Vers un nouveau schéma national d’accueil : orientations directives et refus des conditions matérielles d’accueil
Orientations directives L’article 2 de l’arrêté du 13 mai 2022 a fixé la part de chaque région ...
Afin de s’assurer que les réfugié·es peuvent accéder à une protection, les États doivent garantir le droit de demander et de bénéficier de l’asile, et tenir leurs engagements à l’égard du système international de protection des réfugié·es. En vertu de l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (UE), cette obligation s’applique à tous les Etats membres de l’UE. Pourtant, les récentes tentatives de plus en plus nombreuses de l’UE et de ses Etats membres de se soustraire à leurs obligations en matière d’asile en externalisant le traitement des demandes d’asile et la protection des réfugié·es risquent de saper le système de protection internationale. Les organisations humanitaires et de défense des droits humains signataires sont préoccupées par ces développements et exhortent l’UE et ses Etats membres à préserver le droit d’asile sur le territoire européen.
Les discussions sur l’externalisation de l’asile ne sont pas nouvelles, et ont été systématiquement critiquées, contestées et rejetées au cours des dernières années. La Commission européenne elle-même a écarté la compatibilité légale de tels modèles en 2018, les qualifiant de « ni souhaitables, ni réalisables ». Les besoins mondiaux en matière de protection sont plus élevés que jamais, et les pays à revenu faible et intermédiaire accueillent 75% des réfugié·es dans le monde. En dépit de cela, les propositions visant à transférer vers des Etats tiers le traitement des demandes d’asile voire la responsabilité de la protection des réfugié·es se sont multipliées récemment.
L’Italie, par exemple, cherche actuellement à traiter les demandes d’asile de certains groupes de demandeurs et demandeuses d’asile en-dehors de son territoire, au sein de centres de détention en Albanie – ce qui risque de conduire à une détention systématique et prolongée, une privation d’accès à des procédures d’asile équitables avec les garanties procédurales nécessaires, et à des retards dans le débarquement des personnes secourues ou interceptées en mer. D’autres Etats, comme le Danemark ou l’Allemagne, évaluent actuellement la faisabilité de ce type d’arrangements. Quinze Etats membres et plusieurs groupes politiques ont fait la promotion de mesures similaires visant à déplacer le traitement des demandes d’asile hors du territoire de l’UE et ont encouragé la Commission européenne à explorer les moyens de faciliter cette démarche à travers une nouvelle réforme législative, notamment par le biais d’une version édulcorée du concept de « pays tiers sûr ».
Ces tentatives doivent être replacées dans un contexte où des efforts d’endiguement sont réalisés en parallèle en vue de réduire les départs et d’empêcher les arrivées de demandeurs et demandeuses d’asile sur le territoire de l’UE à travers des accords de partenariat avec des Etats tiers, dans lesquels peu ou pas d’attention n’est donnée au bilan de ces Etats en matière de droits humains. Au cours des dernières années, la Commission européenne a persisté à contourner le contrôle public et parlementaire ainsi que le cadre législatif de l’UE en concluant des accords toujours plus controversés et opaques avec des pays tiers, leur faisant parvenir de larges sommes d’argent sans réelles garanties ou mécanismes de contrôle en matière de droits humains, dans l’objectif de contenir et de dissuader les migrations et les mouvements secondaires de réfugié.e.s vers l’UE sans considération pour les conséquences en termes de vie humaine.
Le coût humain de l’externalisation
Les tentatives d’externalisation de l’asile vers des pays tiers sont une manifestation de l’évitement flagrant par les Etats de leur responsabilité légale à l’égard des personnes en recherche de protection. Externaliser le traitement des demandes d’asile et de la protection à des Etats tiers qui ne sont pas en mesure de fournir une protection effective ou qui accueillent déjà des personnes réfugiées de manière disproportionnée n’est pas conforme à l’objectif et l’esprit de la Convention de Genève. En outre, cela brouille les compétences et responsabilités, rendant plus difficile encore l’accès à la justice pour les personnes qui subissent des violations de leurs droits. Lorsque le traitement extraterritorial des demandes d’asile a été expérimenté, il a causé des souffrances humaines et des violations des droits incommensurables.
