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Rapport du défenseur des droits de mai 2016 : décryptage des recommandations particulières à l’Outre-mer

13 juin 2016

En mai 2016, le Défenseur a publié un rapport, dans lequel il relève les entraves à l’accès pour les étrangers aux droits fondamentaux, notamment les entorses permises à l’interdiction des différences de traitements.
Si ce rapport vise des situations relatives à l’ensemble du territoire national, cet article met en avant les points et recommandations du Défenseur particuliers aux territoires d’outre-mer.

Le Défenseur des droits (le Défenseur) est une autorité constitutionnelle indépendante. Nommé par le Président de la République, il est en charge de défendre les droits des citoyens face aux administrations et a une action particulière en matière de promotion des droits de l’enfant, de lutte contre les discriminations, du respect de la déontologie des activités de sécurité. Depuis  juillet 2014, Jacques Toubon occupe cette fonction.

En mai 2016, le Défenseur a publié un rapport sur les Droits fondamentaux des étrangers en France où il relève les entraves à l’accès pour les étrangers aux droits fondamentaux, notamment les entorses permises à l’interdiction des différences de traitements.

Si ce rapport vise des situations relatives à l’ensemble du territoire national, cet article met en avant les points et recommandations du Défenseur particuliers aux territoires d’outre-mer.

  1. A Mayotte : des éloignements opérés via le rattachement à un tiers non investi de l’autorité parentale (p.99)

Le Défenseur parle d’« un infléchissement important à Mayotte […] [de] l’interdiction absolue d’éloigner un mineur ».

Afin de contourner l’interdiction de renvoyer les mineurs isolés interceptés pour la plupart aux abords maritimes de Mayotte sur une embarcation de fortune, l’administration leur attribue un lien parental fictif avec un adulte présent sur cette même embarcation. Alors même que leurs parents sont parfois en situation régulière à Mayotte, ces enfants sont alors renvoyés vers les Comores, livrés à eux-mêmes.

Cette manœuvre indigne et qui engage gravement la protection des droits de l’enfant, a fait l’objet de nombreuses interpellations de l’administration, saisines de diverses autorités de protection des droits de l’Homme et contentieux soutenus notamment par plusieurs associations dont La Cimade.

Ces démarches ont permis l’encadrement plus strict, par le Conseil d’Etat, du placement en rétention des mineurs puisque l’administration doit désormais s’assurer de l’identité des enfants, de la nature exacte de leurs liens avec le majeur accompagnant et des conditions de leur prise en charge dans le pays de destination.

Si cette décision assure davantage de protection à ces mineurs interpellés, le Défenseurs souligne que le droit ne pourra véritablement s’appliquer à Mayotte que lorsque les personnes étrangères seront mises en capacité d’accéder à un juge.

  1. Des reconduites illégales vers des pays où l’étranger n’est pas légalement admissible – Guyane (p. 136)

La Cimade dénonce depuis plusieurs années le renvoi opéré depuis la Guyane de nombreux ressortissants, notamment chinois et guyaniens, vers le Suriname, et ce en l’absence de tout cadre légal. En effet, en l’absence de laissez-passer ou d’accord de réadmission en vigueur, il est impossible de renvoyer un étranger dans un pays qui n’est pas le sien.

Le Défenseur, saisi en ce sens, estime que cette pratique est illégale et a eu l’occasion de le rappeler dans le cadre d’un contentieux initié auprès de la juridiction administrative. Cette dernière (CAA Bordeaux – 11 mai 2015) a sanctionné la préfecture, jugeant illégal  le renvoi d’un ressortissant chinois vers le Surinam.

Le Défenseur recommande dès lors au ministre de l’Intérieur d’intervenir pour que cesse définitivement le renvoi d’étrangers vers des pays où ils ne seraient pas légalement admissibles.

  1. Du recours contestable à des documents unilatéralement émis par le pays procédant à l’éloignement pour pallier la non-délivrance de laissez-passer consulaires : Le recours à des laissez-passer « préfectoraux » (p. 140)

Cette pratique consiste pour la préfecture à émettre un « laissez-passer » établissant officiellement la nationalité étrangère déclarée par l’intéressé, sans sollicitation du pays concerné. Ce document, établi sans base légale, est alors utilisé comme document de voyage lors de l’exécution des renvois.

Ces pratiques permettent des expulsions très rapides que les étrangers visés n’ont pas le temps de contester. Elles peuvent également conduire à éloigner des personnes vers un pays dans lequel elles n’ont pas de titre de séjour, les exposant ainsi délibérément à de nouvelles poursuites.

