Migrations : quels parcours de vie ?
Des parcours variés
En 2019, on comptait 132 614 personnes en demande d’asile dans la France entière. Au début de l’année, plus de 1300 personnes patientaient sur le secteur de Porte de la Chapelle. Derrière ces chiffres abstraits, il y a des êtres humains vulnérables.
En dépit des quelques mises à l’abri des demandeurs et demandeuses d’asile, le nombre de personnes migrantes ne diminue jamais : la situation dans leur pays d’origine ne s’apaise pas. Si les flux migratoires dépendent des actualités des pays, une grande partie des personnes réfugiées et migrantes actuelles proviennent d’Afghanistan, du Pakistan, de Turquie ou de Syrie. À Porte de la Chapelle, la majorité des personnes issues de l’immigration sont afghanes. On dénombre beaucoup plus d’hommes que de femmes, et les personnes mineures se font plus rares.
Malgré une immense diversité de profils liée aux parcours de vie variés, deux aspects les réunissent : la demande d’asile et le manque de prise en charge. En situation irrégulière, l’accès au titre de séjour ou à la demande d’asile est particulièrement difficile.
Pas de prise en charge pour les personnes mineures
La réponse actuelle à la crise migratoire étant défaillante, la vie des jeunes migrant·e·s est mise sur pause. En juillet dernier, le Square Jules Ferry dans le 11e, qui faisait office de campement de Mineur·e·s Non-Accompagné·e·s (MNA) a été évacué.
De par leur âge, les enfants et adolescent·e·s font face à une énième difficulté : la reconnaissance du statut de Mineur·e·s Non-Accompagné·e·s (MNA, anciennement Mineur·e·s Isolé·e·s Étranger·e·s).
Reconnu·e·s comme MNA, la prise en charge des enfants relève de la protection de l’enfance. Il s’agit pour eux et elles d’une chance de se sortir de la misère : en tant que mineur·e, survivre dans la rue est extrêmement difficile. L’accès à l’eau, à la nourriture et à la sécurité sont loin d’être garantis.
Les évaluations de minorité sont souvent repoussées et les démarches sont complexifiées. Les enfants se retrouvent dans un vide juridique où ils et elles ne correspondent ni aux dispositifs destinés aux majeur·e·s, ni aux établissements pour mineur·e·s. La terre d’asile prend un autre visage : celui d’une société qui laisse des enfants souffrir dans la rue.
La Cimade et ses partenaires plaident pour que des solutions soient trouvées pour répondre aux graves carences en matière d’accueil et de prise en charge des jeunes étranger·e·s en danger.
Les mots et les maux des personnes migrantes
Si la situation stagne depuis l’application de la procédure Dublin, les conditions se dégradent considérablement avec l’arrivée de la Covid-19. Au Nord-Est de Paris, des milliers de personnes vivent dans des zones insalubres, où le virus circule, sans possibilité pour elles de se protéger.
À Paris, le préfet de police, Didier Lallement, avait annoncé que “les installations de campements de migrants sur l’espace public ne sont plus tolérées”. Les démantèlements s’ajoutent aux innombrables contraintes auxquelles les personnes migrantes font face.
L’hiver dernier près de 1 600 personnes avaient été évacuées des campements de Porte de la Chapelle et de Saint-Denis. Un autre démantèlement a eu lieu dans l’un des plus grands campements de personnes migrantes autour de Paris, à Aubervilliers. Près de 450 policier·e·s et militaires étaient présent·e·s pour déplacer les individus.
Les populations sont délogées d’un point à un autre sans aucune possibilité d’ancrage. Les accueils temporaires dans les gymnases, faisant suite aux expulsions, ne garantissent en rien un hébergement correct. Lorsqu’enfin une solution viable fait surface, elle est ignorée : le principe d’accueil inconditionnel en est la preuve. Les quelques Centres d’accueil complètement engorgés, à l’instar de Centre humanitaire de La Chapelle, donnent lieu à des rixes et à de la maltraitance administrative.
Comment se reconstruire dans une situation aussi instable ? La pression subie est inhumaine, pourtant, les personnes migrantes évacuées subsistent sur l’espace public, faute de choix.
Kamel, étudiant sans-papier d’origine soudanaise témoigne : “Je vais à l’école alors que je dors dehors. Je ne peux pas me doucher le matin, je mets le même pantalon depuis trois mois et hier soir, on m’a volé mon téléphone”.
L’insertion pourrait sembler impossible, pourtant il s’accroche. Quelques campements plus loin, un jeune Afghan s’est donné la mort un peu plus tôt en décembre. Certain·e·s ne trouvent plus la force de continuer sous une pression aussi forte. La Cimade se bat pour que ces tragédies n’arrivent plus. Elle aide les personnes à accéder aux procédures de demande d’asile.
Abi Whula, un autre réfugié afghan se sent complètement démuni : « S’il vous plaît, écoutez-nous ! Ce n’est pas facile de dormir dehors. On est épuisés. On est comme vous, on est des êtres humains. Si vous étiez dans ma situation, vous ressentiriez la même chose. »
Être une personne migrante à Paris, c’est voir ses droits humains ignorés. Ces conditions ne permettent en aucun cas de se reconstruire. En tant qu’association militante œuvrant en faveur des personnes opprimées, La Cimade est impliquée dans des actions favorisant la réinsertion : en plus de l’hébergement en Centre d’accueil, des cours de langues sont proposés ainsi qu’un accompagnement à la demande de titre de séjour. La Cimade s’implique plus largement dans la défense des droits individuels, le plaidoyer juridique, la dénonciation publique de l’inacceptable, la formulation de propositions alternatives aux politiques migratoires, et le travail de sensibilisation de l’opinion.
La condition des personnes étrangères de Porte de la Chapelle vous révolte et vous souhaitez leur apporter du soutien ? Faites un don auprès de La Cimade.