Le programme de détention offshore de l’Australie montre notamment comment ces modèles ont entraîné un confinement prolongé et une restriction de la liberté de mouvement, nuisant gravement à la santé mentale et physique des personnes en quête de protection. Il en résulte des violations persistantes des droits humains, notamment l’imposition de conditions équivalant à un traitement inhumain et dégradant, la négligence, la défaillance d’accès à une aide juridique, l’absence d’identification et d’assistance pour les vulnérabilités, et la séparation des familles. Cette expérience aurait dû servir d’avertissement. Mais des tentatives plus récentes – comme celle du régime d’asile Royaume-Uni/Rwanda, qui n’est pas encore en vigueur après avoir été jugé illégal par la Cour suprême du Royaume-Uni et qui, en tout étant de cause, a peu de chance d’être mis en œuvre à grande échelle – ont déjà conduit à placer des personnes en détention et dans un vide juridique préjudiciable, sous la menace d’une expulsion. L’éloignement de demandeurs et demandeuses d’asile vers le Rwanda ou dans d’autres Etats tiers enfreint les obligations des pays d’accueil en vertu des normes internationales relatives aux réfugié·es, et sape leur engagement en faveur de l’Etat de droit.
Les fausses promesses de l’UE et des Etats membres d’assurer le respect des droits fondamentaux dans le contexte des accords d’externalisation ne sont que des paroles en l’air. Comme le démontrent les nombreuses violations des droits humains dans les pays partenaires tels que la Libye, l’UE et les Etats membres ne disposent pas d’outils et de compétences adéquats pour contrôler ou faire respecter de manière effective les normes en matière de droits humains en dehors du territoire de l’UE.
Au-delà du terrible coût humain, ces accords ont aussi un impact désastreux sur la gestion et le coût des régimes d’asile. A titre d’exemple, les coûts estimés du projet britannique d’expulser contre leur gré des personnes vers le Rwanda s’élèvent à 1,8 million de livres sterling par demandeur ou demandeuse d’asile éloigné. Il ne s’agit pas seulement d’un gaspillage d’argent public injustifiable, mais également d’une perte d’opportunité d’utiliser ces sommes pour aider réellement les personnes qui demandent l’asile en investissant dans des régimes d’asile humains et équitables et dans les communautés qui contribuent à les accueillir.
Les effets ricochets de cette fuite des responsabilités
La faisabilité politique des accords d’externalisation a aussi été largement contestée en raison de la réticence des Etats tiers à assumer la responsabilité des demandeurs d’asile ou des réfugié·es que l’Europe refuse d’accueillir. L’externalisation du traitement des demandes d’asile et de la protection des réfugié·es envoie un signal dangereux aux pays du Sud concernant le refus des pays de l’UE de respecter leurs responsabilités envers les réfugié·es et de faire leur juste part. Loin de faire preuve de solidarité internationale, l’UE cherche à rejeter ses responsabilités sur des pays qui accueillent déjà la majorité des réfugié·es, souvent avec moins de ressources – une politique qui n’est pas forcément propice au renforcement d’une influence mondiale, objectif affiché par la Commission européenne. En parallèle, l’UE réduit le soutien hors migration qu’elle apporte aux pays partenaires, en réorientant une aide déjà rare vers des efforts pour limiter les migrations, et en consacrant une grande partie de l’aide publique au développement (APD) dans des programmes nationaux. Près de 17% de l’APD des membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’UE est allouée aux coûts de l’accueil des réfugié·es au sein des pays donateurs, ce qui signifie que cette somme ne quitte jamais leur territoire. Les relations commerciales ou en matière de visa sont également devenues des éléments de négociation dans le cadre d’accords controversés avec des Etats tiers, afin de pousser ces derniers à atteindre les objectifs fixés par l’UE en matière de migration. .
