espace Schengen. Or le code des frontières Schengen interdit de telles pratiques.
Pour contourner cette règle, la France et l’Italie sont alors allées jusqu’à demander la modification des conditions de suspension de Schengen, tout en continuant de contrôler massivement à leur frontières intérieures.
Il est vrai que déjà condamnée par la cour de Justice de l’Union européenne (arrêt du 22 juin 2010), la France continue régulièrement de réaliser des contrôles massifs et ciblés à ses frontières intérieures .
La suspension de Schengen rendra donc légales des pratiques illégales et pourtant déjà tellement communes.
De plus, les contrôles se multiplient aussi sur le territoire français, dans les gares ou les autobus (maintenant dans les jardins publics). Seuls bien sûr, les hommes au « type » maghrébin sont contrôlés.
La préfecture des Alpes Maritimes a ainsi pris une note interne ciblant explicitement les Tunisiens. Il s’agit de les arrêter et de leur notifier une décision de renvoi vers l’Italie, pays d’où ils viennent, en évitant la garde à vue et le contrôle du parquet. Cette défiance marquée à l’égard du parquet est compréhensible lorsque l’on voit les procédures irrégulières, collectivisées et stéréotypées mises en œuvre par cette préfecture. Les Tunisiens se retrouvent enfermés en centre de rétention alors qu’ils disposent d’un titre de séjour et de ressources suffisantes.
On estime qu’un tiers des Tunisiens sont alors réadmis par l’Italie. Aux autres, est notifié un arrêté de reconduite à la frontière. Pourtant ces personnes ne sont pas en situation irrégulière, elles disposent du fameux titre de séjour italien ! En les interpellant sur le seul délit de faciès et en leur notifiant une mesure d’éloignement contestable, l’administration française bafoue leurs droits les plus fondamentaux.
Que les préfectures mettent en œuvre de telles procédures, en évitant le contrôle du parquet ou du juge, nous fait craindre le pire. Combien de migrants tunisiens vont être privés de liberté sans raison aucune ? Et pourquoi ? Alors que les forces de police sont mobilisées, que les centres de rétention du sud tournent à plein, les Tunisiens réadmis en Italie repassent la frontière peu de temps après et ceux qui ont été libérés restent en France.
S’agit-il d’alimenter la peur d’une invasion factice ? De faire croire, à force de gesticulation, à des fins politiques, que les migrants tunisiens représentent une quelconque menace ?
Rappelons encore une fois que depuis février, seuls un peu plus de 20 000 Tunisiens ont débarqués à Lampedusa, soit 0.2% de la population tunisienne (qui compte 200 000 diplômés chômeurs, les prévisions sont de 700 000 en juin). Que représentent 20 000 Tunisiens sur les 400 millions d’habitants de l’Europe ?
Lors de nos missions d’observation, comme dans les centres de rétention où La Cimade intervient, nous en avons rencontré beaucoup : beaucoup d’hommes jeunes venus essayer leur liberté fraîchement conquise pour rendre visite à leurs proches, travailler quelques temps avant de repartir en Tunisie, visiter la France…
Aujourd’hui, ils essayent de survivre dans des jardins publics, acculés, interpellés, privés de liberté pendant quelques jours, coincés dans des imbroglios juridiques incompréhensibles…
Face à cette situation, la réponse doit être aujourd’hui politique : il s’agit pour l’Europe et pour la France d’accueillir dignement une poignée de migrants venus célébrer leur liberté, celle là même que nous avions salué.
Alors que la Tunisie, en pleine transition politique, a de son côté accueilli admirablement quelques 250 000 personnes fuyant la Libye, alors que des milliers d’entre eux attendent encore dans les camps montés à la hâte, l’empressement de l’Europe à fermer ses frontières et à refuser la liberté de circulation à des hommes qui viennent de se battre pour la récupérer fait terriblement triste impression.
La Cimade répète qu’il faut aujourd’hui construire une véritable solidarité européenne pour l’accueil des Tunisiens et non une « solidarité policière ». La libre circulation, avec possibilité de faire des allers-retours est la première réponse que l’Union européenne doit apporter à la Tunisie en soutien de sa transition démocratique. Elle doit également au minimum à ces peuples qui se sont battus pour la démocratie, le respect des règles du droit et de la justice.
Communiqué de presse du 29 avril 2001
Auteur: Service communication
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