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Le renforcement des contrôles à la frontière gréco-turque oblige les personnes fuyant des conflits à prendre des routes de plus en plus dangereuses. Ceux et celles qui arrivent à traverser cette frontière européenne sont souvent victimes de refoulement, sont systématiquement enfermé.e.s. à leur arrivée dans des conditions inhumaines et dégradantes. L’Union européenne répond en renforçant les moyens de surveillance et d’interception, alors que l’urgence est à l’accueil et non à la criminalisation.
FIDH, REMDH, Migreurop
Gravité de la situation – limites des politiques migratoires en Europe
Le renforcement des contrôles à la frontière gréco-turque oblige les personnes fuyant des conflits à prendre des routes de plus en plus dangereuses. Ceux et celles qui arrivent à traverser cette frontière européenne sont souvent victimes de refoulement, sont systématiquement enfermé.e.s. à leur arrivée dans des conditions inhumaines et dégradantes. L’Union européenne répond en renforçant les moyens de surveillance et d’interception, alors que l’urgence est à l’accueil et non à la criminalisation.
Tels sont les constats de nos organisations au retour d’une mission d’enquête en Grèce et en Turquie, où notre délégation a pu accéder à des centres de détention en Grèce et interviewer des personnes migrantes et réfugiées et relevé une série de violations avérées des droits des personnes à la frontière. Aucun des acteurs rencontrés durant notre mission et impliqués dans les différentes étapes du contrôle migratoire à la frontière gréco-turque ne peut ignorer cette situation.
En Grèce, les témoignages abondent de personnes victimes de refoulement par les gardes-côtes grecs, que ce soit en pleine mer, ou même une fois posé le pied sur le sol européen [1]. Ces gens n’apparaissent pas dans les statistiques. La délégation a pu s’entretenir avec ces invisibles qui ont témoigné des violences exercées par des gardes-côtes qui les brutalisent (femmes enceintes et enfants compris), et les volent (bijoux, argent, portables), en jetant leurs documents d’identité à l’eau, et les rejettent à la mer vers les côtes turques.
La réforme du droit de l’immigration et de l’asile en cours, censée remédier aux défaillances systémiques plusieurs fois sanctionnées par les cours européennes, cache mal la cacophonie qui règne sur l’identification des responsabilités une fois les migrant.e.s intercepté.e.s. Celles et ceux qui parviennent à rester sur le territoire sont enfermé.e.s systématiquement par les autorités, y compris les mineurs non-accompagnés le temps de leur identification. La Grèce vient à nouveau d’être condamnée à ce propos. A celles et ceux qui sont libérés, la Grèce délivre une obligation de quitter le territoire sous 30 jours, aucun droit sur le territoire. Le taux d’acceptation des demandes d’asile est très faible et les attaques racistes en constante augmentation.
Afghans, Irakiens, Somaliens, Soudanais, Érythréens, Syriens, Palestiniens sont pris en étau entre la Grèce et la Turquie et utilisées comme faire valoir d’une politique de contrôle des frontières que l’Europe encourage.
En Turquie, l’adoption d’une loi sur les étrangers et la protection internationale en avril 2014 n’atténue que peu les craintes des associations notamment sur l’évolution des pratiques et l’obstination turque au maintien des réserves géographiques à la convention de Genève de 1951 qui écarte de la demande d’asile tous les ressortissants non européens. Annonciatrice de nombreux progrès, la nouvelle loi n’en demeure pas moins un miroir inquiétant des travers juridiques bien présents dans le droit européen qu’elle se targue de reproduire (multiplication des procédures accélérées des demandes d’asile ; enfermement pour les personnes en attente de leur renvoi jusqu’à 12 mois) Ces réformes sont le signe que la Turquie amorce un virage « à l’européenne » sans offrir toutes les garanties du respect des droits des personnes : difficile accès à la procédure d’asile notamment pour les personnes en centre de rétention, pas de loi sur la protection des données personnelles, enfermement des mineurs et des familles, absence d’accès à l’aide juridictionnelle. De plus, les autorités ont expulsé des centaines de syriens dès qu’ils ont commencé à arriver en Turquie. L’ambition de cette réforme trouve ses limites dans les manquements structurels de la Turquie à ses obligations internationales. Mais elle butte aussi face au nombre important de celles et ceux qui ne peuvent entrer légalement en Europe et dont la Turquie a, in fine, la charge.
Que fait l’Europe ? Comment se positionne alors l’agence Frontex et derrière elle les institutions européennes lorsqu’elles sont témoins et participent, à tout le moins indirectement, à ces violations des droits humains?
À l’instar de Lampedusa, l’Union européenne a proposé à la Grèce un soutien essentiellement orienté sur la présence depuis plusieurs années de l’agence européenne de surveillance des frontières, Frontex, à la frontière maritime et terrestre gréco-turque. Cette présence n’a pourtant modifié ni les conditions d’accueil des migrants, ni la dangerosité de cette route migratoire. Et les violations des droits des personnes à la frontière continuent.
Du côté turc, la situation particulièrement préoccupante des migrant.e.s ne semble en aucun cas être un frein à la négociation d’un accord de réadmission entre l’UE et la Turquie, au financement de la construction de lieux d’enfermement, ni à la perspective d’une coopération entre les autorités turques et Frontex.
Ces dernières semaines, la tragédie au large des côtes de Lampedusa semble avoir réveillé les consciences sur la détresse des migrant.e.s qui essaient d’atteindre le territoire européen. L’UE envisage maintenant d’augmenter les capacités de Frontex pour faire face à cette situation. Or, nos organisations n’ont eu de cesse de répéter que la détresse des migrant.e.s et la dangerosité de leurs routes sont étroitement liées à l’absence d’alternative pour accéder au territoire européen, et aux conditions d’accueil insuffisantes à l’intérieur et aux frontières de l’Europe.
Le contrôle aux frontières ne sauve pas des vies mais conduit à la violation des droits – si ce n’est à la mort- d’hommes, de femmes et d’enfants.
Le rapport de la mission sera rendu public au premier trimestre 2014.
Associations soutenant ce communiqué de presse : ABCDS Oujda (Maroc), AMDH (Mauritanie), AMDH (Maroc), AME (Mali), ARACEM (Mali), ARCI (Italie), CIRÉ (Belgique), CNCD 11.11.11. (Belgique), Fasti (France), FIDH (international), GADEM (Maroc), GISTI (France), GRAMI AC (réseau régional basé au Cameroun), Justice Sans Frontières Migrants (réseau euro africain), La Cimade (France), LDH Belgique, Migreurop (Europe Afrique), Progress Lawyer Network (Belgique), REMDH (régional-euro-méditerranéen)
[1] « Pushed back, systematic human rights violations against refugees in the Aegean sea and at the Greek Turkish borders », Pro Asyl, novembre 2013
Auteur: Service communication
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