Ce manque d’engagement à l’égard du partage des responsabilités, des traités internationaux et du système mondial de protection des réfugié·es n’échappe pas aux pays partenaires et risque de saper leur volonté de fournir une protection : pourquoi d’autres grands pays d’accueil seraient-ils incités à assumer la responsabilité de l’UE en matière de protection des réfugié·es, alors que l’UE elle-même refuse de garantir le droit de demander l’asile sur son territoire ? Le potentiel effet ricochet pourrait être dévastateur pour la protection des réfugié·es au niveau mondial.
Bien que le transfert des demandeurs et demandeuses d’asile en dehors du territoire de l’UE pour l’examen des demandes d’asile et la protection des réfugié·es ne soit pas prévu par le Pacte, ni par le cadre légal européen actuel, les organisations de la société civile ont clairement fait part de leur graves préoccupations concernant les réformes qui ont été récemment adoptées dans le cadre du Pacte sur la migration et l’asile. Après que l’UE et les Etats membres ont passé près d’une décennie à chercher à réformer le système européen de l’asile, ils devraient désormais se concentrer sur sa mise en œuvre dans le cadre d’une approche centrée sur les droits humains qui donne la priorité au droit d’asile, conformément au droit européen et aux principes fondamentaux du droit international des réfugié·es auxquels ils sont toujours tenus de se conformer. Ils ne devraient pas, quelques semaines seulement après l’adoption de la réforme, perdre plus de temps et de ressources pour des propositions qui sont incompatibles avec le droit européen et international.
Signataires :
ActionAid International
Adopt a Revolution
AGDDS
AMERA International
Amnesty International
APDHA – Asociación Pro Derechos Humanos de Andalucía
ARCI (Associazione Ricreativa e Culturale Italiana)
Asociación de Mujeres migrantes y refugiadas Tierramatria
Asociación Elin
Asociación Rumiñahui
Bedsteforældre for Asyl
Brot fuer die Welt
Caleidoscopia
Caritas Europa
Casa do Brasil de Lisboa
CCFD-Terre Solidaire
CEAR
Centre for Peace Studies
Christian Council of Norway
Churches’ Commission for Migrants in Europe, CCME
Ciré asbl
CNCD-11.11.11
Commission on Migration of the European Baptist Federation
CONVIVE – Fundación Cepaim
CRLDHT
Danish Refugee Council
Danish United Nations Association / FN-forbundet
DIGNITY
Dutch Council for Refugees
Ellebæk Contact Network
EuroMed Rights
Europe Cares eV.
European Council on Refugees and Exiles (ECRE)
European Evangelical Alliance (EEA)
European Network on Statelessness
Federation of Protestant Churches in Italy (FCEI)
Finnish Refugee Advice Centre
Finnish Refugee Council
Foundation for the Promotion of Rights, Algeria
Fundación Alboan
Fundacja Inicjatywa Dom Otwarty
Fundacja Right to Protection
Geloof & Samenleving
Greek Council for Refugees (GCR)
HIAS Europe
Human Rights Legal Project
Human Rights Watch
I Have Rights
International Rescue Committee
Irídia-Center for the Defense of Human Rights
iuventa-crew
JRS Europe
Justice & Peace Netherlands
La Cimade
LeaveNoOneBehind
LGBT Asylum
Ligue des droits humains Belgique
Lysfest for Humanisme
Médecins du Monde International Network
Migration Consortium
Migration Policy Group
Mission Lifeline International.e.V.
Movimiento por la Paz, MPDL
Novact
Ocalenie Foundation
Oxfam
Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants – PICUM
Polish Migration Forum
Polska Akcja Humanitarna
PRO ASYL
r42-SailAndRescue
RECOSOL – Rete delle Comunità Solidali
RED ACOGE
Refugees International
Refugee Legal Support (RLS)
Refugees Welcome
RESQSHIP e.V.
Salud por Derecho
Save the Children
Sea-Watch
Seebrücke
Servicio Jesuita a Migrantes España – SJM
Små Broer
SOLIDAR
Solidarity with Kærshovedgård
SOS Humanity
SOS Racism Denmark
Statewatch
Stowarzyszenie Egala / Egala Association
Svenska Kyrkan (Church of Sweden)
United Against Inhumanity
Vluchtelingenwerk Vlaanderen
Vores Asylbørn
Zusammenland gUG
Auteur: Service communication
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