Si La Cimade constate un nombre désormais plus limité de laissez-passer préfectoraux émis, cette pratique perdure à ce jour.

Le Défenseur rappelle « l’impossibilité d’utiliser ce document » et engage le ministère de l’Intérieur à adresser aux préfectures concernées des instructions en ce sens.

  1. Les droits civils et politiques : La liberté d’aller et venir : Contrôle de l’identité et du séjour, un ciblage des étrangers : Les contrôles transfrontaliers (article 78-2 al. 4 du CPP)- tout l’outre-mer dérogatoire  (p. 167)

Les contrôles sur la voie publique sont multipliés en métropole dans les zones frontalières pour compenser la fin des frontières au sein de l’espace Schengen. Dans ces zones, les contrôles d’identité sont facilités et la police peut contrôler pendant une durée limitée (6 heures consécutives par jour) l’identité de toute personne quel que soit son comportement et sans autorisation préalable du Procureur.

Aux zones frontalières ont été ajoutées les zones les plus habitées de Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique et de Mayotte. Cela signifie que dans ces territoires, les contrôles sont beaucoup moins encadrés qu’ailleurs en France.

La Cimade dénonce depuis déjà 10 ans l’absence d’encadrement des contrôles d’identité sur la voie publique en outre-mer du fait de ces dispositions dérogatoires.

Le Défenseur fait remarquer que ces dispositions prévues en contrepartie de la fin des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen en métropole ne peuvent se justifier ainsi en outre-mer puisque les contrôles aux frontières en outre-mer n’ont pas été modifiés par la convention Schengen. Il interroge la logique de ces contrôles.

  1. L’accès à la justice : Droit à un recours effectif : une exclusion du droit commun préjudiciable aux étrangers présents outre-mer (p.179)

Par exception au droit commun applicable ailleurs en France, l’administration en Guyane, à Mayotte, en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy peut procéder au renvoi d’une personne étrangère sans attendre que le juge saisi par cette dernière, ne se soit exprimé sur la légalité de ce renvoi. On dit de ce recours qu’il est « non suspensif » de l’éloignement.

En 2012, la Cour européenne des droits de l’Homme condamnait la France pour violation du droit au recours effectif (CEDH, France c/De Souza Ribeiro, 13 déc. 2012), suite au renvoi expéditif depuis la Guyane d’une personne étrangère légalement protégée contre cette expulsion et en dépit d’une saisine du juge en cours.

Au-delà du cas d’espèce, la Cour soulignait que l’effectivité d’un recours requiert un examen indépendant et rigoureux.

En dépit de plusieurs contentieux engagés avec l’appui voire directement par des associations dont La Cimade, et malgré plusieurs avis d’autorités de protection des droits de l’Homme dont le Défenseur, le ministère ne s’est réellement penché sur l’application de cet arrêt que dans le cadre de la réforme du droit des étrangers votée le 7 mars 2016.

L’application qui en a été faite demeure néanmoins très insuffisante : si la loi prévoit qu’un certain type de recours puisse désormais suspendre le renvoi d’une personne jusqu’à ce que le juge ait examiné la procédure, cette procédure est plus compliquée à mettre en œuvre qu’un recours classique existant ailleurs en France.

Par ailleurs, certains renvois sont organisés tellement vite qu’il sera de toute manière, matériellement impossible de saisir la justice.

Le Défenseur réitère ses recommandations tendant à l’alignement du droit applicable en outre-mer sur les dispositions de droit commun en matière d’accès au juge.

  1. Les droits économiques et sociaux : Demandeurs d’asile : des entraves à l’accès aux conditions matérielles d’accueil (p. 214)

La réforme du droit d’asile votée en 2015 a confirmé l’exclusion de Mayotte des conditions matérielles d’accueil applicables ailleurs en France.

Faute de centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), les demandeurs d’asile présents à Mayotte n’ont accès qu’à une « structure bénéficiant de financements du ministère chargé de l’asile pour l’accueil des demandeurs d’asile ».

Contrairement aux CADA, ce dispositif d’hébergement n’intègre pas l’accompagnement des personnes hébergées dans leurs démarches d’asile.

Par ailleurs, les demandeurs d’asile « perçoivent en lieu et place de l’allocation de droit commun, des « aides matérielles ».

Ces deux dispositifs sont pourtant prévus par le droit de l’Union européenne applicable à Mayotte.

Le Défenseur demande en la matière l’alignement du droit applicable à Mayotte et dans le reste de la France.

Lien vers le rapport complet:

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Auteur: Région Outre-Mer

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